par Anne Henry-Castelbou
Quels enjeux pour la COP27, qui se tient du 6 au 18 novembre 2022 à Charm el-Cheikh, en Égypte, l’un des pays les plus touchés par le changement climatique ? Les négociations sur l’application des articles de l‘Accord de Paris ayant abouti l’année dernière à Glasgow lors de la COP26, les efforts devraient se concentrer sur le soutien financier des pays les plus fragiles. Mais c’est sans compter sur la puissance de forces toujours hostiles.
Les premiers jours de la COP27, lundi 7 et mardi 8 novembre, devraient être mouvementés avec l’arrivée de chefs d’Etat durant le « segment des leaders ». Il faut dire que le régime égyptien est au taquet : gérer une affluence pouvant atteindre les 40 000 personnes pendant 15 jours, venant de 196 pays et de l’Union européenne, ce n’est déjà pas simple. Si, en plus, des manifestations s’installent en marge du site de la COP, ce serait un comble pour ce pays organisateur qui, le reste de l’année, musèle les ONG écologistes locales. Et pourtant, en amont, ça n’a pas empêché le Rainbow Warrior III de sillonner la Mer Rouge. Ce bateau de Greenpeace à énergie éolienne fait actuellement une tournée des ports (Alexandrie, Canal de Suez, Hurghada …), intitulée United for Climate Justice, pour faire se rencontrer des jeunes leaders d’ONG du Moyen-Orient et d’Afrique du Nord en vue de la COP27.
L’argent, nerf de la guerre
Cette année, la COP27, en plein continent africain, devrait concentrer les négociations autour de la question du financement des pays vulnérables. Il s’agit d’abord de la question de l’adaptation pour tenter d’atteindre enfin l’enveloppe des 100 milliards de dollars annuels promis (contre 83 milliards de dollars actuellement, dont 6 milliards de dollars de la France) pour aider les pays vulnérables à s’adapter. Il s’agit aussi de trouver un outil pour financer les pertes et dommages des pays qui ont des impacts climatiques inévitables quelles que soient les mesures prises. Et ce même si la France et les Etats-Unis plaident plutôt pour développer le réseau Santiago (des experts au service des pays vulnérables, dont certains doutent tout de même de l’efficacité. Enfin, la question de l’atténuation du réchauffement climatique est centrale. « Tel un Climatothon, la COP27 pousse maintenant les pays à revoir annuellement leur copie pour adapter leurs CDN – Contributions au niveau national », explique Antoine Bonduelle, relecteur du GIEC et spécialiste de l’atténuation. Il s’agit de réduire toujours plus vite les émissions de gaz à effet de serre, conformément aux objectifs de l’Accord de Paris de limiter le réchauffement climatique à 1,5 degrés. Seuls 23 pays, au 23 octobre 2022, l’ont fait pour l’instant cette année dont la France et l’Egypte, « même si pour l’instant, il s’agit plus d’explications renforcées que d’efforts renforcés, hormis pour l’Australie » souligne Fanny Petitbon, de l’ONG Care ONG.
Efficacité des coalitions de Glasgow
Mais beaucoup d’interrogations subsistent. La COP26 avait annoncé – créant la surprise – la création de nouvelles coalitions de pays souhaitant lutter contre les émissions de méthane, la protection de la forêt tropicale, l’aide à l’Afrique du Sud pour sortir du charbon… Ces coalitions sont-elles déjà efficaces, ou est-ce du simple greenwashing ? Les observateurs vont également surveiller l’impact de la guerre en Ukraine et de la crise énergétique sur les ambitions des pays, notamment sur le retour ou non du charbon. La mobilisation des Etats-Unis, avec l’administration Biden, pourrait aussi changer la donne sur certains sujets, comme le financement des pertes et préjudices. La validation des article s6 (fonctionnement des marchés carbone avec respect des droits humains) et 13 (outils de transparence et suivi des engagements des pays ) de l’Accord de Paris à la COP26 va mobiliser les ONG, notamment sur la création d’un dispositif indépendant de plaintes.
Blocages latents
Les négociations en amont de la COP ont été compliquées, « avec de nombreux blocages de pays émergents pollueurs faisant partie du G20. Certains n’ont pas envie de donner l’exemple pour tenter de garder la boussole des 1,5 degrés », a expliqué Stéphane Crouzat, l’ambassadeur français chargé des négociations sur le changement climatique, devant le Sénat le 12 octobre dernier. Si la première semaine devrait être technique, entre experts scientifiques, ONG et négociateurs, la deuxième semaine sera plus politique, avec la présence de ministres pour finaliser les négociations. Durant ces quinze jours, chaque pays ou groupe de pays aura son pavillon, mêlant greenwashing et échanges de bonnes pratiques. On croisera aussi les représentants des villes, régions, peuples autochtones, ONG, jeunes, entreprises, syndicats venant défendre leurs causes, sans compter les « people ». Mais, à l’issue des négociations le 18 novembre au soir, tous espèrent que de nouvelles marches soient franchies. L’urgence n’attend pas pour les 3,6 milliards de personnes qui vivent dans des zones vulnérables au réchauffement climatique.