Du 29 octobre au 3 novembre 2024, la petite ville de Ménigoute, dans les Deux-Sèvres, a été prise d’assaut par les 30 000 visiteurs du FIFO (Festival international du film ornithologique). Cinquante-deux films dont 44 en compétition, salon d’art animalier, assos, conférences, atelier, sorties nature… En quarante ans, le festival est devenu un rendez-vous incontournable des naturalistes.
par Danièle Boone
En ce 29 novembre 2024, le 40e FIFO s’ouvre avec un hommage à Michel Terrasse. « Michel Terrasse, c’était quelqu’un de connu dans le milieu naturaliste et animalier, mais pas ailleurs », remarque Dominique Brouard, le fondateur du FIFO. Il est sur scène avec Allain Bougrain-Dubourg, président de la LPO et membre des JNE, pour rendre hommage à leur ami. Jean-François Terrasse, son frère, et Cécile, sa fille sont présents aussi. Catherine Lesveque-Lecointre (JNE), « la journaliste du festival », comme le rappelle Dominique, anime cet hommage.
C’est l’occasion de retracer cette formidable aventure que fut la réintroduction de vautours fauves puis celle de gypaètes barbus. Éléments pourtant essentiels dans la chaîne alimentaire en tant que prédateurs, ils avaient été quasiment exterminés par les chasseurs trop zélés comme la plupart des autres rapaces d’ailleurs. Aujourd’hui, grâce à ces téméraires naturalistes, on peut de nouveau admirer ces grands oiseaux dans nos cieux. Ce fut l’occasion de (re)voir « le retour du Bouldras* » ainsi que la dernière interview restée inédite de Michel et Jean-François.
Un programme dense
Pour la soirée d’ouverture, nous attendions avec impatience Perchés, le spectacle des chanteurs d’oiseaux. Les prouesses vocales de Johnny Rasse et Jean Boucault qui imitent à la perfection un nombre incroyable d’oiseaux avaient attiré énormément de monde. Raphaël Dumont les accompagnait au saxophone. Évoquer les compositeurs inspirés par les oiseaux est l’idée de ce spectacle. Il y a bien eu des séquences époustouflantes comme celle de la Flûte enchantée avec le duo entre un chardonneret et le saxo, mais la lourdeur de l’humour a laissé perplexe un grand nombre d’entre nous. La soirée n’était pas terminée puisque le spectacle était suivi de la première séance des films en compétition dont Grebe the lover de l’Iranien Amir Agha Abdollahi qui a été primé. Cette année, le jury était présidé par Bruno Vienne, réalisateur d’une quarantaine de films. Le jeudi soir, on a pu revoir Paul Watson, l’œil du cachalot, son documentaire sur Paul Watson réalisé en 2001, une manière de soutenir le militant écologiste qui était venu au FIFO en 2015. ➜ voir l’interview de Paul Watson sur MainateTV.
Le forum est le lieu des associations (cf. l’article de Pierre Grillet). On y trouve aussi toutes sortes de produits « naturels » : miel, savon, nichoirs, laines, cartes… Beaucoup de stands, dont celui du Fifo, proposent des livres neufs et d’occasion. Les éditeurs comme Delachaux et Niestlé, Biotope, Salamandre… sont bien représentés soit directement soit dans des stands de libraires. J’ai retrouvé Roland de Miller (JNE) qui proposait des ouvrages d’occasion de Robert Hainard, Paul Géroudet, François Terrasson et bien d’autres. Personnellement, j’ai acheté Nature primordiale, le premier livre de Bernard Boisson (JNE) qui manquait dans ma bibliothèque !
Si certains visiteurs ne ratent aucune projection, la plupart profitent aussi des autres activités, ateliers, conférences, sorties natures dont certaines sont programmées sur la journée.
Le salon d’art animalier propose des expositions de photos, dessins, sculptures, céramique. Toujours beaucoup de plaisir de retrouver Fabrice Cahez, super photographe et militant qui n’hésite jamais à donner ses photos pour la cause animale. Parmi les exposants, Jonathan Rebouillat a présenté ses extraordinaires origamis. Il a d’ailleurs reçu le trophée de l’art pour la nature « prix coup de pattes ».
