Quelle est au juste la situation du loup aujourd’hui en France ? Un adhérent des JNE, accompagnateur en montagne et spécialiste du tourisme durable, nous présente un point détaillé et des pistes pour des solutions, nourries par ses observations personnelles.
par Jean-Pierre Lamic *
Le loup a totalement disparu de France entre 1920 et 1940, victime d’empoisonnement à la strychnine et du manque de gibier, dans un pays où la pression agricole laissait de moins en moins de place à la vie sauvage. Contrairement à ce que certaines personnes de mauvaise foi peuvent encore laisser entendre, voire affirmer, le loup est revenu en France de manière naturelle ; justement parce qu’avec l’abandon de nombreuses terres agricoles, et la création de Parcs nationaux, la faune sauvage a pu réapparaître.
À l’image des grands prédateurs africains qui suivent les migrations des gnous, le loup, inexorablement, s’est réinstallé dans nos forêts et espaces naturels, et cela est logique selon les règles que la nature a élaborées ! C’est le 4 novembre 1992 que des agents du Parc National du Mercantour découvrirent sa présence lors d’un comptage de chamois. Il s’agissait du Canis lupus italicus, le loup italien.
Pour ma part, j’ai appris qu’il avait déjà été aperçu en 1991 près des axes de passage Italie-France des Alpes du Nord.
Mais c’est en 2001 que je pus observer pour la première fois des empreintes de loups dans la neige, et trouver un cadavre de chevreuil, à quelques encablures de la frontière italienne… La meute que je venais de surprendre avait emporté la partie haute de la bête. Logique, puisque le loup mange en premier le cœur et les poumons de ses proies. Il ne s’agissait donc pas de chiens errants… Pendant quatorze ans, je n’ai rien dit, et tout est resté paisible alentour… Et puis, un jour l’ONF a opéré une coupe de bois visible depuis la vallée, c’est dire l’ampleur du travail effectué, avec de gros engins, juste là où il n’aurait surtout pas fallu les déranger… Il ne s’est écoulé que quelques jours avant que l’on assiste aux premières attaques sur des animaux domestiques, dans la vallée, et déjà sur les contreforts du Beaufortain. À partir de ce moment-là, les polémiques et problèmes se sont petit à petit développés.
Apprendre à connaître le loup
Dans les années 1990, quand je terminais mes saisons de ski, je passais tous les ans visiter le Parc des loups du Gévaudan à Sainte Lucie en Lozère. Fondé et tenu à l’époque par Gérard Menatory (décédé en 1998), ancien résistant, journaliste et naturaliste, ce lieu permettait d’approcher les loups, mais surtout, grâce à lui, de comprendre leur comportement, leur vie sociale, leur mode d’organisation, et les rapports dominant/dominé qui le caractérisent. C’est ainsi que je pris un jour une photo au 50mm allongé dans l’herbe, à un mètre cinquante d’un loup craintif et intrigué. Depuis ce jour, je respecte le loup, comme l’ensemble des composantes de la biodiversité.
Des observations de terrain qui dérangent…
Je ne suis pas un bobo des villes (l’habituelle cible des détracteurs du loup), mais un accompagnateur en montagne, qui vit sur le terrain, 365 jours par an, qu’il pleuve qu’il neige, ou qu’il vente, ce, depuis 40 ans ! Les éleveurs ne possèdent pas l’exclusivité en ce domaine… Que l’on ne se méprenne pas : je respecte la grande majorité d’entre eux, notamment ceux qui, par leur travail dans les Alpes, en maintenant des troupeaux en altitude, aident à la préservation de la biodiversité (40 % est en train de disparaître sous l’effet principal du réchauffement climatique qui met des arbres, donc de l’ombre, là où il y avait la pelouse alpine, composée de plantes rares). Ceux-là fabriquent de bons fromages issus de notre terroir, sans pesticides, ni OGM, grâce à des AOC ou à leurs techniques issues de savoir-faire ancestraux.
