L’Association nationale des maires des stations de montagne, au cours de son assemblée générale en présence de Gérard Larcher, président du Sénat, de Dominique Faure, chargée des Collectivités territoriales et de la Ruralité, auprès du ministre de l’Intérieur et des Outre-mer et du ministre de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires,de David Lisnard, président de l’Associations des maires de France et de nombreux élus de stations, a dévoilé le 20 septembre 2023 ses priorités pour les stations et leurs territoires.
par Pierre Grillet
Ces priorités ont été présentées ainsi : adapter les stations au changement climatique, faire baisser au maximum le coût de l’énergie, préserver les locations de meublés, préserver un habitat permanent, conforter la sécurité, obtenir beaucoup d’aides de l’État (n’oublions pas que Jean Castex, lorsqu’il était Premier ministre, avait octroyé plus de 8 milliards d’euros aux stations pour compenser, plus que largement et avec les excès que l’on connaît, les pertes dues au COVID), avec si possible moins de normes (donc moins de contraintes).
Nous aurions pu penser que l’adaptation des stations au changement climatique passerait par le constat qu’elles seront de plus en plus nombreuses dans l’obligation de fermer faute de neige. Raté. Ce point concerne essentiellement l’adaptation de l’urbanisme, du logement et de la mobilité, le tout conseillé par un think tank bien connu et financé, entre autres, par Bouygues et Vinci : le Shift Project ! Cette mascarade n’a d’autre buts que de préparer de futurs Jeux olympiques (de plus en plus hypothétiques) à l’horizon 2030. Comme toujours, la fuite en avant (1). Suite à ces travaux, Jean-Luc Boch, président de l’ANMSM, pourfendait les opposants aux retenues collinaires indispensables pour fabriquer la neige artificielle (dite de culture) : « on est tout le temps dans des polémiques et il faut à un moment donné les arrêter car on n’est pas dans les vrais sujets ». Il tenait un discours révélateur de l’état d’esprit de ces élus de stations : « une partie des ONG et des détracteurs de la montagne est focalisée sur le fait que si on arrête l’activité économique de ski en montagne, on va sauver la planète. C’est de l’utopie, de la démagogie, du grand n’importe quoi ! ». Les « vrais sujets » ne doivent être que ceux décidés par les maires de ces stations d’un autre âge.
David Lisnard, président de l’Association des maires de France, maire de Cannes, élu les Républicains, et qui prépare un projet de gouvernement pour 2027 (sans rire), en a rajouté une couche sans aucun état d’âme : il évoque « la neige d’élevage » (tiens, c’est nouveau, mais c’est joli) et n’hésite pas à traiter les opposants de mauvais citoyens : « ceux qui dénigrent les stations à la montagne portent atteinte à un certain esprit français ». Il n’hésite pas à réclamer la mort de la DREAL (Direction régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement). Il faudrait « supprimer la Direction régionale de l’Environnement, de l’Aménagement et du Logement et redonner un rôle de police environnementale aux préfets. Chez moi personne ne sait où habite la DREAL ». David Lisnard fait état de sa conception de la démocratie : « c’est aux maires de décider de créer des retenues, dans le respect de l’environnement. Nous n’avons pas à nous laisser imposer une doxa » (2). Traduction, vous nous avez élus, circulez il n’y a plus rien à discuter (pourtant, la liste de cet élu ne l’a été que par 26 % des électeurs inscrits en 2020, beaucoup moins qu’une majorité !).
Bien entendu, la ministre Dominique Faure, présente pour l’occasion et dans le plus pur style démagogique macroniste, a suscité les applaudissements de la salle en affirmant, lors de la clôture de ces travaux : « vous avez en moi quelqu’un qui vous soutient. J’aime vos stations de montagne et il nous faut continuer. La neige est là, et même si on réfléchit à cinq, dix, vingt ou trente ans, aujourd’hui profitons de cette neige. » Tels sont les propos d’une ministre en 2023 ! Autrement dit, profitons-en aujourd’hui, ne cherchons pas plus loin, restons dans le déni tant que tout ne s’écroule pas. Un discours que l’auditoire a, parait-il, « adoré » (3). En phase avec les propos de Jean-Luc Boch, qui affirme à qui veut l’entendre que les stations de ski continueront leur activité jusqu’au bout. Si ce n’est pas foncer droit dans le mur, ça y ressemble beaucoup.
Malgré tout, les opposants obtiennent quelques victoires, comme à La Clusaz
Au cours de l’automne 2022, à l’issue d’une lutte fortement mobilisatrice (manifestations regroupant des milliers de personnes, implantation d’une ZAD…) et d’une plainte déposée par plusieurs associations environnementales, le juge des référés, dans son ordonnance, a estimé que le projet de retenue collinaire (148 000 m3) dans la station de La Clusaz ne répondait pas à une « raison impérative d’intérêt public majeur. L’intérêt public qui découle de la réalisation d’une retenue collinaire essentiellement destinée à assurer l’enneigement artificiel de la station est insuffisant à remettre en cause l’urgence qui tient à la préservation du milieu naturel et des espèces ». Le tribunal administratif de Grenoble a donc suspendu l’exécution de l’arrêté du préfet qui donnait le feu vert à la réalisation de cette retenue. Presque dans la foulée, le maire de La Clusaz (Haute-Savoie) annonçait mardi 5 septembre 2023 dans un entretien au Dauphiné Libéré un « moratoire » sur la construction controversée de cette retenue collinaire pour des raisons de sécurité juridique. Ainsi, ce projet fou est stoppé pour le moment. Car le maire ne désespère pas, malgré tout, arriver un jour à son but. Il n’empêche que cette victoire, même partielle, démontre que la lutte peut aussi obtenir gain de cause. De quoi motiver toutes les luttes actuelles pour le vivant et l’eau !
(1) La déclaration finale du président de l’ANMSM, Jean-Luc Boch, est très claire avec une langue de bois fort appropriée : « Dans un contexte économique et sociétal complexe pour la montagne, cette Assemblée générale 2023, premier événement de la rentrée pour la montagne, a permis de rassembler élus et partenaires autour de grands sujets structurants pour nos stations. Dans cet esprit, j’ai souhaité que l’ANMSM porte une action collective regroupant l’ensemble des stations françaises autour de la candidature aux Jeux Olympiques et Paralympiques d’hiver 2030. Ainsi, tous les Maires de stations feront voter prochainement une motion de soutien faisant de cette candidature un projet collectif national. »
(2) Ces propos de David Lisnard ont été publiés dans le Dauphiné Libéré sous l’intitulé David Lisnard, président de l’Association des maires de France : « Supprimer la DREAL ! ». 21 septembre 2023.
(3) Ces propos ont été retransmis par un média bancaire, Localtis, sous l’intitulé Jean-Luc Boch (ANMSM) : « Sauver la planète en arrêtant le ski, c’est de l’utopie ». 21 septembre 2023. Jean Damien Lesay.
Photo du haut : une retenue dans le Queyras pour produire de la neige artificielle. Lorsque le principe de création d’une neige artificielle est apparu, cela ne concernait au départ que les stations de moyenne altitude. pour servir de « complément » en cas de nécessité. Aujourd’hui, toutes les stations , y compris celles qui atteignent les plus hautes altitudes (jusqu’à 3000 mètres) en sont équipées. En 2016, la région Rhône-Alpes-Auvergne débloquait encore… 200 millions d’euros pour suréquiper les stations de canons à neige ! Une véritable industrie de la neige artificielle, ou « neige de culture », voire « neige d’élevage » selon le président de l’Association des maires de France, s’est installée au mépris des milieux naturels et de la ressource en eau.