Rendre hommage à la Nature n’est pas chose aisée. Combien d’artistes le tentent par la peinture, la musique, la poésie ou la littérature… Lune Vuillemin a choisi la plume, peut-être parce qu’elle lui semble plus légère à manier… Assurément, elle lui permet de choisir ses mots avec justesse et de jouer avec les noms au propre et au figuré. Un exercice de style qui l’aide à jongler, ou encore à flirter avec les situations de sorte à mieux rendre compte d’un territoire où vont se confondre visages et paysages. Un territoire aux énergies fortes où une jeune fille arrive un soir d’hiver froid et enneigé dans un refuge.
L’histoire de cette héroïne dont le nom reste inconnu, pourrait se dérouler dans n’importe quelle vallée en plein hiver bordée de forêts profondes et d’un puissant torrent au nom très évocateur, La Babine. Chaque fait et geste revêt d’une attention créatrice et bienveillante, aussi bien dans l’alcôve du centre de soins pour animaux sauvages où la jeune femme va approcher renards, loutres en perdition (et autres…), mais aussi dans les méandres de la psyché humaine, jusqu’à se refléter dans l’œil de verre d’un des deux sauveteurs du refuge. Ici encore visages et paysages s’enchevêtrent au fil des jours et des nuits longues et froides de ce refuge oublié de tous, mais qui survit au rythme de l’animal qu’il importe de respecter comme une partie de soi-même. C’est dire que rien n’est laissé à l’abandon par cette observatrice; du plus petit des insectes, tiques, araignées et coccinelles, jusqu’à la rencontre des coyotes et des loups (…) sous le regard vigilant des corbeaux et du vol amusé d’une sittelle au cœur de cette énigmatique forêt.
Un cycle initiatique qui plonge l’aventurière dans un univers féminin qui s’offre à elle en sons et lumières mystiques. Comme le laisserait entendre le titre de ce livre, Border la bête ne se limite pas à un acte bienveillant, comme on pourra le voir dans la tentative de sauvetage d’une originale prisonnière de la glace au début de cette histoire fictive, qui nous incite ici à penser plus particulièrement au Nord géographique Canadien, mais surtout, et c’est peut-être là le sens le plus sacré de la Vie, à transcender la condition humaine.
Dans l’un des chapitres, l’auteure écrit « on aurait dû appeler le printemps l’éveil », tout comme s’inscrit ce roman qui nous invite à ouvrir nos sens à chaque instant, afin de jouir de l’incroyable richesse que nous offre notre environnement immédiat, et chérir le Vivant avant tout.
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Éditions La Contre Allée, 184 pages, 19 € – www.editionlacontreallee.com
Contact : 03 66 08 75 59 – contactlacontreallee@gmail.com
(Michel Cros)
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