La Réserve de vie sauvage du Grand Barry face à une série de défis

Lors du Congrès des JNE qui s’est tenu début juin 2024 dans la Drôme, un groupe d’adhérents des JNE a sillonné la réserve de vie sauvage du Grand Barry. Cette visite a inspiré quelques réflexions à l’un d’entre nous.

par Michel Sourrouille

Créée le 17 septembre 2012 grâce à l’action de l’ASPAS (Association pour la protection des animaux sauvages), cette première Réserve de Vie Sauvage en France s’étend aujourd’hui sur 130 hectares au cœur d’un vaste massif boisé à la biodiversité exceptionnelle. Ce label correspond au plus fort niveau de protection de la nature en France. C’est un espace dont la gestion est la non gestion, la libre évolution, le laisser faire : la nature peut s’y exprimer pleinement et librement. Sont interdits la chasse et la pêche, l’exploitation forestière et agricole, l’élevage, la cueillette, les feux, le passage de chiens non tenus en laisse et bien sûr les dépôts de déchets. Seule la promenade à pied, et seulement sur les sentiers, est autorisée. Ce niveau de protection très élevé et unique en France correspond à la catégorie 1b (zone de nature sauvage) du classement des aires protégées, réalisé par l’Union internationale de conservation de la nature. Les Réserves de Vie Sauvage du Grand Barry (Drôme) et du Trégor (Côte-d’Armor) ont intégré le réseau européen Rewilding Europe.

Nous ne conseillons pas aux simples curieux de s’y rendre. Il ne faudrait pas que ces lieux protégés deviennent une destination du tourisme de masse. Premier problème : le nombre d’humains transforme toujours un lieu de rêve en un cauchemar marchandisé. Le deuxième problème, c’est que le passage de l’appropriation privée à la propriété associative entraîne des tensions entre différentes parties prenantes : les agriculteurs, les chasseurs, les randonneurs… En 2019, dans le massif du Vercors, l’Aspas avait racheté 500 hectares, sa quatrième réserve de vie sauvage. L’appel à un financement participatif avait médiatisé cette action: « Vous donnez 30 euros pour 200 mètres carrés d’un endroit où on va laisser en paix la faune et la flore. » Une manifestation avait été organisée fin août 2020 pour dire « non au ré-ensauvagement » ! Ce site était auparavant une réserve de chasse… où les animaux étaient nourris. L’écologie est de nos jours devenu un combat partagé… entre points de vue parfois complètement contradictoires. C’est pourquoi l’association Forêts Sauvages, dont l’objectif est assez similaire à celui de l’ASPAS (protection intégrale de surfaces forestières conséquentes par la maîtrise foncière), agit dans la complète confidentialité de ses actions.

Le dernier problème, c’est la difficulté pour la vie sauvage de retrouver un potentiel créatif durable dans des espaces de petites tailles. A titre de comparaison, le parc national de Yellowstone, créé en 1872, s’étend sur 8 983 km2, soit une superficie plus importante que celle de la Corse. Si chevreuils, biches ou cerfs se mettent à pulluler au Grand Barry, qui servira de régulateur s’il n’y a plus de  prédateurs ? D’autre part, la Drôme est touchée de plein fouet par une dépopulation importante. Mais que deviendront les espaces qui aujourd’hui retournent à la nature grâce à l’exode rural et à l’ASPAS s’il y avait des zones à nouveau habitées et exploitées étant donné une plus grande attractivité du territoire ? Quelle que soit la bonne volonté des amoureux de la nature sauvage, sans limitation généralisée de notre fécondité, on ne peut permettre à la biodiversité de conserver son espace vital. Que représente la réserve du Grand Barry par rapport à l’intense artificialisation des sols que mène l’espèce humaine ? Une action seulement symbolique sans aucun doute, mais c’est déjà un pas dans la bonne direction.

Pour en savoir plus :
Aspas-nature, association pour la protection des animaux sauvages
Fondée en 1980 sous le nom de l’Union des victimes de la Chasse et de leur Nuisances, elle devient en 1981 l’Association pour la Protection des Animaux Sauvages. L’ASPAS défend les sans-voix de la faune sauvage, les espèces jugées insignifiantes, encombrantes, ou persécutées par les activités humaines. L’association milite également pour la libre évolution de la nature. Plus nous rendons à la nature sauvage des territoires où elle peut s’exprimer pleinement et librement, mieux nous retrouvons une place à notre mesure, sans démesure.

http://www.forets-sauvages.fr/web/foretsauvages/99-coordonnees.php

https://www.demographie-responsable.fr/

Photo  du haut : les JNE en visite dans la Réserve du Grand Barry (Drôme) © Christel Leca