C’était le 19 octobre dernier, il avait 103 ans. Six mois avant, jour pour jour, le 19 avril, c’est son anniversaire : notre conversation téléphonique fleure l’enthousiasme. Son élan envers la nature et les animaux est toujours inébranlable. Radiographie d’une passion.
par Brigitte Bulard-Cordeau *
Dès l’enfance, le célèbre vétérinaire, né en 1921, dans les Carpates en Roumanie, vit auprès des animaux sauvages. Son oncle, garde- forestier, fréquente les ours et les loups : « j’ai grandi auprès d’un loup indonésien, raconte notre héros. A dix ans, je me suis éclipsé pendant vingt-quatre heures, sans rien dire, j’ai passé tout ce temps auprès d’un ours. Quand je suis rentré en catimini à la maison, j’ai eu droit au coup de ceinture ! »
De ses jeunes expériences qui relèvent de l’inconscience, mais aussi d’une faculté inouïe à correspondre avec la nature, il a acquis cette inaltérable compréhension de l’animal. Ou précisément, a-t-il un don. Il s’approche des tigres, lions, panthères comme on le fait avec nos chiens et chats. Dans son esprit, c’est clair et net : « Il n’y a pas d’animal sauvage, à l’exception de l’homme », nous apprend Michel Klein.
Tous les animaux sont télépathes
D’où tient-il le secret ? Tigres, lions, ocelots, pumas, léopards, guépards, panthères… il n’a jamais pris un coup de griffe, ou de croc, un vrai miracle. « Tous les animaux sont télépathes. Ils savent que je ne vais pas leur faire de mal… Dans mon livre « L’Avocat des bêtes », j’explique comment fonctionne la télépathie. Aux yeux des animaux, je ne suis pas un gibier », précise-t-il.
Animaux télépathes, pourquoi, comment ? « Les éléphants savent qu’il y a un lion à 30 km de distance. Leur pied repose sur un coussin très épais qui amortit son poids et aussi leur permet de détecter les ondes transmises par les vibrations du sol. »
Le célèbre vétérinaire est tiré d’affaire. Il n’a jamais eu peur. On n’en est pas moins intrigué… Lui que l’on a vu au milieu des grands félins, placide et décontracté, sur les plateaux de télévision. Ses exploits, il nous les raconte tout naturellement.
« Un jour, j’ai dû opérer un ours blanc de 400 à 500 kg. C’était une femelle du parc de Thoiry. Elle avait un bébé de 50 kg. J’étais muni du tout premier fusil avec seringue injectable à distance. A côté de moi, se trouvaient Paul de la Panouse, le propriétaire, et plusieurs soigneurs. Je lui dis : » vous ne bougez pas « . Et je rentre dans la cage, me dirige vers l’ourse. Je lui fais une piqûre de 200 centimètres cubes, avec une seringue de 50cc. Au total, je lui ai injecté 3 ou 4 piqûres dans la cuisse.
—Et alors ?
— Elle n’a rien dit ! Puis j’ai posé un cathéter dans une veine du bras droit. Ensuite je suis resté plus d’une heure avec elle. C’est tout juste si l’ourse ne m’a pas fait un bisou en sortant !
— Vous êtes protégé ? lui demandai-je en songeant à une force supérieure de l’au-delà.
— Je ne sais pas ce que c’est qu’avoir peur ! »
Explication : « Quand on a peur, on est un gibier. Toutes les bêtes que j’ai soignées ou approchées, je ne les ai pas apprivoisées, elles m’ont toujours pris pour un ami équivalent. »
Un exploit que le Dr Klein nous a raconté le plus naturellement du monde !
Avec la Fée des animaux
Dans son ancienne maison à Garches, entourée d’un grand parc, il vivait avec un bébé lion nommé Sacha. Brigitte Bardot était la marraine. C’est elle qui donnait le biberon aux bébés tigres et lions. De ses dossiers étalés sur la table basse, il extrait des dizaines de photos, voilà Brigitte ! C’est avec la Fée des animaux, en 1973, qu’il a inauguré le refuge de la SPA à Gennevilliers, dont il est le cofondateur, aux côtés de la présidente Jacqueline Thome-Patenôtre.
La santé de la planète, c’est son dada
Cela fait belle lurette que notre célèbre vétérinaire tire la sonnette d’alarme. « Comme je vois le monde, la Terre est en danger », n’a-t-il cessé d’avertir. Pour avoir voyagé dans les cinq continents, le Dr Klein a pris conscience de l’urgence due au changement climatique, à la pollution, etc.
Son émission Terre, attention, danger ! (1), au titre précurseur, a éveillé les esprits. « On me prenait pour un barjot », dit-il tandis que chaque semaine, il tiendra l’antenne pendant 12 minutes !
La télé, c’est sa seconde nature. Il nous a mille fois étonné quand il opérait en direct des lions, tigres, éléphants. Son équipement hors de l’ordinaire dépasse la technologie utilisée pour la médecine humaine. Il possède un système de radiographie de 1050 ampères. Dans les hôpitaux, on en était à 300 à 400 ! « Ma clinique située au Centre Beaugrenelle à Paris, a nécessité la coopération de six architectes. Aucune clinique vétérinaire de France n’atteignait sa dimension. »
Le premier à opérer des éléphants !
C’est là que, devant les caméras, le célèbre vétérinaire va opérer tigres, chimpanzés, ocelots Leopardus Pardalis Meamsi Manigordo, sans oublier les pachydermes. Précision : « C’est moi qui, le premier, ai anesthésié et opéré des éléphants en France. »
C’est avec Marie-Christine, son épouse, qui l’a suivi jusqu’au bout du monde pour observer les animaux, qu’a vécu le Dr Klein jusqu’à son dernier jour. En compagnie de Chatounet, le petit félin, qui n’a peur de rien.
* Journaliste- écrivaine JNE, rédactrice en chef de Matou Chat (parution suspendue depuis le numéro 56, avril-mai-juin 2024)
(1) NDLR : Emission télévisée conçue, écrite, et animée par le vétérinaire Michel Klein de janvier 1991 à juin 1995. Diffusée sur TF1 tous les dimanches matins, elle était coanimée par Dorothée (source Wikipedia).
Vice-président de la SPA de 1960 à 1978, Michel Klein a participé à la création du Parc animalier du château de Thoiry, 1ère réserve africaine d’Europe inaugurée en mai 1968. Avec le comte Paul de la Panouse, il décide de « mettre les bêtes en liberté et les visiteurs en voiture. »
Photo : le Dr Klein avec Brigitte Bulard-Cordeau © Nadine Chauvin