Dérangeant, ce livre de l’ancien ministre de l’Environnement de Michel Rocard l’est assurément. Car ce pionnier de l’écologisme en France (longtemps membre de notre association) y dénonce avec vigueur les orientations actuelles d’un mouvement dans lequel il ne se reconnaît plus. À travers un historique succinct (et donc forcément incomplet) mais enlevé de l’émergence des écologistes à partir du début des années 70, Brice Lalonde montre l’erreur que constitue selon lui la création d’un parti Vert. Celui-ci a eu tendance à privilégier les slogans plutôt que la réflexion, à bannir la nuance et à s’enfermer dans « un donjon doctrinaire hérissé de peurs et d’interdits ». Absorbés par leur organisation interne et la préparation des prochaines élections, les Verts ont négligé le travail de fond sur la transition écologique et se contentent de reprendre des analyses anciennes, parfois obsolètes. Ainsi, selon l’ex-leader des Amis de la Terre, le parti écologiste a raté le virage de 1988, année où, avec la création du GIEC, la lutte contre le changement climatique a commencé à s’imposer comme priorité absolue dans l’agenda environnemental mondial. Au lieu de se concentrer sur les meilleures façons de s’attaquer aux émissions de gaz de serre, les Verts ont continué à se focaliser sur le refus du nucléaire, l’un de leurs principaux thèmes historiques. Grave erreur aux yeux de Brice Lalonde, pour qui l’atome est un élément incontournable, aux côtés de la sobriété énergétique, des énergies renouvelables et des innovations technologiques telles que l’hydrogène, dans l’action pour faire face au bouleversement climatique. On regrettera que Brice Lalonde ait tendance à minimiser les risques liés à l’énergie nucléaire… et ses coûts de plus en plus extravagants.
Au fil des pages, le créateur de Génération Écologie nous relate aussi l’historique des COP consacrées au climat, avec un rare sens du concret et de la synthèse, montrant ainsi, à rebours des esprits chagrins qui, comme Greta Thunberg, les réduisent à du « bla bla », les avancées réalisées depuis 30 ans, grâce souvent à des alliances ad hoc. Il s’inquiète encore de la diabolisation des entreprises, alors que celles-ci constituent à ses yeux un élément moteur de l’action contre le changement climatique. Si engagé soit-il sur le climat, Brice Lalonde ne néglige pas pour autant les autres menaces, comme la pollution chimique, la destruction des sols, la crise de l’eau, ou, dans un autre registre, la montée de l’islamisme, négligée, voire favorisée, par beaucoup de Verts.
En résumé, ce livre qui fera grincer beaucoup de dents nous propose une vision moderne et optimiste de l’écologie, fondée sur la science et la démocratie technique (encore à inventer), et appuyée sur la relance de la construction européenne et le développement d’alliances internationales. On n’est pas forcé de partager toutes les options proposées dans cet ouvrage, mais on aurait tort de balayer d’un revers de la main ce cri d’alarme contre la dérive d’un mouvement devenu pour nombre de nos concitoyens le porte-étendard de nouvelles contraintes et d’une vision catastrophiste du monde.« Si nous développons des politiques volontaires qui orientent progressivement les modes de production et de consommation vers la tempérance, les énergies décarbonées, l’économie circulaire, la maintenance, la régénération de la nature », conclut Brice Lalonde, « nous transformerons la peur en espoir ».
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Éditions de l’Aube, 216 pages, 20 € – editionsdelaube.fr
Contact presse: Laura Imbert. Tél.: 06 21 87 09 23 – lauraimbert@editionsdelaube.com
(Laurent Samuel)
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