Émancipation animale. Petit traité pour faire avancer les droits des animaux par Charlotte Arnal

Quiconque, non juriste, veut comprendre les enjeux légaux de la souffrance animale causée par les humains, a à sa disposition depuis février un livre très utile, écrit sur un ton très personnel, souvent drôle, et très pédagogique, qui mêle anecdotes, interviews avec des juristes, et analyses de lois. Il s’agit de Émancipation animale. Petit traité pour faire avancer les droits des animaux de Charlotte Arnal, paru aux éditions Double ponctuation.

Le premier chapitre, «Classification des espèces ou l’intérêt de bien choisir son incarnation» nous met dans le bain (glaçant), nous mettant en garde contre le risque de se réincarner dans une souris blanche, un taureau de combat, un homard européen, un cheval de course, un canard mulard, un loup ou un escargot. La description du quotidien de ces animaux nous fait froid dans le dos, d’autant plus que leurs souffrances accompagnent banalement notre vie de tous les jours.

Après un bref historique des lois, au départ purement anthropocentriques (cachez-moi cette souffrance que je ne saurais voir, loi Grammont 1850), nous arrivons aux propositions actuellement en débat qui veulent donner un statut digne aux animaux et assurer leur réelle protection. On suit l’évolution de la pensée juridique vers la perception des animaux comme des individus à protéger qui remplace, non sans difficulté, la vue traditionnelle de la protection des espèces. Parmi les trois propositions qui émergent depuis des années 1970, la première est d’inscrire le droit de l’animal dans la Constitution, comme l’ont fait l’Inde en 1976, le Brésil en 1988, l’Allemagne en 2002, le Luxembourg en 2007 et l’Autriche en 2013. La deuxième vise à reconnaître à l’animal une personnalité juridique, rompant avec la conception dominante qui considère les animaux comme choses, comme des biens appropriables. Et enfin la troisième proposition vise à l’instauration d’un ministère de la Condition animale avec un budget de l’État consacré à l’amélioration de celle-ci. Ce que la Grande Bretagne, l’Allemagne, l’Autriche, la Suisse, la Pologne, la Moldavie, l’Estonie et la Corée du Sud ont déjà fait.

Charlotte Arnal nous montre que la deuxième proposition, qui consiste à accepter les animaux non plus comme objets mais comme sujets de droit, malgré la forte résistance des sociétés, semble aussi faire son chemin grâce à la persévérance d’ONG et de juges engagés à travers le monde. Elle illustre cette évolution par deux exemples qui font date. L’un est le cas de Sandra, un orang-outan. En 2015, après une longue procédure juridique, Sandra a été reconnue personne non-humaine par la justice argentine, et le gouvernement de la ville de Buenos Aire a été contraint de la libérer du zoo où elle vivait en souffrance depuis dix ans. L’autre animal, Chuco, est un ours à lunette colombien. À l’âge de 18 ans Chuco est capturé et transporté des montagnes, son milieu naturel dans un zoo sur la côte caraïbe, dans un climat tropical, qui le rendait malade. En 2018 la Cour Suprême de Colombie lui attribue l’habeas corpus, un droit fondamental, jusque là appliqué exclusivement aux humains, celui de ne pas être emprisonné arbitrairement, sans jugement. En conséquence la Cour ordonne sa remise dans les montagnes d’où il est originaire «afin qu’il puisse vivre dans de dignes conditions».

Droits des personnes humaines – droits des personnes non humaines, même combat ?

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Éditions Double ponctuation, 145 pages, 16 € – www.double-ponctuation.com
Contact presse : Étienne Galliand. Tél.: 06 13 29 13 29 – contact@double-ponctuation.com
(Suzanne Körösi)
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