Lors d’une table-ronde animée le 3 octobre 2021 par Jean Kouchner, vice-président de l’Union de la presse francophone internationale (UPF), dans le cadre des Assises du journalisme de Tours, les intervenants ont abordé la question des enjeux du journalisme environnemental au sud de la Méditerranée. Une façon d’apporter un autre regard sur le traitement des sujets.
par Isabel Soubelet
Comment parle-t-on de l’environnement dans les médias au sud de la Méditerranée ? C’est la question à laquelle a tenté de répondre Myriam Essid, cheffe de projet à CFI, une filiale du groupe France Médias Monde qui agit pour favoriser le développement des médias en Afrique, dans le monde arabe, et en Asie du Sud Est. Elle a présenté les résultats d’une étude sur le rôle et la place du journalisme environnemental au Maroc, en Algérie, en Tunisie, en Egypte, au Liban et en Jordanie. Les pays du sud de la Méditerranée sont directement concernés par les enjeux environnementaux. Désertification, rareté des ressources hydriques, pollution, détérioration du littoral, gestion des déchets, modes de production polluants, enjeux liés aux mix énergétiques et à l’extractivisme (schiste, énergies renouvelables, nucléaire), enjeux de gouvernance et faiblesse des institutions en charge de l’environnement sont autant de problématiques auxquelles est confronté le monde arabe.
Mais « l’écologie ne semble pas constituer une priorité, ni pour l’opinion publique, ni pour les pouvoirs publics, ni pour les médias, a précisé Myriam Essid. Il existe très peu de journalistes spécialisés, rares sont les médias qui proposent une rubrique spécifique à l’environnement et il n’y a pas d’enseignement spécifique dans les écoles de journalisme. Cette situation est, en revanche, susceptible de changer car l’impact de l’environnement sur le vivant, l’économie, l’énergie, la santé et la société rend d’autant plus nécessaire la couverture de ces enjeux environnementaux afin de développer une conscience environnementale individuelle et collective. Le rôle de la société civile est important et l’essentiel de la communication passe par les réseaux sociaux, non par les médias traditionnels. »
De son côté, Max Bale, chef du service RFI Planète Radio, a rappelé que « la définition de la notion des problèmes environnementaux est différente selon l’endroit où on se trouve. À Madagascar, l’aspect social est primordial. Dans les lieux où les populations n’ont pas de moyens de communication, nous devons capter leur ressenti, la matière brute. C’est à mon sens, une nouvelle composante du journalisme. »
Loïc Lawson, directeur de la publication du journal Le Flambeau des démocrates au Togo, qui dispose d’une page dédiée à l’environnement, a témoigné de la situation actuelle : « au Sud du Sahara, nous avons toujours respecté l’environnement de part notre tradition, la dégradation est venue avec l’industrialisation et notamment les investissements faits par les Chinois dans de nombreux secteurs. Les plages se bétonnent ,mais au-delà de ce que nous écrivons et disons, nous pensons que nous pouvons poser des actes et sensibiliser les lecteurs, les décideurs et donc les journalistes. » Ainsi, le journal a lancé en 2019 à Lomé, l’opération « Un journaliste, un arbre » qui a permis de planter trois hectares en une journée. Fort de cette réussite, une seconde action a été menée en 2020 pour ramasser les déchets sur les plages avec les touristes et les populations. « Au Togo, le journaliste a une image forte et un rôle influent, les actions citoyennes ne peuvent fonctionner que si elles sont relayées », conclut-il. Le journalisme citoyen, une voie d’action pour sensibiliser aux questions environnementales.
Photo du haut : vue globale de la salle lors de la présentation de l’étude par Myriam Essid, cheffe de projet à CFI, lors de la table ronde sur le journalisme environnemental au sud de la Méditerranée, aux Assises du journalisme de Tours © Isabel Soubelet