En revanche, que dire de ces camions chargés à bloc d’ovins partant du sud de la France fin juin pour rejoindre les alpages trop éloignés des pistes de terre permettant l’accès à des trayeuses électriques, dans des conditions de transport parfois déplorables. Ovins que l’on mène vers des zones où se sont installées des meutes de loups depuis trente ans, sur des parcelles louées par les propriétaires à des éleveurs non issus du territoire, au seul bénéfice de ces deux parties. Ce qui constitue un cas particulier, et n’est donc pas à comparer avec les territoires où l’élevage ovin fait partie intégrante du patrimoine local.
Que peut-on dire également de ce que j’ai pu observer sur ce terrain à de nombreuses reprises ? Des brebis, souvent une quinzaine, laissées seules à plus de 2 300 mètres d’altitude, voire plus, errant sous un col frontalier… Plusieurs fois, j’ai détourné mon chemin pour éviter une rencontre impromptue avec un patou. Mais de chien, comme de berger, il n’y en avait pas…
L’été 2017, en pleine polémique sur la présence du loup dans la région, suite à plusieurs attaques, j’ai même croisé un troupeau entier, composé d’une cinquantaine de bêtes disséminées, seules à cinq cents mètres de la frontière italienne. À quelques mètres de brebis paissant tranquillement, une crotte de loup trônait sur un rocher… À partir de ces observations, il est possible de conclure – soit que certains bergers continuent à appliquer des méthodes d’élevage non adaptées au milieu naturel environnant – soit que ces agissements révèlent une volonté délibérée de créer le problème avec le loup. À quelle fin me direz-vous ? Et bien, tout cela pourrait bien être de nature idéologique et politique. Et il semble que la pression exercée par ces mêmes éleveurs sur les pouvoirs publics pour obtenir un plan d’abattage des loups fonctionne… On est passé de 40 loups abattus entre le 1er juillet 2017 et le 30 juin 2018 à 162 en 2022, avec une prévision à 174 en 2023…, alors qu’en 2022 le nombre des ovins tués a baissé d’environ 10 % par rapport à l’année précédente.
Des solutions qui n’en sont pas !
En 2017, on comptait cent onze loups abattus officiellement depuis leur retour naturel en France ! Soit un tiers de leur nombre estimé cette année-là. Comment est-ce possible, alors que l’espèce est classée protégée en France et en Europe ? Notre pays est en infraction avec les textes européens qu’elle a signés. Ces textes permettent des tirs exceptionnellement, en cas de prédation sur le « bétail », « lorsque tous les autres moyens ont été tentés pour l’éviter ». Et l’État a même pris en charge l’abattage des loups avec la création de brigades de louveterie sous l’égide de l’Office National de la Chasse et de la Faune Sauvage (ONCFS). Malheureusement, cette politique a pour unique vocation de contenter et tenter de calmer certains éleveurs, des lobbies agricoles et de chasseurs qui semblent avoir oublié qu’en 1960, la faune sauvage de Vanoise (bouquetins, chamois, marmottes, etc.) avait pratiquement disparu. Il n’y avait plus rien à chasser…
Ce que les décideurs de ces prédations ne mesurent pas, c’est la montée des protestations issues de la société civile, largement favorable à la présence du loup en France, comme le prouvent ces pétitions, signées par près de 150 000 personnes d’un côté, et 35 000 de l’autre.De plus, en aucun cas, le fait de tuer des loups ne règlera le problème… et ne fait que les augmenter ! Pourquoi le choix de tuer des loups ne règlera pas le problème ? Une meute de loups en France est généralement constituée d’un couple dominant, accompagné de jeunes de l’année d’avant et des louveteaux nés entre avril et mai (elle est composée en moyenne de 5 à six individus). Elle est donc dirigée principalement par ce couple, notamment lors des déplacements du groupe et pour organiser la chasse. Si vous tuez l’un d’eux, eh bien vous désorganisez la meute. Et une meute désorganisée cherchera des proies faciles car elle ne dispose plus de la possibilité d’appliquer des stratégies élaborées en commun… En outre, cela peut inciter des membres du groupe à en sortir à la recherche d’un territoire plus sûr… Et toute personne connaissant la problématique sait que les loups en dispersion sont ceux qui créent le plus de problèmes car ils doivent se nourrir durant leurs longs déplacements. Tuer des loups n’a donc aucun sens et surtout aucune justification scientifique ! Il faudrait les éradiquer totalement pour régler le problème de la cohabitation avec l’homme et c’est bien ce qui fut fait par le passé…
L’autre voie est donc celle d’instaurer une cohabitation sur la base des observations de terrain qui changent d’un territoire à l’autre avec les problématiques locales. Depuis 30 ans, n’a-t-on donc rien appris ? Par ailleurs, le loup, comme la plupart des prédateurs et charognards se trouvant en bout de chaîne alimentaire, a la capacité d’autoréguler les naissances. S’il a de quoi se nourrir, il fait plus de petits (l’inverse est vrai aussi). Les prélèvements effectués actuellement pourraient bien ne pas compenser une natalité accrue du fait d’un gibier plus abondant, voire surabondant dans le cas du sanglier !
