« La Brique », journal lillois de critique sociale

Depuis mars 2007, le journal lillois La Brique est un journal « militant et journalistique, à la fois anarchiste et réformiste » selon les propos de Mike, membre de la rédaction que nous avons rencontré lors du Village de l’eau à Melle (79) en juillet dernier (1).

Cela fait presque 18 ans que La Brique fonctionne grâce à des équipes de bénévoles. Mike parle de « générations » et ce serait plus de 300 personnes qui auraient participé au journal dont « la spécificité n’est pas seulement d’avoir perduré dans son travail de journalisme subjectif non-professionnel assumé, de critique des pouvoirs, de porte-voix des mouvements sociaux, mais de l’avoir fait en alliant des pratiques horizontales adossées à un idéal politique égalitaire, anti-autoritaire (2 ). La Brique n’est pas l’émanation d’une organisation politique ni d’un syndicat. C’est plutôt un assemblage hétéroclite, à la croisée de différents milieux et de différentes aspirations, sans chapelle, sans horizon politique figé. C’est un agglomérat préoccupé par toutes les luttes et les combats contre toutes les formes d’oppression. »

Cependant, l’année 2022-2023 a connu « un petit creux ». Après avoir constaté qu’on ne fait pas « un journal à trois », des réunions publiques ont été organisées pour « recruter, parler du projet et trouver de nouveaux rédacteurs, des illustrateurs et des maquettistes ».

Pendant un an, La Brique n’a donc pas sorti de numéro jusqu’à l’été 2023 et la parution du n° 67 intitulé « Tenir ». C’était un peu « le numéro de la résurrection, autour d’une lutte à Vertbaudet, un entrepôt logistique d’articles pour enfants où les salarié-es, beaucoup de femmes, avaient du mal à accepter le fait qu’elles avaient une augmentation de 0 % ».

Puis, la nouvelle équipe tarda à éditer le n° 68 « Entre Chats et loups », qui parut à l’hiver 2023/2024. Il était question de « dénoncer la loi immigration avec ce sentiment que le fascisme progresse, que le destin du pays était en train de nous échapper. Puis, au printemps 2024 on a sorti le n° 69 qui s’appelait « Les mauvaises herbes » ! On avait fait un reportage sur les inondations dans le Pas-de-Calais avec cette idée qu’avant la bétonisation, il y avait des infrastructures, des canaux, des moyens de gérer l’eau qui n’existent plus. On ne fait plus de curages, on ne réfléchit plus à long terme sur l’eau. »

Ce numéro ne contenait que vingt pages. L’équipe de La Brique ayant préparé un dossier qui n’était pas finalisé fit le choix de le publier dans le n° 70 qui parut à l’été 2024.

Ce n° 70, titré « Keski facho ? », s’ouvre sur un dossier transidentité. Pour Mike « c’est une question qui n’est pas toujours évidente à aborder. Il y a pas mal d’incompréhensions et nous voulions faire un travail propre, pas stigmatisant, tout en apportant un minimum d’éléments de compréhension. Il y a deux articles principaux, le premier sur la transition de genre avec la testostérone et les difficultés d’accès aux produits pharmaceutiques et un second qui présente un collectif, qui essaye de s’auto-organiser quant à la question des injections, notamment ».

Dans ce numéro, on trouve également une réponse à Mme Spillebout (3) qui a publié un livre (4) dans lequel elle accuse La Brique de faire partie d’un cabinet noir en lien avec la municipalité de Lille ! « En fait, précise Mike, on a sorti plusieurs informations sur elle, notamment sur sa maison secondaire à Miami ou sur les subventions conséquentes pour la Maison de la photographie qui est tenue par son mari. On lui répond que nous les informations on va les chercher. On ne nous les donne pas. Parfois, on entend des choses, mais on ne va pas sortir des rumeurs, on va vérifier nous-mêmes. On fait notre travail de journaliste, c’est tout. »

Le n° 70 propose également un article dénonçant plusieurs dirigeants de communautés Emmaüs de la région qui avaient des pratiques s’apparentant à de l’esclavagisme. Mike nous explique qu’« il y a eut une grosse mobilisation en 2023, et, comme quoi la lutte ça paye, lors du procès en première instance les dirigeants ont été jugés coupables de travail dissimulé, de harcèlement moral pour l’une d’entre elles, à verser plusieurs centaines de milliers d’euros à l’URSSAF et ont été condamné-es jusqu’à 1 an de prison avec sursis. Ils ont fait appel, mais c’est déjà une première victoire. »

Ce numéro estival aborde à nouveau l’extrême droite locale alors que Lille est « l’objet de nombreuses violences d’extrême droite depuis des années de la part de personnes qu’on soupçonne d’avoir noyé des personnes dans la Deûle, une rivière à Lille, d’avoir agressé des bars gays, et d’être les auteurs de tentatives diverses et variées d’attaques violentes. Génération Hate, un documentaire d’Aljazeera sur La Citadelle (5), montrait qu’il y avait des projets d’attentats au marché de Wazemmes, un des plus gros marchés de France. A Lille, on se sent plutôt en première ligne de la menace fasciste, d’autant qu’aux dernières élections législatives beaucoup d’élu-es membres du RN viennent du Nord, du Pas-de-Calais et de Picardie. On se sent un petit peu isolé-es. »

Rompons la solitude de La Brique, abonnons-nous !

Pour aller plus loin :
– La Brique – www.labrique.net
– Les Autres Voix de la Presse est une émission hebdomadaire qui donne la parole à un média indépendant. Retrouvez toutes les émissions sur www.lesautresvoixdelapresse.fr

(1) Retrouvez l’interview complète dans la 247e émission des Autres Voix de la Presse.
(2) In Sans pub & sans pitié – Quatorze années d’un journal libre et indépendant à Lille, paru en 2020 aux Ed. Les Etaques.
(3) Députée Ensemble pour la République, conseillère municipale de Lille et conseillère métropolitaine.
(4) L’autre mur – Vade Mecum pour une République en paix – Ed. Deuxième Lecture, 2024.
(5) https://www.aljazeera.com/news/2018/12/26/generation-hate-part-1