Grand spécialiste de Bernard Charbonneau, le philosophe Daniel Cérézuelle nous présente dans ce petit livre clair et accessible les différents éléments de la pensée mal connue de ce pionnier de l’écologie politique. Né à Bordeaux en 1910, il prend conscience dès la fin des années 1920, avec son ami Jacques Ellul, « des conséquences désastreuses de la brusque montée en puissance des capacités scientifiques, techniques et organisationnelles de l’humanité », mettant en péril l’humanité et la nature.
En 1936, il publie un manifeste, « le sentiment de la nature, force révolutionnaire », considéré comme un texte fondateur de l’écologie politique française. Ainsi que l’explique Daniel Cérézuelle, l’intuition centrale de Bernard Charbonneau est celle de la « Grande Mue », autrement dit « le règne de la soumission complète de toute réalité à la logique technicienne et industrielle », entraînant une déshumanisation sans précédent, ainsi que la destruction des campagnes et de la nature. Ce livre montre aussi que Charbonneau fut l’un des premiers à dénoncer le totalitarisme, dont il fait remonter les origines aux mobilisations de masse de la Première Guerre Mondiale, qu’il voit à l’œuvre tant dans l’Allemagne nazie que dans l’URSS stalinienne, et qui frappe aussi – sous des formes qu’il reconnaît être certes moins extrêmes – nos États démocratiques.
Après avoir participé dans les années 1930 au mouvement personnaliste d’Emmanuel Mounier, Charbonneau et Ellul s’en séparent. Avec la Seconde Guerre Mondiale, dans laquelle Charbonneau refuse de s’engager, estimant que Staline ne vaut pas mieux qu’Hitler, c’est le début d’une longue traversée du désert. Au cours des « Trente Glorieuses », des voix comme celles de Charbonneau sont inaudibles, et il a du mal à faire publier ses livres. Il lui faudra attendre le tournant des années 1960-1970 pour que les écologistes le (re)découvrent, à travers ses « Chroniques du Terrain Vague » publiées dans « la Gueule Ouverte » et des livres comme « L’Hommauto » (1967) ou « Tristes Campagnes » (1973), qui, hélas, ne rencontrent pas un franc succès.
Il s’engage aux côtés de son ami Jacques Ellul dans le Comité de défense de la côte Aquitaine, qui lutte contre la bétonnisation du littoral. Jusqu’à sa mort en 1996, Bernard Charbonneau portera un regard acéré sur l’évolution des écologistes, en particulier dans son livre « Le Feu vert, autocritique du mouvement écologiste », sorti en 1980. Aujourd’hui, nombre de ses idées-forces, comme la nécessité de ralentir le développement technique et scientifique et de stabiliser l’économie, se retrouvent au coeur des débats sur la transition écologique. Ce petit livre à la fois dense et accessible vient donc à point nommé pour inciter les jeunes (et moins jeunes) générations à lire ou relire l’œuvre abondante de ce pionnier qui avait toujours préféré les bonheurs simples (randonnée, pêche à la truite…) de son cher Béarn aux honneurs et intrigues propres à la capitale.
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Éditions l’Echappée, 208 pages, 11€ – www.lechappee.org
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(Laurent Samuel)
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