Voici la quatrième monographie sur l’ours polaire de notre confrère Rémy Marion, et sa troisième contribution à la collection « Mondes sauvages ». Grand spécialiste en France des ours brun et polaire, Rémy aime bien contextualiser, relativiser, préciser : « On voudrait nous faire croire que la sauvegarde de l’ours polaire est une finalité, mais son espèce est moins importante que les abeilles, les lemmings ou même que l’ours brun, son proche cousin. L’ours polaire viendrait à disparaître que cela ne déséquilibrerait pas l’écosystème arctique, il n’y aurait pas de surpopulation de phoques par exemple ». Ça, c’est dit. Mais ça n’empêche pas un livre fort sur l’animal, et joliment évocateur : « L’ours polaire est élégant dans son allure, sa démarche et son port de tête. Il bouge comme un danseur, pas un danseur classique mais comme un danseur de jazz ou de hip-hop, avec puissance et sobriété. Sous sa toison immaculée, sa musculature d’Hercule roule et vibre ». Rémy Marion aime l’ours, raison pour laquelle il se montre agacé par l’image publique qui en est faite, un symbole proclamé du réchauffement climatique, un produit d’appel qui masque l’essentiel des enjeux. Les faibles capacités d’évolution de ce carnivore le rendent certes fragile, et le réchauffement en Arctique est 4 fois plus important que la moyenne sur le reste du globe. L’ours n’est pas globalement et immédiatement menacé pour autant, certaines de ses populations se portant mieux que d’autres.
Cinéaste lui-même, Rémy Marion donne également des coups de griffe aux documentaires, autant ceux qui décrivent la vie sauvage comme une perpétuelle lutte pour la survie (comme si les animaux n’avaient pas de grands moments de répit), que ceux qui donnent dans le bon sentiment pour la protection des ours polaires, en soulignant les bidouillages de montage (une banquise antarctique en plein Pôle Nord, des oursons ajoutés pour le scénario, etc.). S’il chasse les idées reçues, l’auteur restitue aussi des faits, comme cet ours filmé en train de jeter des pierres sur un renne, l’histoire n’est donc pas une légende. Il termine par la triste mésaventure de l’ourse Frost (ou Misha), héroïne du film « Une reine sans royaume ». Elle fut victime à la fois de sa proximité avec les humains, des touristes, des scientifiques, des cinéastes, etc., et finit abattue, comme deux de ses oursons. La cohabitation demande un minimum de distance et de respect, car au final « ça n’est jamais le sauvage qui gagne ». On l’aura compris : le thème est complexe et méritait bien ce texte riche, ces mises au point et ces opinions d’une personne de terrain.
.
Éditions Actes Sud, 320 pages, 22,50 € – www.actes-sud.fr
Contact presse : Émanuèle Gaulier. Tél.: 01 55 42 63 24 – e.gaulier@actes-sud.fr
(Marc Giraud)
.