Alors que nous saluons le lancement de l’Observatoire des Médias sur l’Écologie (OME), il est intéressant de rappeler le travail mené par les JNE à ce sujet une vingtaine d’années auparavant.
par Carine Mayo
En 1998, les JNE ont consacré un livre à ce sujet, La place de l’environnement dans les médias (Victoires éditions), illustré par Cabu et enrichi de nombreux témoignages de journalistes, sous la houlette de Claude-Marie Vadrot, alors président des JNE, journaliste au JDD et enseignant en écologie et communication et environnement à l’université Paris VIII.
Il s’agissait dans cet ouvrage de recueillir la parole des journalistes et de comparer les médias entre eux ainsi que les thèmes abordés. Pour cette première édition, l’association se consacre surtout à la presse écrite, même si elle donne quelques éléments sur le traitement de ces sujets à la radio et à la télévision. A cette époque, le protocole de Kyoto sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre vient tout juste d’être signé et l’érosion de la biodiversité ne fait pas la une des journaux (bien que Le printemps silencieux de Rachel Carson ait été publié en 1962, et le livre Avant que nature meure de Jean Dorst, membre de la première heure des JNE, ait paru en 1965).
Mais c’est tout de même la nature (faune, flore, forêts, espaces protégés) qui apparaît comme le thème environnemental le plus traité par les quotidiens, devant les transports, les déchets, l’air, le nucléaire. Parmi les quotidiens étudiés d’octobre 1996 à janvier 1997, Le Républicain Lorrain apparaît en tête avec une moyenne quotidienne de 1,8 article contre 0,4 pour La Croix, le moins bien placé en nombre d’articles. Le Figaro, bon dernier en nombre de lignes accordées à ces sujets, consacre dix fois moins de place à l’environnement que Le Républicain Lorrain.
Pour compléter cette étude de la presse, un sondage CSA interroge les attentes des citoyens qui trouvent que les problèmes de nature et d’environnement ne prennent pas assez de place pour 51 % d’entre eux à la radio, 50 % d’entre eux à la télévision et 45 % d’entre eux dans la presse quotidienne. Selon les personnes interrogées, les sujets qui devraient être traités plus souvent sont la pollution de l’eau (pour 52 % d’entre elles), la pollution de l’air (51 %), les problèmes écologiques au niveau planétaire – effet de serre, couche d’ozone (pour seulement 25 % d’entre elles), l’épuisement des ressources naturelles – nappes phréatiques, surpêche (12 %). « Nous ne publions pas les journaux qu’attendent les lecteurs », conclut Claude-Marie Vadrot.
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Une deuxième enquête en 2002
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Une deuxième enquête La place de l’environnement dans les médias, paraît sous la forme d’un fascicule en 2002. Pour celle-ci, une observation des journaux et de la télévision a été menée de fin décembre 2001à janvier 2002.
Le Républicain Lorrain arrive toujours en tête grâce au nombre de lignes consacré à l’écologie, suivi par Le Monde et Le Figaro, Le Parisien et L’Humanité figurant en dernière place. Pour la télévision, une comparaison des journaux du soir montre comme aujourd’hui, que le service public accorde une place plus importante à l’écologie que les chaînes privées (à l’époque il s’agit de TF1). La nature retient toujours majoritairement l’intérêt des journalistes, tandis que le sujet du climat fait une percée et arrive en 6e position.
Dans le sondage CSA réitéré pour cette occasion, les thèmes qui devraient être plus souvent traités par les médias sont la pollution de l’eau (pour 73 % des personnes interrogées), la pollution de l’air (pour 68 %), la pollution des sols (pour 57 %), le recyclage des déchets (pour 52 %), le climat, l’effet de serre et le réchauffement de la planète (pour 50 %).
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Une troisième enquête en 2005
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En 2005, l’enquête La place de l’environnement dans les médias est renouvelée, mais le classement général de la presse écrite change. C’est Libération qui arrive en tête des sujets liés à l’écologie grâce à la création de ses pages Terre, suivi par Ouest France, Le Figaro et Le Monde. La nature arrive toujours en tête des sujets écologiques traités par les médias écrits, suivie par les transports, la mer, tandis que le climat se hisse à la 4e place.
Quant aux résultats sur la télévision, scrutée par les membres de l’association (qui n’avaient pas les moyens de l’Observatoire des médias sur l’écologie), ils sont plus partiels et placent cette fois-ci TF1 devant le service public concernant le nombre de sujets consacrés à l’environnement. Selon le sondage CSA, les thèmes qui devraient être plus souvent traités par les médias sont la pollution de l’eau (pour 62 % des personnes interrogées, la pollution de l’air (pour 58 %), le recyclage des déchets (pour 49 %), le climat, l’effet de serre et le réchauffement de la planète (pour 48 %). Mais l’institut de sondage CSA indique que « les jeunes sont plus demandeurs que leurs aînés d’informations en matière de réchauffement de la planète ».
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Une autre époque ?
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En conclusion, il faut souligner que les JNE n’avaient pas à l’époque les mêmes moyens que l’Observatoire des Médias sur l’Ecologie, qui s’appuie sur des bases de données, un dictionnaire des mots-clés… Mais ce travail est intéressant d’un point de vue historique car il montre l’évolution des préoccupations des citoyens et dresse dans sa première édition un portrait détaillé des journalistes spécialisés et de leur mobilisation sans faille pour imposer ces sujets dans les médias et dans la société. Un constat qui demeure aujourd’hui, quand on voit le peu de place accordé par les médias à l’écologie. Mais la vraie nouveauté, c’est que des associations citoyennes ont pris le relais. Bravo à Data for good, Eleven Strategy, Expertises Climat, Mediatree, Pour plus de climat dans les médias et Quota Climat pour avoir mis en place l’Observatoire des Médias sur l’écologie.
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À noter : ces enquêtes sont consultables auprès des Archives nationales https://francearchives.gouv.fr/fr/authorityrecord/FRAN_NP_052184 ou disponibles auprès de notre association.
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