Pourtant des solutions, il en existe !
Voici une anecdote qui en dit long sur l’éloignement de la politique française actuelle avec les véritables actions de terrain qu’il conviendrait d’envisager et mettre en œuvre. Dans les années 2 000 j’accompagnais plusieurs voyages en Calabre, terre d’élevage par excellence, aux rares ressources annexes (bois et conserveries). J’avais pris l’habitude de proposer à mes clients une sieste sous un arbre, posté au beau milieu d’une immense prairie située au cœur d’un Parc national. Lors d’un circuit, je trouve cette prairie totalement labourée de manière mécanique et me demande quelles sont les raisons qui ont pu prévaloir à ces travaux. La réponse m’est donnée quelques mois plus tard. À l’entrée de la prairie se trouve un panneau indiquant : « Ici, nous régénérons la prairie de manière à fournir une alimentation abondante à la population locale de cervidés. Ceci, dans le but de garantir au loup une nourriture suffisante et abondante… ». Le tout à quelques centaines de mètres de fermes vivant de l’élevage…
L’une des principales solutions, rarement évoquée en France, est donc de faire en sorte que le loup demeure dans des zones où la faune sauvage est abondante et qu’il puisse y jouer pleinement son rôle de prédateur et régulateur de la bonne santé des cervidés, et des caprins ou ovins sauvages (chamois, bouquetins, mouflons)… Depuis plusieurs hivers, je suis chaque semaine, durant plusieurs mois, les empreintes de loups dans la neige. Ces observations m’ont conduit à comprendre les méthodes de chasse des loups présents dans les forêts où je me trouve. Leur proie principale est le sanglier, qui envahit littéralement nos campagnes, notamment dans des régions comme la montagne savoyarde où il est peu chassé (les chasseurs locaux, le plus souvent seuls, recherchent avant tout le chamois, le cerf et le chevreuil).
Des loups se postent à l’affût des axes de passage habituels des sangliers, les pourchassent vers le bas de la pente où d’autres les attendent… Imparable ! Ce faisant, ils deviennent un allié des éleveurs bovins qui voient leurs prairies d’altitude être de plus en plus fréquemment labourées et endommagées par lesdits sangliers en surnombre… Organisés de la sorte, avec une nourriture abondante et facile à chasser, les loups n’ont aucune raison de sortir de leur territoire… Et donc de s’attaquer à des troupeaux !
C’est d’ailleurs ce qui fut prouvé par les 14 années sans attaque en Haute Tarentaise suivant la découverte de sa présence.
Mais voilà, en 2015, l’ONF débarque un jour, en toute méconnaissance de ce qui se passe dans cette forêt, et entreprend un abattage important… (Avant que les communes des stations de ski de Vanoise décident de quitter l’aire d’adhésion du Parc national éponyme, la faune de ces espaces était en partie gérée par des gardes de cette entité…). La meute de loups est dérangée et se retrouve désorientée, à découvert, là où des proies peu ou mal gardées paissent dans les prés.
