Démographie, quel avenir pour l’espèce humaine ? – par Michel Sourrouille

Démographie, quel avenir pour l’espèce humaine ? C’était la question posée par le MEI (Mouvement écologiste indépendant) pour une conférence-débat le 22 août 2021 lors de ses Journées d’été. En voici un compte-rendu.

par Michel Sourrouille

Il faut souligner la prise en compte de la question démographique par le MEI. C’est le seul parti qui adopte un positionnement malthusien. De son côté, EELV ignore volontairement cette problématique, la gauche reste nataliste et l’extrême droite veut multiplier les berceaux. Pourtant, il y a une inquiétude dans la population qui constate les différents méfaits de la surpopulation. Le MEI a donc une carte à jouer. Les militants peuvent utiliser un certain nombre d’éléments de langage pour mieux se faire comprendre et intéresser l’électeur. En voici quelques-uns

Jour du dépassement
La date est calculée en croisant l’empreinte écologique des activités humaines (surfaces terrestre et maritime nécessaires pour produire les ressources consommées et pour absorber les déchets de la population) et la biocapacité de la Terre (capacité des écosystèmes à se régénérer et à absorber les déchets produits par l’homme, notamment la séquestration du CO2). Il faudrait 1,7 Terre en cette année 2021 pour subvenir aux besoins de la population mondiale de façon durable, ce qui est impossible. On dilapide le capital naturel, on ne se contente pas de ses fruits.

Malthusien
Terme peu connu et pourtant inclus dans tout dictionnaire de français. C’est une référence au livre Essai sur le principe de population de Robert Thomas Malthus publiés à partir de 1798. Il s’agit de désigner par cette expression la volonté de maîtriser la fécondité humaine.

Loi de Malthus
Lorsque la population n’est arrêtée par aucun obstacle, elle va doubler tous les vingt-cinq ans, et croît de période en période selon une progression géométrique (exponentielle). On n’obtiendra pas avec la même facilité la nourriture nécessaire. En effet, l’agriculture étant soumise à la loi des rendements décroissants, les moyens de subsistance ne peuvent jamais augmenter plus rapidement que selon une progression arithmétique (linéaire). D’où un décalage croissant entre population et alimentation.

Formule IPAT, ou équation I = P x A x T
L’impact environnemental, noté I, est le produit de trois facteurs : la taille de la Population (P), les consommations de biens et de services ou niveau de vie (A pour Affluence en anglais) et les Technologies utilisées pour la production des biens (T).

Acteurs absents
Acteur qui ne peut prendre la parole lors d’une négociation, ou qui n’est pas invité à la table des négociations. Exemple : milieu naturel, êtres vivants non humains, générations futures. (Dictionnaire du développement durable, AFNOR 2004).

Ginks, ou Green inclination no kids
Désigne les femmes qui veulent rester nullipares pour des raisons écologiques.

Pour reprendre maintenant la question posée, il faut savoir que l’espèce humaine est très récente, 300 000 ans environ… A l’échelle de la présence de la vie sur Terre, c’est une très très courte période. L’invention de l’agriculture il y a environ 10 000 ans constitue une rupture par rapport aux chasseurs-cueilleurs. Nous avons voulu forcer la terre à produire, nous nous sommes éloignés de la préservation du milieu qui nous faisait vivre… Depuis la machine à vapeur il y a deux siècles, notre civilisation thermo-industrielle a obtenu la capacité technologique de détériorer gravement les équilibres naturels ; on peut donc prévoir son effondrement. Dans ce contexte, il ne faut pas s’en tenir à une étude démographique, simple constat de l’état donné d’une population et prévision basée sur l’existant. Il faut s’interroger sur l’idée de surpopulation et donc sur le dépassement des limites.

