Cet ouvrage philosophique aurait aussi pu s’appeler « Comment a-t-il (a-t-elle) vu le zèbre ? ». En effet, le sous-titre « l’invention de la perspective animale » indique que nous sommes invités à penser autrement les visions du monde. Tout part de quatre versions de la même image d’un zèbre par Tim Caro : le zèbre est vu tour à tour par un humain, un autre zèbre, un lion et une hyène. Sur chaque photo, les couleurs et la netteté sont différentes. Depuis la Renaissance et les célèbres travaux de Filippo Brunelleschi sur les lignes de fuite, notre vision de la perspective s’est attelée à reproduire les tableaux du seul point de vue de l’humain. Thibaut De Meyer, nous propose ici une philosophie non-anthropocentrique en tentant de transcrire le point de vue d’autres animaux.
En biologie, c’est le fameux Umwelt (en gros, le monde sensoriel de chaque animal) avancé par Jakob von Uexküll, on songe aussi au perspectivisme de Nietzsche. Les deux sont convoqués, ainsi que Leibniz, Gilles Deleuze, Bruno Latour, Philippe Descola, Michel Serres, Donna Hataway et bien sûr la bouillonnante Vinciane Despret. L’auteur est professeur de philosophie des sciences et des techniques à l’université de Namur. Il ne voit pas les couleurs, ce qui explique peut-être son intérêt de toujours pour la perspective. Sa question est passionnante, les réponses sont érudites et parfois inattendues, avec des passages sur la fonction des zébrures, ou des réflexions autour de « Est-ce que toile de l’araignée est la copie fidèle de la mouche ». Pour une approche neurobiologique du sujet, on relira avec bonheur « Les portes de la perception animale » de notre confrère Benoit Grison (Delachaux et Niestlé 2021), qui lui aussi nous invite à plonger dans l’univers fantastique des autres visions du monde. Ça nous fait deux points de vue sur les points de vue…
.
Éditions LLL – Les liens qui libèrent, 292 pages, 22 € – www.editionslesliensquiliberent.fr
Contact Presse : Anne Vaudoyer. Tél.: 06 63 04 00 62 – anne.vaudoyer@gmail.com
(Marc Giraud)
.