Imaginez : vous vous rendez au supermarché pour acheter de la viande, et devant le magasin, se trouvent des poulets entassés sur un rayonnage ! Vous entrez ?
La protection des troupeaux
Un film diffusé sur France 2 au moment des fêtes de Noël 2016 montrait la scène suivante : un loup s’approche d’un troupeau gardé par un patou. Le chien met le loup en fuite et le poursuit. Peu de temps après, deux loups reviennent… Cette fois, c’est le patou qui s’éloigne ! Oui, les canidés fonctionnent sur le modèle dominant/dominé ! Une notion essentielle à intégrer pour une protection efficace. Il suffit donc de protéger les troupeaux avec plusieurs chiens, pas nécessairement ces monstres venus d’Anatolie (les Kangal) que l’on commence à introduire dans nos montagnes.
Maintenant, ce sont les randonneurs et les accompagnateurs en montagne qui se retrouvent bien malgré eux au cœur d’un problème qui ne les concerne pas, et doivent gérer l’augmentation du nombre de chiens potentiellement dangereux aux abords des chemins et le stress que cela génère, notamment pour ne pas mettre un groupe en danger ! Selon BFMTV, « 1,6 % sur un peu plus de 1 200 chiens de protection sous contrat ont été responsables d’incidents majeurs (pincements et morsures) dans le département des Hautes-Alpes en 2022 ». Certains accompagnateurs ou visiteurs sont ainsi obligés de changer d’itinéraires, d’effectuer de longs détours, voire de rebrousser chemin. Plusieurs de mes collègues refusent dorénavant d’encadrer des sorties sur certains itinéraires… Une amie a renoncé à une semaine de travail car elle aurait dû traverser une prairie arborée dans lequel un énorme troupeau était gardé par huit patous dans un espace non clôturé.
J’ai été moi-même – bien que sensibilisé et formé – l’objet de trois incidents majeurs au cours de ces dix dernières années…, il ne s’agit donc pas d’un épiphénomène. Les accompagnateurs en montagne sont environ 2 500 à exercer leur métier en France, et participent largement à développer une économie locale, hivernale et estivale, souvent en partenariat avec de nombreux éleveurs du cru, comme à Peisey-Nancroix, où, fils, neveux, ou petit-fils d’agriculteurs, pour la plupart, ils encadrent jusqu’à 28 000 sorties par été ! Cette économie-là, locale, est à prendre en compte, me semble-t-il, d’autant que la présence du loup interpelle de plus en plus les visiteurs, très demandeurs d’informations sur ce sujet qu’ils savent être largement tronquées ou déformées par les médias traditionnels. Il passionne généralement les enfants et les jeunes, qui, parfois demandent à leurs parents d’effectuer une sortie sur ce thème à la simple évocation du mot loup. L’éducation étant évidemment primordiale, autant pour les parents que s’agissant des enfants, il est important de ne pas négliger cette demande particulière.
Sortir des oppositions stériles
Il devient donc urgent de sortir du schéma pro/anti loups dépassé, et dans lequel les écologistes d’un côté et les éleveurs de l’autre, sont, au même titre que le loup l’est aujourd’hui, l’ennemi à abattre pour le camp d’en face ! Les autres (randonneurs, professionnels de la montagne…) deviennent les otages de ces oppositions stériles. Jean-Michel Bertrand, réalisateur, auteur des films La Vallée des loups et Marche avec les loups, lors de sa soirée de présentation à la Rosière en 2017, ne disait rien d’autre, et racontait que sur son territoire, là où se trouve la meute filmée, un éleveur ayant expérimenté la garde de son troupeau avec plusieurs chiens n’avait pas subi d’attaque. Sa présence est d’ailleurs incluse dans un programme concocté par une agence de voyages traitant du sujet pour une clientèle composée d’un public curieux. La protection et l’encadrement des troupeaux est donc l’une des principales solutions à appliquer, à condition qu’elle soit faite de manière raisonnée. Par ailleurs, tout faire pour maintenir le loup dans des espaces naturels préservés pourrait être bénéfique à tous : éleveurs, environnementalistes, simples touristes, amoureux de la nature, ou accompagnateurs en montagne.
