Humains, animaux, végétaux… Tous les territoires et toutes les ressources sont désormais affectées par le changement climatique. L’écologue Pierre Rigaux est installé dans les Préalpes, d’où il nous livre son regard de naturaliste.
par Séverine
Etre écologue aujourd’hui, c’est être en pôle position du changement climatique. Comment appréhendez-vous ce rôle ?
En fait maintenant et depuis quelques années, j’ai aussi et surtout une activité de lanceur d’alerte. Je m’intéresse beaucoup aux conséquences des pratiques directes des actions humaines sur l’environnement, dans tous les domaines et surtout celui de la chasse.
Quels combats sont essentiels à vos yeux de géographe et biologiste ?
Pour moi, il y a vraiment deux grands combats aujourd’hui quand on s’intéresse au vivant, et qui peuvent se rejoindre. L’un est strictement écologique et l’autre dans l’intérêt des animaux en tant qu’individus. L’écologie, c’est évidemment le réchauffement climatique, mais aussi la biodiversité dont on parle trop peu. Quant aux animaux, on les exploite encore par milliards sans tenir compte de leurs intérêts fondamentaux. C’est pourtant un combat essentiel qui nous concerne tous : développer notre empathie et se préoccuper des conséquences de nos actes. C’est ce qui motive mes actions sur le terrain.
Face au déclin de la biodiversité, quelles solutions préconisez-vous ?
Les solutions sont connues depuis longtemps. Il faut revoir entièrement notre modèle de développement, d’utilisation des ressources et d’occupation de l’espace. Par exemple, le choix politique de la voiture individuelle est allé de pair avec le développement d’une urbanisation étalée qui accapare des surfaces gigantesques au détriment de la biodiversité. C’est un drame depuis cinquante ans, tout comme l’agriculture dite intensive. Soixante pour cent des terres cultivées en Europe servent à nourrir les élevages intensifs, alors qu’on pourrait nourrir directement les humains en utilisant moins de surface. Il faut casser le modèle agricole actuel. Une agriculture relocalisée tant que possible, sans pesticides, devrait être un objectif, en prenant en compte les données scientifiques et l’intérêt des animaux.
Dans ce domaine, les politiques publiques ont-elles été fructueuses ?
On est dans une forme de correction à la marge. Il y a par exemple eu dans les dernières décennies des réglementations utiles pour protéger l’eau et certains espaces… Mais de façon globale, la politique publique défend un mode de développement délétère, catastrophique et qui se poursuit.
La chasse est une pratique séculaire. A-t-elle encore sa place selon vous ?
La chasse n’a pas sa place. C’est de la cruauté inutile. Personne n’a besoin de chasser pour se nourrir en France aujourd’hui. Et les histoires de régulation que les chasseurs mettent en avant ne concernent qu’une minorité d’espèces avec lesquelles on pourrait mieux cohabiter grâce à d’autres solutions que l’abattage ludique. La plupart des gens n’aiment pas la chasse, mais les chasseurs ont un pouvoir politique gigantesque. Il faut se donner les moyens d’être dans un rapport de force. La diplomatie, la connivence, le copinage pour ne pas se fâcher, ça fait le jeu des chasseurs depuis des dizaines d’années. Dans ce domaine, comme dans les autres, il y a beaucoup à faire. Mais c’est un combat qu’on peut considérer joyeux car on le mène pour mieux vivre.
Toute l’actualité et les publications de Pierre Rigaux sur son site : www.pierrerigaux.fr
Photo du haut : Pierre Rigaux © PR