Retour sur l’histoire du Festival
« Les Brouard, ce sont eux qui ont inventé le festival », explique Marc Giraud. Remontons le temps. Début des années 1980, un territoire encore très rural : la Gâtine. Beaucoup d’élevage et un bocage vivant. C’est là, dans cette nature encore préservée, que Dominique Brouard débarque avec son épouse Marie-Christine. Fin 1981, il prend ses fonctions de directeur du centre socio-culturel de Ménigoute. « Dès février 1982, j’ai lancé la quinzaine de la nature. L’évènement a été bien accueilli, j’ai donc recommencé l’année suivante. Dans le même temps, j’ai proposé de créer un CPIE (Centre permanent d’initiatives pour l’environnement) qui existe encore et emploie aujourd’hui une quinzaine de personnes.» Dominique propose alors de transformer la quinzaine de la nature en Festival international du film ornithologique. Le FIFO est historiquement le premier festival du genre et le premier rendez-vous naturaliste de France.
L’histoire du Festival, c’est aussi celle de la protection de la nature. « L’historique de Ménigoute est très lié à la LPO qui elle-même était très liée aux JNE, remarque Marc. Les premiers protecteurs de la nature, on les voyait partout. Donc c’était la LPO, les JNE, toujours un peu les mêmes. » Pierre Pellerin, l’un des fondateurs de notre association, est venu à Ménigoute et Nicole Lauroy, qui fut présidente des JNE a participé au jury au moins une fois.
L’IFFCAM, école du cinéma animalier
«Au début des années 2000, j’ai proposé de créer une école de cinéma animalier », poursuit Dominique Brouard. L’IFFCAM (Institut francophone de formation au cinéma animalier de Ménigoute) ouvre ses portes en 2024. « La création de l’IFFCAM, il y a vingt ans a donné un nouveau souffle au festival. De nouveaux réalisateurs très inventifs renouvellent le genre animalier classique. Il y a également une intergénérationnalité » remarque Catherine Levesque-Lecointre. « Les premiers de l’IFFCAM viennent maintenant avec leurs enfants », renchérit Marc Giraud. D’ailleurs, Marie Daniel, la directrice actuelle de l’Institut, est issue de la première promotion.
Léa Collober, lauréate du Lirou d’or, le grand prix de Ménigoute, pour son film Odyssée Mare, est elle aussi passée par l’IFFCAM. Ce film de 27 minutes produit par La Salamandre met en parallèle l’infiniment grand et l’infiniment petit. D’une grande poésie et d’une qualité rare tant pour les images que pour le texte, il a émerveillé l’ensemble des spectateurs ➜ voir le palmarès de l’édition 2024
L’IFFCAM est installé à quelques kilomètres de Ménigoute, au cœur d’un site naturel de 70 hectares. L’école dispose donc de tout l’environnement nécessaire à l’apprentissage du cadrage et de la prise de son spécifique à l’approche animalière. Elle est en lien étroit avec le FIFO et y participe activement notamment avec l’IFFCAM.TV. Les jeunes réalisent des interviews de réalisateurs et d’autres personnalités présentes sur le FIFO. Les rencontres professionnelles, qui se déroulent pendant la semaine du festival, abordent des sujets clefs. Cette année, Catherine animait une table ronde passionnante sur « la représentation du vivant dans les récits des films animaliers et des fictions audiovisuelles ».
Une médiathèque à venir
A écouter Dominique Brouard, tout semble s’être emboîté naturellement mais il lui a fallu sans doute beaucoup d’énergie pour mettre en place ce qui fait la notoriété du FIFO. Et il n’a pas fini ! Son nouveau projet est de réhabiliter le château Boucard, situé à Ménigoute, pour accueillir la colossale bibliothèque de Jean-Marc Thiollay. Ce chercheur de renommée mondiale, spécialiste des rapaces, en a fait don à Ménigoute. Quant à Cécile, la fille de Michel Terrasse, elle vient de faire don à Ménigoute, de tous les films de son père. Ce sera l’occasion de les remastériser. Ils viendront rejoindre les livres rassemblés par Jean-Marc Thiollay. Cette médiathèque unique sera ouverte au public, mais surtout aux chercheurs qui auront ainsi accès à une manne fabuleuse.
40 ans, le bel âge
Depuis le 30 juin 2023, le Ménigoutais Éric Bonnet est président de l’association Mainate qui organise le FIFO. Succéder à une personnalité comme Dominique Brouard est assurément un défi. Une nouvelle équipe, plus jeune, est en train de se mettre en place et de s’approprier la grosse machine qu’est devenue le FIFO. L’année prochaine, le Festival aura quarante ans, un anniversaire qui va être fêté comme il se doit. La maturité et un tournant assurément avec une nouvelle équipe plus jeune dont la priorité est de rester créative. Rendez-vous donc en 2025.
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* Dans les causses, le fautour fauve était appelé Bouldras
Pour en savoir plus
➜ le site du FIFO
➜ le site du l’IFFCAM
Photo en haut de page : image de l’affiche du FIFO 2024 © DR
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