Protection de la nature et capitalisme : incompatibles par Pierre Grillet (JNE)

Pierre Grillet a travaillé pour la protection à la nature pendant 47 ans, d’abord dans le milieu associatif (22 ans), puis en tant que profession libérale. Témoin privilégié de l’évolution de ces structures et de leurs modes d’action, l’auteur constate que le monde associatif militant des années 1960-1980 s’est progressivement transformé en petites entreprises bien intégrées. En d’autres termes, elles sont devenues des partenaires pour accompagner les projets, promouvoir le concept de développement durable et pour certaines, se sont transformées en structures de conseils, voire en bureaux d’études.

Pierre Grillet donne l’exemple des études d’impacts. Certes elles sont intéressantes sur le plan économique puisque, le plus souvent, les salariés des associations doivent autofinancer leur poste. Au début, la tentation a été de se dire qu’en les réalisant elles-même, le travail serait bien fait et garantirait la protection de la nature. Mais avec le recul, cet alibi ne tient pas la route car collaborer avec les aménageurs, c’est forcément rentrer dans le compromis. Il aborde bien d’autres points délicats comme le système des compensations, etc. « On protège parce que l’on détruit, et la protection sert bien souvent de caution aux destructions ». Et, de fait, force est de constater que la protection de la nature actuelle légitime nombre de projets inutiles, destructeurs et coûteux en énergie, d’autant que cette question de la protection est intégrée sans trop de soucis par toutes les multinationales. Pierre Grillet cite notamment le cas du groupe Lafarge qui se targue de travailler avec plus de 100 associations de protection de l’environnement. Mais, constate Pierre Grillet analysant quelques oxymores à la mode, le développement durable n’existe pas plus que le capitalisme vert !

« Ma génération porte ainsi une lourde responsabilité face à la situation actuelle » reconnaît Pierre Grillet qui retrace dans ce livre l’histoire des associations de protection de nature et d’environnement mais aussi la genèse de la dérive qui mène à ce paradoxe : « aujourd’hui ce sont les destructions qui financent la protection ! » Saluons l’énorme travail accompli et très documenté. Il n’y a guère de pages sans notes, et c’est un signe de sa rigueur. Il livre volontiers certains souvenirs personnels de terrain et de combats, d’amitiés et d’observations, comme autant de témoignages qui donne chair au texte.

« Les associations de protection de la nature sont-elles prêtes à changer totalement de stratégie » La question est posée en conclusion après que Pierre Grillet ait fait un détour à notre relation à la nature citant des penseurs comme Glenn Albrecht ou Baptiste Morizot pour lesquels l’émotion est une clef importante. L’auteur ne franchit pas le pas pour dire que le modèle associatif est peut-être arrivé en bout de route. Il semble, en effet, que l’action aujourd’hui se passe ailleurs. Pierre Grillet cite les ZAD mais il y a aussi ces paysans-naturalistes qui font de leurs terres de véritables réserves naturelles, des groupements citoyens qui achètent des forêts pour les rendre à la nature, et bien d’autres actions encore.

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Éditions Atlante, 300 pages, 19 € – www.atlande.eu
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(Danièle Boone)
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