Nombre d’entre vous ont croisé Pierre-Frédéric, figure hors du commun au parcours exceptionnel dans le monde de l’environnement – exceptionnel même si, pour les pionniers des années 60-80 et ceux qui leur ont succédé, cela fut monnaie relativement courante que d’avoir connu des trajectoires peu banales.
par Christian Garnier
Nous avions tissé de forts liens d’amitié dès notre première année d’école d’ingénieur, il y aura soixante ans l’année prochaine ! Et nous ne nous sommes pratiquement jamais perdus de vue depuis.
C’était un esprit critique très aiguisé au pessimisme lucide, que venaient adoucir des sourires à la fois désabusés et pleins de bonhomie. En contrepoint d’une certaine tristesse vis-à-vis de la déraison humaine, son humour délicatement caustique, son intégrité, sa convivialité généreuse et sa bonne humeur à la vue de ses proches, se sont donné libre cours tant avec ses collègues qu’avec ses amis.
Dans sa vie publique, les choses n’étaient naturellement pas toujours aussi aimables, semées d’incessants et durs combats, souvent menés avec un panache volontiers décapant. Confronté à des personnes et des groupes d’intérêts ne partageant nullement sa vision et ses valeurs, les scénarios se sont parfois déroulés dans une toute autre ambiance.
Ses exigences morales et sa combativité au service de ce qu’il considérait comme le bien commun et la nécessité de rompre avec des comportements routiniers – ou parfois peu respectables – lui ont valu d’être qualifié d’esprit « clivant ».
Il est vrai que, tout en étant un artiste dans la recherche de compromis qu’il estimait pouvoir tôt ou tard servir l’intérêt général, il ne craignait pas de prendre des positions tranchées. Et il n’était pas tiède face à des comportements qu’il jugeait mesquins, pas très honnêtes, ou peu soucieux du bon peuple et de l’argent public.
Au-delà de sa profonde culture et de sa redoutable intelligence, c’était un philosophe et un moraliste, excellent connaisseur de Machiavel. Il n’était donc guère indulgent avec les États et les cercles de pouvoir, qu’il fréquenta de très près.
Grands ou petits, il considérait les gens pour ce qu’ils étaient. Il ne mesurait pas son empathie au statut social ou politique et, toujours respectueux de l’autre, plaçait sur un même pied d’humanité le modeste employé ou l’ « éminent » personnage.
Derrière un humour caustique, un regard volontiers malicieux et une fausse nonchalance qui pouvaient passer pour une forme de cynisme ou de posture surplombante, ceux qui l’ont bien connu savent que se cachaient, depuis toujours, une sensibilité, undésespoir, une révolte viscérale devant la sottise et l’égoïsme et, plus largement, devant les absurdités et les faiblesses humaines qui nous entraînent vers la/les catastrophes. Ce qui ne l’empêchait pas de conserver malgré tout une grande tendresse pour cette humanité qu’il voyait terriblement fourvoyée.
Travailleur acharné, doué d’une profondeur de réflexion et d’une capacité de travail hors normes, c’était à sa manière un guerrier qui ne baissait jamais les bras face à la bêtise, aux intérêts corporatistes et à la méchanceté. Et pour le reste, un être de bienveillante attention discrète et pleine de délicatesse, qui aimait la vie.
Son départ nous touche douloureusement. Nous ne sommes pas près de l’oublier.
Avis de décès carnet du Monde du 29 octobre
Isabelle Orgogozo Ténière-Buchot, son épouse,
Gaëlle et Matthias Voss,
Cédric et Charlotte Ténière-Buchot,
Amélia Ténière-Buchot,
Célia Orgogozo Leblois et Arthur Leblois, ses enfants,
Elias, Noémie, Salomé, Sacha, Rym, Luna, Juliette, Morgane et Zadig, ses petits enfants, parents et alliés, ont la tristesse de vous faire part du décès de :
Pierre-Frédéric Ténière-Buchot
chevalier de la Légion d’honneur
gouverneur du Conseil mondial de l’eau (World Water Council)
ancien directeur de l’Agence de l’eau Seine-Normandie
ancien professeur associé au Conservatoire national des arts et métiers (CNAM)
ancien président programme Solidarité Eau (pS-Eau)
le 17 octobre 2022, dans sa soixante dix huitième année.
Ses obsèques ont été célébrées à Bordeaux dans l’intimité familiale. Un hommage religieux lui sera rendu le 19 novembre à 11 heures en l’église Saint-Eustache, Paris 1er. Ses cendres seront déposées ultérieurement dans une chapelle funéraire au cimetière du Montparnasse, Paris 14e.
Cet avis tient lieu de faire-part et de remerciements. Ni fleurs ni plaques mais des dons peuvent être faits en faveur des associations Les Apprentis d’Auteuil et La Cimade.
Photo du haut : Pierre-Frédéric Tenière-Buchot © DR