En quelques années, le village de Muttersholtz, en Alsace, a mené de nombreuses réalisations. Nommée Capitale de la biodiversité en 2017, elle s’est ensuite engagée dans la sobriété énergétique. Un bel exemple d’action locale efficace !
par Carine Mayo
Après avoir visité la commune d’Ungersheim, notre groupe est parti le 24 juin 2022 à la découverte de Muttersholtz (Bas-Rhin), près de Sélestat. Situé sur la troisième couronne de Strasbourg, ce bourg de 2200 habitants fut autrefois très vivant avec de nombreux cafés, une église catholique, un temple protestant et une synagogue. Mais aujourd’hui, une grande part de la population travaille hors du village. Entourée par des champs de maïs et des lotissements, la commune cherche à trouver un nouveau souffle écologique, sous l’impulsion de son maire Patrick Barbier (EELV) qui entame son deuxième mandat.
Sauvegarder la biodiversité, un axe prioritaire
Traversé par l’Ill, un affluent du Rhin, le territoire de Muttersholtz est situé en grande partie en zone inondable et comporte des espaces classés Natura 2000 et une zone de captage d’eau potable. Les enjeux de protection de la biodiversité et de qualité de l’eau y sont importants, nous explique Julien Rodrigues, le secrétaire général de la mairie. Les élus ont donc décidé de passer un accord avec les agriculteurs louant les parcelles communales en échange d’une compensation écologique. Pour chaque hectare attribué, les agriculteurs doivent pratiquer la fauche tardive sur un hectare, ou bien sur un demi-hectare s’ils font de l’agriculture biologique. Et s’ils pratiquent à la fois l’agriculture biologique et de conservation (sans labour et avec couverture permanente du sol), ils sont dispensés de compensation écologique. De quoi encourager les pratiques vertueuses tout en protégeant les oiseaux qui nichent au sol et les insectes qui vivent dans ces prairies ! Ancien président d’Alsace nature, le maire a fait de la protection de la biodiversité l’une de ses priorités. Ainsi, les haies et la ripisylve (végétation boisée bordant les cours d’eau) ont été conservées et une quinzaine de mares ont été creusées. Et, pour éviter l’abandon des nombreux vergers du village, un atelier de transformation des fruits a été construit. Cela permet aux habitants de réaliser leur propre jus de pommes.
La Maison de la Nature, un lieu d’éducation
Pour déjeuner, nous nous sommes rendus à la Maison de la Nature du Ried et de l’Alsace centrale. Dans ce lieu, qui accueille de nombreux visiteurs ainsi que des classes de découverte, nous avons été reçus par Jean-François Dusart, un cuisinier passionné par le désir de transmettre. Cliquez ici pour visionner sa recette de fromage de chèvre frotté à l’épicéa.
Devenu formateur, cet ancien pâtissier emmène les groupes pratiquer la cueillette de plantes sauvages qu’il intègre ensuite dans sa cuisine. Ainsi, nous avons dégusté une délicieuse glace à la reine des prés et à la menthe aquatique ! La Maison de la Nature fait appel également aux agriculteurs du territoire pour sa cuisine et a même installé un distributeur de produits locaux pour les visiteurs.
Pour les familles, la Maison de la Nature propose une découverte de la belle zone humide environnante, en suivant un sentier qui a été aménagé pour être parcouru pieds nus, le SensoRied, jalonné de panneaux qui expliquent « les dessous du Ried » – ces prairies inondables situées entre l’Ill et le Rhin – et appellent à la sobriété. Un projet qui tient à coeur au maire, ancien instituteur. Lieu d’animation du territoire, cette Maison de la Nature joue un rôle-clé dans la formation des citoyens. C’est là qu’a été lancé le projet Muttersholtz 2050, qui a réuni des habitants décidés à mettre en œuvre une démarche de transition et a été récompensé par un Trophée de la participation.
