Antoine Waechter, écolo depuis ses douze ans

Voici un portrait d’Antoine Waechter, basé sur l’entretien accordé par ce précurseur de l’écologie politique à l’un de nos adhérents le 22 août dernier lors des journées d’été du MEI (Mouvement écologiste indépendant).

par Michel Sourrouille

Antoine Waechter est l’un des co-fondateurs des Verts en 1984. Mais son militantisme était en germe depuis ses 12 ans, en 1961. Il découle d’un cheminement qui n’est pas intellectuel, mais sensible. Quand il était enfant, la vie foisonnait autour de son village. Il a vu disparaître son paradis, tracteurs et bulldozers ont effacé les paysages d’antan dans la moitié nord de la France. Bien avant que l’écologie ne devienne politique, il a créé à 16 ans une association, les Jeunes amis des animaux et de la nature de Mulhouse. Mais empêcher une autoroute ou lutter contre l’urbanisation était une action vouée à l’échec pendant cette période qu’on a appelé de façon présomptueuse les Trente Glorieuses. Antoine ne s’est pas avoué vaincu, il a depuis lors toujours milité, d’abord au niveau associatif, puis au niveau politique. Il garde de son enfance un sentiment très fort, toujours vivace.

Il y a pour lui deux sortes d’écologie. La sienne est sensible à la beauté de la nature, consciente de la finitude du monde, une perception encore très présente en milieu rural. Mais cette conception entre en conflit avec une vision minérale de l’existence, celle des milieux urbains où se recrutent dorénavant les militants des Verts et leurs électeurs. La planète entière risque de devenir une surface sans nature sauvage où les humains resteront avec les seules espèces qui leur sont utiles. Cette vision est insupportable pour Antoine qui garde pour référence le film de Richard Fleischer, Soleil Vert, sorti en 1973.

Antoine Waechter devient l’un des porte-parole des Verts en 1986, puis le candidat de ce parti à la présidence de la République à l’élection de 1988. Il fera une campagne sans moyens, circulant en train avec une simple valise. Mais il rassemblera pourtant 1,2 million d’électeurs. A l’assemblée générale de son parti en 1993, la motion qu’il soutient est mise en minorité et c’est la ligne politique de Dominique Voynet qui l’emporte. Antoine voulait s’opposer aux alliances électorales qui arriment l’écologie au Parti socialiste et lui faisaient perdre son âme. Il quitte alors les Verts en 1994 pour fonder le Mouvement écologiste indépendant (MEI). Depuis, toutes les différentes tentatives de rapprochement entre les deux sensibilités ont échoué. Les Verts prennent de l’importance grâce au soutien des socialistes alors que le MEI perd de l’influence. Ce parti en faveur d’une écologie de rupture va être marginalisé, et souvent grâce à des procédures déloyales. Le PS se verdit grâce aux Verts, il s’acharne à détruire toute volonté d’indépendance des écologistes. EELV, qui succède aux Verts en 2010, persiste encore aujourd’hui dans cette logique d’une « union de la gauche » à visée électoraliste. Ses dirigeants croient qu’ils vont devenir le leader d’une social-écologie en devenir, gardant l’étiquette de gauche pour combattre la droite. Mais pour Antoine, l’écologie n’est pas à marier, son projet de société va bien au-delà de l’opposition libéralisme/socialisme, il s’attaque au productivisme. Le MEI se situe dans une vision non linéaire de l’histoire, il n’y a jamais progrès ininterrompu. Tout est cyclique, c’est inéluctable. Et l’humain esclave de l’outil, oublieux de la nature, ce n’est pas une fatalité.

Contrairement aux autres partis (toutes étiquettes confondues), le MEI porte aussi une attention soutenue à la question démographique. Antoine Waechter s’explique. Le poids de l’humanité sur la planète est le produit du nombre d’humains par la consommation du Terrien moyen. Cinq milliards de personnes vivant aujourd’hui dans les pays en développement souhaitent pouvoir consommer comme nous, ce qui n’est pas illégitime. Comment un gouvernement démocratique peut-il porter le message d’une consommation frugale ? Pourtant, la situation se tend. Les Pays-Bas, par exemple, n’ont plus assez d’espace pour produire leur alimentation de façon autonome, ni même pour construire des résidences secondaires. Le MEI porte le message d’une maîtrise volontaire de la fécondité humaine. Antoine Waechter et Didier Barthès ont d’ailleurs co-écrit un livre qui sera bientôt publié, Le défi du nombre.

Retrouvez Michel Sourrouille ici sur son blog Biosphère.

Photo du haut : Antoine Waechter @ Wikipedia