Quelques chiffres pour mieux comprendre
Il y aurait aujourd’hui entre 3 300 et 3 600 loups en Italie, pour un peu moins de 1 000 en France, 300 au Portugal – plus de 2 000 en Espagne, 2 700 en Bulgarie, et près de 3 000 en Roumanie…. En France en 2020, on dénombrait 11 000 ovins ou caprins tués pour 8 400 en Italie qui compte 3,5 fois plus de loups et un nombre équivalent d’ovins (7 millions en France, 6 900 000 en Italie, 15 millions en Espagne). En revanche, l’Italie affiche un nombre très supérieur de bovins tués : 1 400 pour 220 en France. Les chiffres ne sont disponibles ni pour la Roumanie, ni pour la Bulgarie. Ceux de l’Espagne parlent d’eux-mêmes : moins de 3 400 ovins et caprins tués par le loup et 6 700 bovins pour une population de loups près de 2,5 fois plus importante.
Selon le rapport du Conseil de l’Europe qui donne ces chiffres, les faiblesses institutionnelles sont largement considérées comme les menaces les plus importantes pour la conservation du loup en Europe. Or en France ce sont principalement les préfets (non élus et généralement pas ou peu formés) qui sont en charge de ces questions…
Indemnisations
L’indemnisation des dommages sur les troupeaux domestiques au titre du loup est une démarche volontaire de l’État, assumée financièrement par le ministère de la Transition écologique et de la cohésion des territoires. Cette procédure repose sur la réalisation systématique d’un constat de dommages dès lors qu’une prédation lupine est suspectée. La procédure est la suivante : l’éleveur ayant subi des dommages contacte la DDTM (Direction départementale des territoires et de la mer). Un agent de l’OFB (Office français de la biodiversité) habilité se déplace chez l’éleveur afin de réaliser le constat appelé « constat d’attaque ». Celui-ci fait, il est envoyé à la DDTM qui rend une conclusion technique. Au moins deux mesures de protection reconnues (parcs électrifiés, berger, chiens de protection) doivent être mises en place par l’exploitation agricole pour bénéficier d’une indemnisation dans les zones de présence avérée des loups. Les indemnisations et dommages sont réglementés par le Décret n° 2019-722 du 9 juillet 2019 relatif à l’indemnisation des dommages causés aux troupeaux domestiques par le loup, l’ours et le lynx, et le Décret n° 2021-299 du 19 mars 2021 modifiant le décret no 2019-722 du 9 juillet 2019 relatif à l’indemnisation des dommages causés aux troupeaux domestiques par le loup, l’ours et le lynx.
Par ailleurs, selon la revue Espaces Naturels, on estime à 500 000, le nombre d’ovins tués chaque année par des chiens errants, problème dont on n’entend jamais parler… À titre de comparaison, l’estimation réalisée à partir de l’enquête nationale (France) de G. Joncour réalisée avant la mise à jour effectuée ci-dessus, a dénombré 9 788 brebis tuées par le loup en 2016, essentiellement dans les Alpes-Maritimes, contre 8 964 en 2015, 4 920 en 2011, 3 800 en 2005 et 1 500 en 2000. Source : Article du Monde du 23 mai 2017. Quelque 400 000 brebis meurent chaque année au niveau national de maladies, d’accidents sur les alpages, de la foudre, selon les estimations de France Nature Environnement.
En cas d’attaque de loup, les indemnisations varient entre 80 et 520 euros par tête. Ces sommes sont supérieures à la valeur marchande des ovins et prennent donc en compte une part des frais annexes (difficilement quantifiables) occasionnés par l’attaque subie. .À titre de comparaison, toujours, en cas de maladie établie, pour les animaux abattus la Moselle rembourse à l’éleveur 45 euros pour un ovin, 91 euros pour un ovin reproducteur, et 228 euros pour un bovin.
