Vouloir développer des énergies renouvelables est une nécessité à condition que cette volonté s’accompagne d’une importante réduction de notre consommation, donc d’une remise en cause de la société consumériste voulue et entretenue par le pouvoir actuel comme tous ses prédécesseurs.
par Pierre Grillet
Or, nous en sommes loin. Dans le cas de l’agrivoltaïsme, il est également légitime de se demander si, en se basant sur les chiffres et objectifs annoncés officiellement, le développement du photovoltaïque au sol serait réellement une nécessité…
Lors de son discours à Belfort le 10 février 2022, le président de la République avait fixé l’objectif d’une puissance d’au moins 100 GW de photovoltaïque en 2050. France Nation Verte (FNV), prévoit, pour 2050, 140 GW de production assurée par le photovoltaïque. Dans son étude Futurs énergétiques 2050, RTE (gestionnaire du réseau de transport d’électricité français) estime que le parc photovoltaïque pourrait atteindre en 2050 entre 70 et 118 GW, dans les scénarios avec construction de nouveaux réacteurs nucléaires, entre 125 et 214 GW dans les scénarios 100 % sans construction de nouveaux réacteurs, soit entre 7 à 20 fois plus que la capacité installée fin 2020 (1). Or, selon les études 2018 et 2019 de l’Agence de la transition écologique (2), « le gisement en panneaux solaires photovoltaïques serait de 123 GW sur grandes toitures », 49 GW sur des friches industrielles et 4 GW sur des parkings, soit 176 GW. 450 000 ha de zones d’activité, donc artificialisées propices à ce type d’installation, ont été estimées (3). Inutile d’utiliser des panneaux solaires sur sols agricoles, forestiers ou naturels et sans surcoût important (moins de 10 % selon l’ADEME). L’Agence appelle à privilégier ces modèles « pour éviter d’occuper des sols agricoles et de nuire à l’image de cette énergie renouvelable ».
La première des priorités devrait porter sur une réduction importante de la consommation tout en renforçant l’efficacité énergétique. Malgré l’affichage d’un objectif de réduction de la consommation d’énergie d’ici à 2050, les publicités incitant à consommer toujours plus et les grandes surfaces de la consommation n’ont jamais été aussi florissantes, ne laissant aucunement entrevoir une véritable réduction des besoins énergétiques… L’installation de panneaux sur les toitures et les surfaces déjà artificialisées permettra de dépasser largement les objectifs de la France en matière de production d’énergie photovoltaïque. En conséquence, l’agrivoltaïsme au sol n’est pas nécessaire pour la société. De plus, il oriente l’agriculture vers toujours plus de technologies, la rend encore plus dépendante des sociétés privées et l’éloigne de son objectif nourricier et de la nécessité pour le paysans actuels et à venir d’être de plus en plus autonomes, afin de concevoir leurs productions en fonction de leurs souhaits et de ceux exprimés par l’ensemble des citoyens localement. Il induit des impacts forts sur les espaces dits « naturels » (forestiers ou autres) malgré ce tour de passe-passe inventé par le gouvernement : le photovoltaïque au sol ne sera pas comptabilisé dans le total des surfaces artificialisées. Une porte largement ouverte pour le plus grand profit des énergéticiens, encore une fois au détriment du vivant.
Photo du haut : un parc photovoltaïque installé sur une surface à vocation forestière et agricole dans le sud de la Charente-Maritime © Pierre Grillet
(1) https://concertation-strategie-energie-climat.gouv.fr/fiche-thematique-ndeg3-le-photovoltaique
(3) La France compte entre 24 000 et 32 000 zones d’activités. Chiffre issu du CEREMA : CEREMA, Zones d’activité économique en périphérie : les leviers pour la requalification, 2015, https://www.cerema.fr/fr/centre-ressources/boutique/zones-activite-economique-peripherie-leviers-requalification