La sobriété énergétique, un enjeu important
La commune de Muttersholtz souhaite devenir un territoire à énergie positive (TEPOS). Pour cela, elle s’est d’abord attelée aux économies d’énergie. Fini, l’éclairage à boules au sodium, énergivore et destructeur de la biodiversité ! Il a été remplacé par un éclairage à LED dont la puissance a été réduite de 50 % la nuit. Puis, les lampadaires ont été éteints de minuit à 5 h du matin. Toutefois, pour répondre à la demande des piétons et des cyclistes, la municipalité a accepté de les laisser allumés le vendredi soir et le samedi soir jusqu’à 2 h du matin.
Le groupe scolaire, le plus gros établissement consommateur d’énergie, a été rénové afin de devenir un bâtiment basse consommation (BBC), de même que la salle des fêtes et la mairie. Des travaux d’isolation efficaces, comme nous avons pu le constater dans la salle de réunion de la mairie, où la température était agréable malgré la chaleur. La commune possède également un nouveau gymnase à énergie positive qui comporte 600 mètres carrés de panneaux solaires et constitue un point de fraîcheur appréciable lors des canicules.
Pour limiter l’étalement urbain, un travail a été mené avec les propriétaires de logements vacants. En 2015-2016, il y avait à Muttersholtz 80 bâtiments non occupés (dont des anciennes granges et dépendances). Vingt d’entre eux ont été rénovés et isolés, puis mis en location. Pour cela, la municipalité a mis en place une taxe sur les logements vacants et s’est appuyée sur l’Agence nationale de l’habitat (Anah) qui a financé une partie des travaux. Un bon moyen de combler le déficit de logements locatifs à des prix abordables et d’attirer de jeunes ménages tout en minimisant la consommation d’espace et de ressources !
Enfin, la municipalité a décidé de favoriser le recours à la marche et au vélo en créant des liaisons douces : chemins, passerelles, trottoirs élargis. Des propriétaires ont même accepté de laisser passer un chemin dans leur jardin pour permettre aux enfants de se rendre de l’école au gymnase ! « Presque 100 % des enfants se sont rendus à l’école à pied, à vélo ou en trottinette au mois de mai », s’enorgueillit le maire.
Une production d’énergie locale
Des panneaux solaires sur le toit du gymnase ou de l’atelier de transformation de fruits, une chaufferie au bois qui alimente le gymnase et une école… La commune de Muttersholtz avance pas à pas sur le chemin de l’autonomie énergétique et son dynamisme lui a valu d’être reconnu comme Territoire à énergie positive pour la croissance verte (TEPCV), ce qui lui a permis d’obtenir des financements qui ont donné un coup d’accélérateur à ses projets.
Alors que sa voisine Ungersheim bénéficie de l’apport d’énergie d’une grande centrale solaire installée sur une ancienne mine de potasse, Muttersholtz a décidé d’utiliser sa principale richesse : l’eau. Trois turbines hydro-électriques ont été installées. De quoi couvrir 95 % des besoins en électricité de la commune et ne pas souffrir de la hausse des prix de l’énergie. Mais si cette production d’électricité est presque suffisante pour l’administration communale, elle est loin de couvrir les besoins des particuliers et des entreprises. Pour cela, il faudrait y ajouter la production de 7 hectares de panneaux solaires ou de deux éoliennes, l’implantation d’éoliennes étant sans doute plus facile car la commune ne dispose pas de réserve foncière suffisante pour installer des panneaux solaires. Le maire souhaiterait que cela puisse se faire sous forme de projet citoyen comme il est d’usage courant en Allemagne. « Les Allemands ont une génération d’avance », estime Patrick Barbier. « Quand je vais à Fribourg, j’ai l’impression de faire un voyage dans le futur ! » Rendez-vous donc dans quelques années pour voir comment Muttersholtz aura réussi à conjuguer exigence de sobriété, protection de la nature et production d’énergie locale.
Pour aller plus loin, découvrez ici l’article que notre adhérent Jean-Claude Noyé a consacré à la visite de Muttersholtz sur le site de la Vie (réservé aux abonnés).
Ce voyage a été réalisé avec le soutien de nos partenaires (cliquez ici pour voir la liste).
Photo du haut : le groupe JNE en balade autour de la Maison de la nature à Muttersholtz (Bas-Rhin) en compagnie du maire Patrick Barbier