Ce jeudi 15 décembre 2022, se tenait un conseil d’administration au siège de l’Agence de l’eau Loire-Bretagne (AELB) à Orléans, l’un des principaux financeurs des bassines agricoles… Les collectifs Bassines non merci avaient donné rendez-vous aux citoyen.nes pour se rassembler devant le siège de cette institution publique dont le rôle concernant ces projets est essentiel.
par Pierre Grillet
Le conseil d’administration de l’AELB doit en effet se réunir à nouveau prochainement pour délibérer sur le financement du projet des trente méga-bassines du bassin du Clain dans le département de la Vienne, ainsi que d’une rallonge budgétaire pour celles des Deux-Sèvres. La seule facture concernant les bassines des Deux-Sèvres s’élève à ce jour à plus de 74 millions d’euros financés à 50 % par l’AELB. De tels investissements peuvent difficilement se passer de l’argent public pour la concrétisation de ces aménagements et l’aide de l’Agence de l’eau est, à ce jour, un élément clé pour y parvenir.
Ce sont plus de 200 riverains.nes, venus.es des quatre coins du territoire Loire-Bretagne – Marais poitevin, Vienne, Berry, Loire-Atlantique, Haute-Loire, Finistère, Limousin – qui se sont rassemblés devant le siège de l’Agence de l’eau (AELB), à Orléans, ce jeudi 15 décembre 2022, pour exiger l’arrêt du financement public des méga-bassines.
Une mobilisation inédite pour cette Agence Loire-Bretagne quelques jours avant les fêtes de fin d’année. Pour accueillir la foule rassemblée autour de braseros, bols de soupe et verres de vin chaud à la main, derrière la banderole Pas un centime de plus pour les bassines, la direction de l’Agence avait pris la décision de sécuriser la Maison de l’eau en déployant des dizaines de forces de l’ordre et d’annuler la plénière en présentiel du conseil d’administration (CA) prévue le jour même.
Bassines Non Merci explique : « Au regard de l’état dégradé des masses d’eau du bassin Loire-Bretagne et de la sécheresse de cette dernière année, plus un centime ne doit être gaspillé pour le financement de ces énormes cratères plastifiés dont le seul but est de sauver un modèle agricole écocidaire dopé à l’irrigation intensive et à la chimie. Chaque centime doit servir à préserver les milieux aquatiques et à assurer un juste accès à une eau de qualité pour l’ensemble des habitants.es de ce bassin. »
Signe encourageant pour les opposants : pendant une heure, la présidente de l’Agence de l’eau, la préfète Régine Engström, accompagnée de ses vices-présidents, ont accepté de recevoir une délégation composée du député européen EELV Benoît Biteau, du sénateur EELV Daniel Salmon, de Sylvain Robin, le collaborateur de la députée NUPES-EELV Lisa Belluco, de Nicolas Fortin de la Confédération paysanne et de Julien Le Guet, Marion Vigot et Fanny Lancelin, porte-parole des Collectifs Bassines Non Merci Sèvre Niortaise Marais Poitevin et Berry.
La rencontre a porté sur les points suivants soulevés par le collectif : l’arrêt de l’aide financière de l’AELB au financement des méga-bassines, qui devra induire un moratoire sur tous les chantiers et les projets afin de définir les volumes prélevables en respectant la priorisation des usages tel que définie par la Loi sur l’Eau et les Milieux Aquatiques. Un tel moratoire permettra également l’élaboration d’un véritable projet de territoire autour de la gestion de l’eau pour l’alimentation et la biodiversité (PTGE) dans un cadre réellement démocratique et transparent. Enfin, il laissera le temps à la justice de statuer sur tous les recours juridiques encore en cours : au moins 9 sont encore en instance et pour le moment, parmi les jugements rendus, 6 recours ont été gagnés et deux perdus (lire ici le tableau récapitulatif des recours, synthèse réalisée par Marion Vigot : Tableau Recours Bassines version 19 décembre 2022).
Sur les aspects scientifiques, il est demandé également la prise en compte de l’ensemble des volets des études HMUC (Hydrologie-milieux-usages-climat). Il s’agit d’études portant sur l’hydrologie, les milieux, les usages et le climat visant à préciser et compléter les actions à mener en faveur d’une gestion durable de la ressource en eau. Il est nécessaire aussi de se saisir de l’avis du CNPN (Conseil national de protection de la nature) sur l’impact des méga-bassines concernant les populations d’outardes canepetières. D’autre part, alors que la bassine de Mauzé sur le Mignon SEV17 est actuellement en cours de remplissage bien que la rivière proche (le Mignon) soit quasiment à sec, le collectif réclame un positionnement scientifique sur les seuils de remplissage de ces bassines.
Enfin, il est demandé à l’AELB d’exiger, auprès de la Coop de l’eau 79 et des chambres d’agriculture des Deux-Sèvres et de Charente-Maritime, la mise à disposition du public des diagnostics individuels des irrigants concernés par les méga-bassines. Pour rappel, en Charente-Maritime, l’État par l’intermédiaire de la Préfète de Région, a été sommé par le tribunal administratif de Bordeaux de révéler auprès de l’association Nature Environnemnt17, les volumes effectivement prélevés par les irrigants. Une décision qui date de début décembre.
L’AELB doit faire preuve de plus de transparence au niveau des échanges du Conseil d’administration et du Comité de bassin, à l’instar d’autres institutions semblables.
Le Collectif Bassines non merci estime que la balle est dans le camp de l’Agence de l’eau : « Aux élus de l’AELB de prendre, désormais, leur responsabilité en refusant de financer des projets d’accaparement de l’eau et en instaurant au plus vite un moratoire sur les projets de méga-bassines pour éviter l’escalade des conflits autour de l’eau. Une réponse positive est attendue au plus tard avant le 25 mars prochain, date de notre prochaine mobilisation d’envergure ! »
Et de rappeler les prochaines mobilisations : le 5 janvier 2023, rassemblement à la Rochelle en soutien aux deuxpersonnes inculpées et jugées au tribunal de la Rochelle suite au débâchage de la bassine illégale de Cram Chaban en novembre 2021. Le 6 janvier, rassemblement à Niort en soutien aux quatre personnes inculpées et jugées au tribunal de Niort suite au blocage du chantier de la bassine de Mauzé en septembre 2021. Et le 25 mars, pour le Méga-rassemblement Européen Printemps Poitevin.
Photo du haut : des citoyens devant l’Agence de l’Eau à Orléans pendant que Julien le Guet, l’un des porte-parole du collectif BNM explique les enjeux de cette journée © Collectif Bassines non merci