Conclusion
Il est évident que le loup continue d’endosser le rôle de bouc émissaire vis-à-vis des problèmes rencontrés par certains éleveurs suite à son retour naturel dans nos espaces naturels. Pourtant, s’il est vrai que le retour du loup oblige les éleveurs concernés, soit à changer leurs méthodes d’élevage, soit à trouver des protections efficaces, et que cela peut générer un stress, du travail supplémentaire, et des investissements (il existe des aides), il n’en est pas moins vrai que le loup est un animal craintif et ne s’attaque pas à l’homme. Le traitement qui lui est infligé est donc sans proportion avec ceux qui sont réservés aux réels problèmes pour l’homme : chaque année sur la Terre le moustique tue 750 000 personnes, l’homme lui-même génère 437 000 victimes (meurtres uniquement), le serpent 100 000 et le chien 25 000 ! En outre, l’éleveur peut bénéficier d’indemnisations et d’aides conséquentes… Aujourd’hui ce problème est géré par des politiques, qui manifestement, pour la plupart, ne maîtrisent pas le sujet !
La loi du 14 avril 2006 réformant les parcs nationaux français dont l’esprit était, selon Roselyne Bachelot, la ministre de l’Écologie de l’époque, de permettre aux élus des communes situées en zones périphériques du cœur des parcs nationaux de mieux intégrer les principes du développement durable, a abouti en Vanoise, notamment, à l’opposé de cette volonté affichée (cet affichage ne représentait donc qu’’une façade de circonstance). Autrefois gérés par des scientifiques et naturalistes, ces espaces protégés sont aujourd’hui largement dépendants d’élus, plus enclins à parsemer nos montagnes de canons à neige qu’à prendre en charge les nombreux problèmes environnementaux découlant du dérèglement climatique, dont celui du loup pourrait bien être une conséquence indirecte…
Un ami chasseur me racontait il y a peu qu’il avait tué un cerf à 2 400 mètres d’altitude ! La faune autrefois régulée par le climat en altitude, l’est de moins en moins ! Il est urgent de redonner aux scientifiques, naturalistes, acteurs et bénévoles de terrain (comme ceux qui officient au sein de Pastoraloup), le rôle social qui était le leur avant que n’entre en vigueur ce texte de loi, qui constitue certainement l’un des plus importants freins à la résolution de la problématique énoncée ici. Aujourd’hui, les Parcs nationaux sont mis sous la tutelle des politiques et préfets… Que l’on ne s’étonne pas, par conséquent, de la persistance de problèmes qui pourraient être traités d’une toute autre manière…
Pour conclure, il est à noter le très bon travail effectué par le Parc naturel du Vercors sur ces questions, prouvant, s’il le fallait encore, que le mode de gouvernance des Parcs naturels régionaux (le Syndicat mixte) est de loin, le plus adapté pour une gestion raisonnée, intelligente et participative de ces questions.
*Accompagnateur en montagne, Jean-Pierre Lamic est l’auteur de Tourisme durable, de l’utopie à la réalité (Éditions Kalo Taxidi, 2019)
« On reconnaît le degré de civilisation d’un peuple à la manière dont il traite ses animaux. » Gandhi
Bibliographie
Gérard Ménatory, La vie des loups : du mythe à la réalité, Paris, Stock, coll. « Nature. », 1990 (1re éd. 1969), 333 p. (ISBN 978-2-234-02267-6, OCLC 716530346).
Gérard Ménatory, Les loups, Lausanne, Payot, coll. « Comment vivent-ils? », 1991 (ISBN 978-2-601-02225-4, OCLC 715705305)
Yves Paccalet, Eloge des mangeurs d’hommes, Editions Arthaud, 2014
Ferus, 40 loups à tuer, rien de nouveau
Misha Defonseca, Survivre avec les loups, Ed France Loisirs avec XO Éditions, Paris 2005
Photo du haut : empreintes de loups sur un territoire de chasse © Jean-Pierre Lamic