Le 19 décembre 2022, les 196 pays de la Convention sur la Diversité Biologique (CDB) réunis à Montréal ont adopté un cadre mondial pour la biodiversité : l’accord Kunming-Montréal*, aussi appelé « Pacte de paix avec la nature ».
par Christine Virbel Alonso
Le plus grand succès est sans doute le fait qu’autant de pays aux développements économiques différents aient pu s’accorder sur 23 cibles d’action d’urgence, pour notamment :
– parvenir à au moins 30% des terres ou des mers en aires protégées d’ici 2030;
– restaurer en plus en plus des aires protégées 30 % de la superficie d’écosystèmes dégradés dans ces deux milieux;
– réduire toutes les pollutions, dont au moins de moitié les engrais et les risques liés aux pesticides et aux substances chimiques dangereuses et éliminer totalement la pollution plastique;
– diminuer de moitié l’introduction d’espèces exotiques envahissantes;
– identifier d’ici 2025 puis éliminer ou réformer les incitations financières néfastes à la biodiversité d’au moins 500 milliards de dollars par an d’ici 2030 et augmenter les financements publics et privés à 200 milliards de dollars par an d’ici 2030 pour la mise en œuvre des stratégies nationales de la biodiversité en accordant 20 milliards de dollars par an d’ici 2025 et 30 milliards en 2030 aux pays du Sud (actuellement, ils sont de 10 milliards par an);
– développer de façon substantielle les pratiques agricoles favorables à la biodiversité comme l’agroécologie;
– réduire par dix le rythme et le risque d’extinctions de toutes les espèces d’ici 2050;
– inclure des Solutions fondées sur la Nature (SfN) préconisées par l’UICN comme moyen de minimiser les impacts du changement climatique et de l’acidification des océans sur la biodiversité;
– partager les avantages des découvertes de nouvelles molécules avec les pays où elles ont été découvertes et avec les peuples autochtones.
Mais qui dit accord à 196 pays dit aussi réduction des ambitions initiales et compromis.
Concernant les aires protégées, l’idée de départ était d’avoir 30 % d’aires protégées dans chaque milieu terrestre et marin, mais le texte final retient les 30 % pour les deux milieux confondus. Par ailleurs, les aires protégées ne sont pas exemptes d’activités humaines, y compris en France. Il ne faut donc pas forcément s’attendre à une protection absolue de la biodiversité dans ces zones. L’évaluation de l’état des écosystèmes dégradés dépend pour sa part de l’interprétation de chaque pays. Concernant la protection urgente des espèces, l’UICN demandait un objectif de zéro extinction pour toutes les espèces en 2050 et non de réduire par dix le rythme actuel. Pour l’agriculture, certains pays ont fait ajouter dans l’accord qu’une autre agriculture, dite à « intensification durable », soit possible sans la définir exactement, ce qui peut créer le doute sur leur volonté de changer fondamentalement de pratiques.
L’UICN souligne aussi « l’absence d’objectifs chiffrés sur l’augmentation de la surface des espaces naturels d’ici à 2050 et sur la réduction de l’empreinte écologique ». Cette dernière a d’ailleurs été réduite au gaspillage alimentaire, alors que l’empreinte écologique de la consommation mondiale concerne d’autres éléments comme l’utilisation des ressources naturelles ou le transport des marchandises.
D’une manière générale, ces restrictions s’expliquent à la fois par l’action des lobbies qui étaient très présents sur place, mais parfois, aussi, par la situation de certains pays qui peuvent difficilement demander à des populations dépendantes des ressources naturelles de ne plus s’en servir lorsqu’elles ont très peu d’autres moyens de subsistance. Un accord ne pouvait donc se faire qu’avec des compromis, ce qui n’a pas empêché de réelles avancées pour protéger la biodiversité, du moins sur le papier. En résumé, l’on peut dire que ce cadre mondial est une référence permettant de jauger les mesures prises par les États pour sauvegarder la biodiversité, dont les résultats pourront être vérifiés concrètement en étudiant, par exemple, le nombre d’individus par espèces ou en regardant la courbe (descendante ?) des disparitions d’espèces. Reste à espérer que les États décident de s’y référer.
* Il porte ce double nom car la COP15 aurait dû avoir lieu en 2020 en Chine, mais a été reculée et déplacée au Canada en raison du Covid. La présidence est restée chinoise.
Photo du haut : la COP15 à Montréal en décembre 2022 © DR