Se nourrissant d’acariens, de moustiques potentiellement transmetteurs de maladies aux humains et de mouches, mais aussi très bonnes indicatrices de la santé des milieux naturels, les araignées de France sont pourtant en danger. C’est ce qu’indique une étude menée par le Comité français de l’Union internationale pour la conservation de la nature (UICN), l’Office français de la biodiversité (OFB) et le Muséum national d’Histoire naturelle (MNHN), avec l’expertise et la mobilisation du réseau de l’Association française d’arachnologie (AsFrA) et l’appui technique du laboratoire TREE (Université de Pau-CNRS).
par Christine Virbel Alonso
Les raisons sont d’origine humaine : pour un grand nombre d’araignées, la destruction des habitats naturels représente une menace majeure. Les espèces vivant dans les prairies sont notamment affectées par l’artificialisation croissante liée aux constructions et aux aménagements, comme la Cyclosa insulaire classée Vulnérable dans la liste rouge des espèces menacées en France. Les araignées vivant en forêt pâtissent de l’exploitation du bois et de la sylviculture intensive qui tend à faire disparaître les vieux arbres. La Tégénaire rouillée est ainsi aujourd’hui classée En danger. Pour les espèces des milieux humides, l’aménagement des berges et le comblement de zones humides ne leur laissent aucune chance de survie. Ces espèces subissent aussi les modifications du régime hydrique causées par le drainage ou l’assèchement à des fins agricoles, comme la Dolomède des roseaux classée En danger.
Les produits nocifs pour l’environnement affectent certaines araignées en les contaminant directement ou indirectement et en réduisant la disponibilité de leurs proies. C’est le cas de l’Érèse sandalion, classée Quasi menacée, dont les proies se raréfient à cause de l’usage de pesticides. Les pollutions agricoles, industrielles et urbaines rendent aussi les zones humides inhospitalières pour les espèces qui y vivent, comme l’Argyronète, une araignée au mode de vie subaquatique classée En danger.
La fréquentation excessive des milieux représente une autre menace pour les espèces cavernicoles, telles que la minuscule Trogloneta, particulièrement sensible au dérangement lié à l’exploration spéléologique récréative. Le tourisme balnéaire, qui incite au nettoyage systématique des plages, est quant à lui néfaste pour les espèces des habitats fragiles du littoral. La Dictyne des posidonies, qui vit uniquement dans les feuilles des plantes marines échouées sur les plages, en est par exemple victime. Toutes deux sont classées En danger.
De manière plus ponctuelle, le prélèvement de spécimens dans la nature à des fins de collection, de commerce ou pour la terrariophilie menace un certain nombre d’araignées, notamment l’Érèse sandalion. La montée du niveau de la mer affecte aussi les espèces littorales, telles que le Mogrus des plages qui fréquente les milieux dunaires, désormais Vulnérable.
Enfin, le changement climatique, dû à nos émissions de gaz à effet de serre, constitue une menace croissante. Les araignées montagnardes sont particulièrement concernées par la hausse des températures, qui contraint les populations à monter en altitude pour conserver des conditions favorables. Un moment arrivera où elles ne pourront plus monter plus haut. Les sécheresses frappent des espèces du sud de la France, comme celles du genre Nemesia, de petites mygales creusant des terriers, dont les femelles et leur progéniture peuvent succomber à la déshydratation dans leur refuge. La Mygale du Luberon, endémique de France métropolitaine, est ainsi classée En danger critique et a peut-être même déjà disparu.
Ainsi, plus de 10 % des espèces sont menacées sur les 1622 espèces recensées. Aucune espèce ne fait à ce jour l’objet d’un programme de conservation dédié ou de mesures de protection spécifiques de leurs habitats naturels.
Photo du haut : l’Érèse sandalion (Eresus sandaliatus), classée Quasi menacée © A. Bounias-Delacour (licence CC BY-NC-SA)