D’après des contacts sur place, les cohortes de militaires russes qui ont envahi la zone de Tchernobyl n’ont pas été informés des dangers de radioactivité imprégnant les zones qu’ils traversent.
par Claude-Marie Vadrot *
Pour comprendre pourquoi les autorités russes ont fait savoir dès le début de leurs offensives contre l’Ukraine que leurs troupes avaient pris place dans la zone de Tchernobyl, il faut savoir que cette partie nord de l’Ukraine se trouve à quelques kilomètres de la Russie. Et surtout que plusieurs routes et une ligne de chemin de fer relient la ville russe de Slavutich et les deux petites cités ukrainiennes de Pripiat et de Tchernobyl. La première, qui abritait une cinquantaine de milliers d’habitants, a été totalement évacuée deux jours après l’accident nucléaire de 1986, et le reste ; l’autre, où se trouve la centrale accidentée recouverte en partie d’un sarcophage limitant les fuites radioactives sans toutes les empêcher. Cet espace toujours pollué comme plusieurs milliers de kilomètres carrés alentour accueille par roulement de deux semaines, plusieurs centaines de cadres, de techniciens et d’ouvriers qui travaillent sur ce qui reste de la centrale ou fonctionne encore. En dépit des assurances des autorités, que ce soit parmi les Russes ou parmi les Ukrainiens, les cancers sont plus nombreux que dans la moyenne de la population de l’Ukraine. Du côté de la Russie et des salariés venant travailler en train ou en autobus dans la région de Tchernobyl, il n’existe aucune information officielle.
Pourtant, la zone irradiée, à l’ouest, reste interdite et dans les hôpitaux de Kiev, on soigne toujours des affections, pas seulement cancéreuses, qui sont attribués à l’imprégnation radioactive qui affecte certains aliments, notamment les champignons. Ce qui n’empêche pas les salaries ukrainiens venant travailler dans la zone polluée de consommer en haussant les épaules les ceps et les bolets poussant en abondance dans les forêts qui entourant les villages de la zone. Et dans la plupart des isbas de la région, il est possible d’en voir sur les étagères des maisons dispersés dans la zone polluée, aussi bien en Ukraine qu’en Russie, et dans la Biélorussie toute proche.
D’après des informations communiquées par mes contacts sur place, les cohortes de militaires russes qui ont envahi la zone de Tchernobyl et se sont même installées dans la ville interdite de Pripiat n’ont pas été informés des dangers de radioactivité imprégnant les zones qu’ils traversent et dans laquelle certains bivouaquent depuis plusieurs jours. Ils paraissent séjourner dans les zones les plus radioactives sans prendre les moindres précautions et sans avoir le moindre instrument de mesure. Ils sont tout simplement « sacrifiés » par le pouvoir russe. Mais au-delà de ce risque, il y a aussi les dangers que ces militaires russes et leurs responsables font courir à des millions d’Européens en remettant en cause les équilibres technologiques et la fragilité d’une région sensible dont les autorités russes ne peuvent ou ne veulent tenir compte en installant leurs troupes et leur blindés qui tirent sans discernement. Au risque d’être la cause d’une catastrophe dépassant les conséquences d’une guerre classique comme celle qui se déroule depuis quelques jours autour de Kiev qui est d’ailleurs toute proche du périmètre sensible de Tchernobyl.
* Ancien président des JNE, Claude-Marie Vadrot s’est rendu une quinzaine de fois dans la zone de Tchernobyl et y a organisé deux voyages pour notre association.
Photo en haut : les réacteurs 5 et 6 de Tchernobyl © Jean-Baptiste Dumond