La COP27, rendez-vous mondial du climat, n’est pas qu’une succession de négociations, de venues de chefs d’Etat – Macron, Biden, Lula … – et d’accords internationaux. Il s’incarne aussi dans des acteurs qui viennent présenter des solutions, défendre des plaidoyers, faire bouger les lignes ou sentir l’air du changement pour mieux agir ensuite dans leur pays entre deux COP.
par Anne Henry-Castelbou, envoyée spéciale à Charm el-Cheikh
Défendre les peuples autochtones avec Uyunkar Domingo Peas Nampichika, de la Pachamana Alliance
Domingo Peas fait partie des peuples autochtones de la région d’Amazonie d’Equateur. « Nous sommes venus défendre un programme pour faire face au réchauffement climatique et protéger notre région très importante en biodiversité, avant d’atteindre le point de non retour : sortir de l’énergie fossile, participer à la gouvernance de la région pour mieux contrôler le territoire, conserver et restaurer la forêt, les fleuves, les lacs. Nous espérons aussi trouver un modèle économique pour pouvoir vivre de la forêt, développer l’énergie renouvelable, créer des connexions entre le monde et les peuples autochtones pour réduire les conflits, via la création d’une école Escuoala Viva, pour partager les connaissances traditionnelles et les sciences modernes. Cela fait 30 ans que j’espérais participer à une COP. Aujourd’hui je vois un signal fort, les peuples natifs prennent un rôle de plus en plus important. Ils sont écoutés par les gouvernements. »
Plus de Justice climatique avec Nicolas Haeringer, de l’ONG 350
« Cette COP avait été pensée par les autorités égyptiennes comme un évènement qui ne devait pas laisser de place à la société civile, autre que celle contrôlée par le gouvernement. Le fait de pouvoir faire le samedi 12 novembre, à la mi-temps de la COP, une manifestation de plus de 1000 personnes, avec un meeting au coeur de la Blue Zone qui accueille les négociations, c’était une première dans l’histoire des COP. La présidence égyptienne ne s’y attendait pas et cela a eu un impact sur les pourparlers, la couverture de la COP, mais aussi à l’extérieur. Il y a eu beaucoup de discussions sur les réseaux sociaux en Egypte, et certains s’en sont saisis pour les relayer et oser prendre la parole. Mais on a plusieurs craintes, notamment qu’à la fin de la COP, les autorités égyptiennes prennent des mesures de rétorsion à l’encontre de personnes basées en Egypte. Nous serons vigilants, en travaillant avec l’ONU et des gouvernements tels que l’Allemagne, le Royaume-Uni ou les Etats-Unis pour qu’il y ait des mécanismes de soutien, voire d’urgence en cas de besoin. »
Accorder plus de place à l’écoféminisme avec Delali Adédjé
On sait que le changement climatique va renforcer certaines inégalités structurelles, notamment celles vécues par les femmes. L’Accord de Paris intègre cette nécessité d’aider les femmes à s’autonomiser par rapport aux effets du réchauffement de la planète. Et ce même si l’ONG WECF (Women Engage for a Common Future) dénonce à la COP27 l’absence de financement dédié aux Plans d’actions Genre et climat. De son côté, Laurence Tubiana, l’architecte de l’Accord de Paris, venue cette année comme observatrice et influenceuse, regrette une diplomatie écoféministe moribonde. Néanmoins, cette semaine au coeur de la COP27, la togolaise Delali Adédjé a été récompensée par le prix Gender Just Climate, qui innove pour aider les femmes des pays vulnérables. « J’ai créé un foyer qui réduit les fumées et l’utilisation du bois à 50 %, ainsi qu’une centrale photovoltaïque pour abandonner l’utilisation du gasoil dans le fonctionnement des moulins. Ces solutions permettent de faire face à la flambée du prix du pétrole, d’augmenter la productivité et de rendre les femmes financièrement autonomes. Cette récompense est aussi une vraie reconnaissance. Ca nous aide à élever notre voix venue d’un coin ou d’un village au Togo. Et cela permet de changer l’image des femmes dans la lutte contre le changement climatique. »
Revoir le modèle de la COP avec Bertrand Piccard, fondateur de la Fondation Solar Impulse
Après avoir volé autour du monde grâce aux panneaux solaires, le Suisse a posé ses bagages à la COP27, qu’il a suivie pour les journaux helvétiques La Tribune et Le Temps via des chroniques quotidiennes. Bertrand Piccard, qui a recensé près de 1400 solutions efficientes dans le monde via sa fondation Solar Impulse pour lutter contre le réchauffement climatique – notamment dans les Hauts-de-France – en a profité pour promouvoir ici des solutions spécifiques aux pays les plus vulnérables. « J’ai rencontré le ministre de l’Environnement égyptien pour le mettre en lien avec des entreprises qui développent des séchoirs solaires pour les récoltes, des systèmes de recyclage des déchets ménagers ou des vélos électriques ruraux. Mais quand vous écoutez les négociations des COP, on ne parle pas du climat. On s’arrête sur la définition de tel ou tel mot. C’est la guerre des mots. Moi, je verrais la COP complètement autrement. On se réunirait non pas pour négocier des engagements mais pour identifier et mettre en place les solutions existantes, en fonction des besoins de chacun. »
Mobiliser les acteurs du commerce avec Thierry Gadout, président de la société SES Imagotag
Cette entreprise développe des solutions technologiques de digitalisation du commerce physique, pour le secteur de la grande distribution des Hauts-de-France. Il s’agit d’aider les magasins en dur à être plus performants face au commerce 100 % en ligne, considéré plus néfaste pour l’environnement. « Si je suis venu en Egypte, c’est pour faire comprendre que le commerce, à l’instar des secteurs du transport ou de l’énergie, peut jouer un rôle dans la réduction des émissions de gaz à effet de serre. Il en est responsable à hauteur de 25 %. C’est regrettable que le commerce soit le parent pauvre des débats dans le climat. Le commerce local peut évoluer vers un commerce très bas carbone, et ce grâce à la technologie, étant donné qu’il est déjà physiquement proche des consommateurs. Au-delà de ce plaidoyer, ça a été l’occasion de rencontrer des élus, notamment d’Afrique, intéressés par des solutions pour rendre leurs villes plus durables. »
Agir entre deux COP avec Barbara Pompili, députée Renaissance de la Somme
La députée Barbara Pompili est envoyée par la Commission des affaires étrangères de l’Assemblée nationale, avec Carlos Bilongo, député Nupes du Val-d’Oise, pour suivre l’action du gouvernement à la COP27. « C’est important de rapporter au Parlement le résultat des négociations, et ce, en dehors des communiqués de presse du gouvernement ou de l’analyse des médias. C’est aussi l’occasion de mieux cerner les grands enjeux, notamment sur la finance climat, pour ensuite pouvoir agir au niveau du Parlement entre deux COP sur ces sujets. Je suis aussi là en tant que membre de l’OCDE (Organisation de coopération et de développement économique), qui a lancé une initiative sur la gouvernance de l’eau. Je suis arrivée dimanche pour la semaine, c’est un lieu passionnant où il y a beaucoup de rencontres. C’est essentiel de pouvoir échanger, les yeux dans les yeux, avec ceux touchés dramatiquement par le réchauffement climatique. Une visio ne peut pas remplacer ce genre d’échanges. En cette fin de semaine, je pense que le gap de confiance n’est toujours pas rempli et j’espère que d’ici ce week-end, il y aura des engagements qui pourront remplir ce fossé. »
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