L’eau, élément essentiel à toute forme de vie, si abondante sur notre planète bleue, n’aura de cesse de nous émerveiller. Toutefois aujourd’hui perturbée par le réchauffement climatique, elle devient l’enjeu d’une sobriété énergétique, tant à l’étranger que sur notre territoire, afin de garantir la survie de l’homme dans son environnement. Et cela commence aussi dans nos rivières, comme en témoigne ce petit fil d’eau en Occitanie.
par Michel Cros
Après ma rencontre initiatique aquatique sur l’Adour et la Saur en juillet dernier dans les Pyrénées, grȃce à l’odyssée féminine d’Une goutte d’eau dans l’Océan (lire notre article ici), me revoilà emporté par le courant de La Neste, un film réalisé par Chris Castillon d’après une idée de Philippe Mas (notre critique est là). C’est avec ce documentaire que la municipalité de Capvern-les-Bains (Hautes-Pyrénées) a choisi de démarrer son 2e festival de l’eau , comblant avec un certain succès ce mercredi 25 septembre 2023, la salle du cinéma Agnès Varda.
Si l’enjeu est certes planétaire avec les dérèglements climatiques qui inquiètent le citoyen, la concertation a déjà commencé en région savec divers outils locaux, à l’image du SAGE (Schéma d’aménagement et gestion de l’eau) groupant 90 structures locales) présenté au début de ce documentaire. Mais aussi dans certaines petites communes comme Capvern, soucieuses de sensibiliser, tant les partenaires privés et associatifs que la population sur leur avenir et celui des générations futures. Un objectif qui répond aux objectifs de développement durable de l’Agenda 2030 de l’ONU.
Mais je m’interroge sur la pérennité de certains moyens mis en place, assurément trop tardivement, quand l’imprévisibilité du climat nous tombe dessus et que les moyens restent toujours insuffisants pour répondre à l’urgence au sein de certaines populations, surtout parmi les familles les plus défavorisées.
Il est loin le célèbre verre d’eau de René Dumont. Depuis 1974, beaucoup d’eau a coulé sous les ponts !
Le verdict est donné pour l’avenir de l’eau en Occitanie, avec 40 % en moins dans nos rivières d’ici 2050 !
L’Office International de l’Eau (OiEau) mentionne dans son dernier rapport le bulletin national de situation hydrologique de septembre 2023, accessible ici sur le site de eaufrance. Globalement, sur l’ensemble du territoire, les débits des cours d’eau se sont améliorés par rapport au mois précédent, mais restent faibles par rapport à la normale. Une situation particulièrement préoccupante aussi avec ce long épisode caniculaire d’août du Sud-Ouest.
Pourtant, la prise de conscience est bien là, chez les acteurs de ce film-documentaire sur La Neste, bien ancrés dans leurs territoires, où toutes leurs énergies sont mobilisées pour agir.
Mon festival de l’eau en Occitanie s’est poursuivi en trois temps.
Un premier temps pour s’informer sur les problématiques de l’eau dans cette région.
Un temps pour la réflexion grȃce à la projection des films, mais surtout des débats en présence des auteurs et participants scientifiques ; atouts indispensables pour comprendre et échanger.
Enfin, le passage à l’acte avec un chantier participatif pour l’aménagement d’une tourbière.
Trois actions qui me permettent aujourd’hui d’avoir un petit peu mieux appris sur cette nature qui nous environne et nous nourrit quotidiennement (l’eau est un aliment précieux). Tout autant que d’avoir moins de préjugés sur cet avenir qui se présente certes, bien sombre pour les générations présentes et à venir.
Observer au lieu de vouloir trouver des solutions, soupire Daniel Guilly, cet accompagnateur-naturaliste en montagne, dans ce film fort qu’est La Neste, qui témoigne d’une grande sensibilité de l’auteur. Oui, prendre le temps et se poser est devenu de plus en plus nécessaire et primordial pour ne pas se précipiter sur des solutions à court terme. Le contact avec la nature, quand il est convenablement respecté, nous ressource et nous inspire.
Transmettre, nous chuchote presque à l’oreille Jean-Michel Pardes docteur en écologie, grand savant des tourbières et passeur de savoirs dans sa région, filmé avec émotion et justesse par la réalisatrice et auteure Pascale Fossat dans Les Veilleurs des tourbières, pour toutes ses années de recherches au sein de l’AREMIP sur l’importance des zones humides et leurs actions globales sur l’environnement.
Les tourbières, tout en préservant la biodiversité, grȃce à une faune et surtout une flore bien spécifique comme les droseras ou les sphaignes, jouent à la fois un rôle de tampon en amont des villes lors des grandes précipitations, et de bassin de captage de carbone en absorbant du CO2, estimé jusqu’à 1400 t de C/ha pour 2 m d’épaisseur (infographie du CEN sur le captage CO2).
Partager son temps et ses connaissances pour mieux agir, nous inspire également ce chantier participatif organisé par le Conservatoire d’Espaces Naturels en Occitanie (CEN), car seul, on ne peut rien faire et c’est tout l’intérêt de ces missions au sein de ces diverses associations agréées par l’Etat et les régions qui peuvent faire retrouver une bonne entente et harmonie entre l’Homme et la Nature. Une problématique délicate, mais très importante à expliquer auprès des générations d’agriculteurs, précise Audrey, technicienne du CEN.
Quand on voit cette force torrentielle sortir des montagnes, nous sommes émerveillés certes par cette abondance que nous rencontrons en amont et nous nous réjouissons en aval des joies de nos rivières, de l’embellissement de nos vallées et cultures, jusqu’à cette eau qui soigne et nous désaltère dans nos cités.
Pourtant, comme il est dit clairement dans le film La Neste par Vincent Robert de la SHEM (Société hydro-électrique du Midi), le gestionnaire de l’eau ne pourra satisfaire les usagers si la demande est trop importante : pas d’eau, pas d’énergie, pas d’agriculture, pas de vie ! Peut-être que la Neste a parlé à Philippe Mas quand il descendit cette rivière, pour lui lancer un ultime SOS, et nous inviter à une meilleure éducation à l’environnement inspirée de sobriété énergétique…
Je ne sais pas si l’eau vient de Mars ou d’ailleurs ,mais elle est cette inconnue qui est apparue un jour sur Terre, telle Madame Goutte (voir la photo ci-dessus d’Aurélie Berthomieu, exposée à l’Office du tourisme de Capvern-les-Bains) pour donner la vie. Et s’il nous appartient aussi de continuer à protéger et garantir ce rôle précieux et indispensable qu’est l’eau, patrimoine de l’humanité, peut-être qu’il incombe alors à chacun de nous, de ralentir notre cadence et d’entrer en résilience, à l’image d’Eric Deguil, quatre fois champion du monde de kayak extrême, filmé avec habileté sur la Neste, tel le coureur des torrents.
Photo du haut : la Neste © Chris Castillon