Observatoire des Médias sur l’Ecologie, une grande première

Le 7 novembre 2024, était présenté à Paris un nouvel outil qui mesure le traitement médiatique de l’écologie par les plus importantes radios et télévisions de France : l’Observatoire des Médias sur l’Ecologie. Aujourd’hui, si l’Observatoire révèle que les sujets écologiques ne dépassent pas 3,7 % du temps d’antenne, il montre aussi des disparités par thématique et par média.

par Anne Henry

Les programmes d’information (journaux) de 11 chaînes TV – TF1, France 2, France 3, M6, Arte, LCI, France Info, Cnews, C8, BFM, France 24 – et 8 stations radio – France Inter, RTL, Sud Radio, France Culture, RFI, Europe 1, France Info, RMC – sont passés toutes les semaines à la loupe par l’Observatoire. Le choix de ces médias s’explique par leurs audiences significatives, « et par le fait que les citoyens s’informent majoritairement par la télé et la radio et estiment que s’informer par les réseaux sociaux est moins fiable », explique Claire Morand de l’association  + de Climat dans les médias.

La méthodologie retenue

Depuis quelques années, l’association + de Climat dans les médias étudiait le traitement médiatique de l’écologie dans les JT de TF1, France2 et M6, soit 15 millions de téléspectateurs. « Nous souhaitions aller plus loin pour savoir si ces évolutions étaient conjoncturelles ou structurelles, en les quantifiant de façon automatisée », précise Claire Morand. L’idée remonte à plus d’un an lorsqu’un consortium d’associations militantes (+ de Climat dans les médias, Expertises climat, Quota climat) s’associent à des experts techniques (Data for good, Eleven ou Médiatree qui fournissent et traitent les données) et des institutions (Arcom, Ademe) pour imaginer un tel projet. Un Comité d’experts indépendants les accompagne par ailleurs.

Les sujets retenus sont le climat, la biodiversité et les ressources. « La méthodologie est robuste, fiable et frugale, sans intelligence artificielle et repose sur deux jambes. D’un côté, l’outil récupère les verbatims dans les différents médias dès que sont identifiés des mots clés relatifs au champs lexical des sujets retenus. De l’autre, il mesure la part d’antenne consacrée à l’écologie », explique Célia Gautier d’Expertises Climat.

Des résultats différenciés

Depuis le début de l’Observatoire en avril 2023, on constate que le traitement des sujets écologiques ne dépassent pas 3,7 % du temps d’antenne, avec une baisse de 30 % entre avril 2023 et octobre 2024. Cette baisse est très marquée depuis les élections européennes, avec des politiques qui s’intéressent moins au sujet. A noter des pics de traitement à chaque catastrophe naturelle (vagues de chaleur, inondations meurtrières…) ou lors des COP Climat. Dans le détail, la biodiversité et les ressources sont deux à quatre fois moins traitées que le climat. « Il est vraiment dommage que les journalistes couvrent six fois plus les catastrophes écologiques que les solutions. Car traiter des solutions, c’est ce qui donne de l’espoir et l’envie d’agir », précise Célia Gautier. Selon le chercheur Théodore Tallent, 86 % des Français sont intéressés par des solutions de proximité en matière d’écologie : « l’écologie ne fait pas fuir l’audience ».

Autre constat : le secteur du bâtiment ne représente que 1 % des mentions des causes du changement climatique dans les médias, alors qu’il représente 16 % des émissions de gaz à effet de serre (GES). C’est le cas également pour l’industrie. A l’inverse, l’agriculture et les transports sont évoqués assez proportionnellement à ce qu’elles émettent en matière de GES. Enfin, les médias publics parlent plus d’écologie que les médias privés et les radios plus que les chaînes de TV.

Jean-Marc Jancovici à la soirée de lancement de l’Observatoire des médias sur l’écologie © Anne Henry

Plafond de verre

Existe-t-il un plafond de verre médiatique en matière de traitement des enjeux écologiques ? Pour Virginie Fichet, directrice adjointe de la rédaction en charge des sujets climat chez France TV et présente à la soirée de lancement de l’Observatoire, « le traitement de l’actualité quotidienne oblige à une diversité de sujets. On ne peut pas toujours parler d’écologie ». Pour son confrère Charles-Emmanuel Bon, secrétaire général de Radio France, présent également, « on parle d’écologie ailleurs que dans les rendez-vous de l’info, comme dans nos magazines La Terre au carré, On se décarbone, Mécaniques du vivant … », pointant du doigt une des limites de l’Observatoire. Autre limite soulignée par Jean-Marc Jancovici, ingénieur climat et énergie, qui clôturait la soirée, « la quantité ne fait pas la qualité. Ce n’est pas sûr que l’Observatoire pourra faire la différence entre les propos d’un climatosceptique et ceux d’un auteur du GIEC ».

Théodore Tallent, Virginie Fichet et Charles-Emmanuel Bon à la soirée de lancement de l’Observatoire des médias sur l’écologie © Anne Henry

Prise de conscience

Il n’en reste pas moins que l’Observatoire des Médias sur l’Ecologie peut aider à une prise de conscience chez les journalistes, pour assurer un traitement équilibré entre les différentes thématiques (climat, biodiversité, ressources), entre les différents secteurs à l’origine des GES (agriculture, industrie, transports, bâtiments …) et entre constats et solutions. Une démarche qui pourrait permettre de toucher davantage d’auditeurs et téléspectateurs. Pour Virginie Fichet, ça passe aussi par « la pédagogie, la proximité et des paroles incontestables », ce qui suppose pour Charles-Emmanuel Bon des journalistes plus formés à la science et aux enjeux écologiques.

Vecteur de changement

En 2025, grâce au soutien du ministère de la Culture, l’Observatoire s’attaquera à la presse écrite et propose déjà l’outil en libre accès avec une technologie en open-source. Face à la hausse de la désinformation climatique sur les réseaux sociaux, il est aujourd’hui de la responsabilité des médias d’assurer une information fiable et diversifiée pour mieux accompagner la transformation écologique chez les citoyens. Pour Valérie Martin, cheffe de service mobilisation citoyenne et média à l’Ademe, « les médias jouent un rôle essentiel car ils façonnent les attitudes et les politiques pour relever les défis à venir. Ils sont un vecteur de changement pour rendre la transition écologique désirable ».

Anne-Sophie Novel nous signale le suivi mondial des médias de 131 pays sur le changement climatique réalisé par le MeCCO (Media and Climate Change Observatory), basé dans le Colorado (Etats-Unis). Cliquez ici pour y accéder.

A lire aussi, l’article de Carine Mayo : Observation de l’écologie dans les médias : les JNE, précurseurs dès 1998

Photo du haut : la soirée de lancement de l’Observatoire des médias sur l’écologie le 7 novembre 2024 à Paris © Anne Henry