1) Les prévisionnistes
– Malthus peut être considéré comme un précurseur de l’écologie, faisant correspondre évolution de la population et ressources alimentaires, remettant l’humain dans son milieu de vie. Aujourd’hui, son message peut s’appliquer à l’insuffisance de toutes les ressources renouvelables et non renouvelables pour soutenir le poids de notre nombre. Malthus est aussi un précurseur de la décroissance démographique. Il vaut mieux utiliser volontairement des obstacles préventifs à la fécondité plutôt que trop attendre et être obligé de subir des obstacles destructifs du type épidémies, famines et guerres.
– Le rapport au Club de Rome de 1972 (Les limites de la croissance) repose sur un des premiers modèles montrant la dynamique des systèmes. Comme Malthus, on montre qu’une évolution exponentielle n’est pas durable dans le temps ; or population, agriculture, industrie, pollution et raréfaction des ressources naturelles reposent sur cet emballement. Une version révisée, Beyond the Limits, est parue en 1992, avec une nouvelle mise à jour en 2004. Elle confirme le diagnostic de 1972. Il faut agir très vite pour contenir une évolution exponentielle, attendre c’est trop tard. Si on ne fait rien pour contenir notre productivisme et notre natalité, l’effondrement de notre système est prévu au cours de ce XXIe siècle..

2) Interrogations contemporaines sur la temporalité
– Le long terme devrait être privilégié, nous devons tenir compte des acteurs absents, considérer dans toutes nos actions le devenir de la biodiversité et le sort de nos générations futures. Or le système socio-politique garde une préférence pour le présent, protection des avantages acquis, hédonisme de la population… Savoir la planète en danger n’implique pas que nous allons agir pour la sauvegarder. Il y a certes une inquiétude par rapport au futur, mais on se contente de se griser de mots : développement durable, croissance verte, pacte vert de relance européenne… On en reste au modèle croissanciste du business as usual.
– Pourtant l’état des lieux comme support de l’avenir est bien documenté. Nous avons mis la planète au pillage, nous dépassons les limites biophysiques de la Terre. C’est ce que montre le GIEC pour le réchauffement climatique, l’IPBES pour l’extinction de la biodiversité, l’ASPO  (Association pour l’étude des pics pétrolier et gazier) pour la descente énergétique, le calcul de l’empreinte écologique pour le jour du dépassement. Il a eu lieu le 29 juillet 2021. En 1970, c’était le 29 décembre, presque l’équilibre. On peut donc prévoir un effondrement de la civilisation thermo-industrielle, un collapsus. D’ailleurs dans certains pays ou régions, les catastrophes se multiplient, certains États sont en faillite, des bandes armées font la loi, des perturbations climatiques extrêmes ont lieu, les sols sont épuisées, les ressources halieutiques exsangues, etc. Dans un tel contexte, l’état de surpopulation est avérée.
– Les prévisions démographiques disent qu’en 2100, nous serions 10 ou 11 milliards d’humains. Pourquoi pas 1 milliard seulement ? La fin des énergies fossiles, la pénurie énergétique, les déficits alimentaires massifs, les maladies non soignées en raison du démantèlement des services médicaux,… pourraient réduire la population à un niveau proche de celui del’ère pré-industrielle, soit un milliard d’êtres humains seulement.  C’est le chiffre compatible avec une agriculture organique. Le calcul de la capacité de charge de la planète et donc la détermination d’un optimum de population est nécessaire. Nous fixons politiquement des objectifs en matière d’émissions de gaz à effet de serre, nous pourrions faire la même démarche dans le domaine démographique.

Conclusion
Épidémies, famines et guerres se multiplient à l’heure actuelle, Malthus était un lanceur d’alerte qui n’a pas été écouté. Plusieurs types de solution sont possibles. Au niveau global et conformément au modèle IPAT, une politique étatique devrait à la fois mettre en place une décroissance démographique, une décroissance économique et utiliser des technologies appropriées à une réduction de notre consommation d’énergie : le vélo plutôt que la voiture ! On peut aussi agir au niveau individuel, maîtriser sa fécondité, pratiquer la grève des ventres comme les Ginks. On peut bien sûr adhérer à une association comme Démographie Responsable. On devrait enfin quand on est militant porter politiquement le message malthusien avec le MEI.

Je pense personnellement que la solution structurelle repose sur l’information/formation pour changer notre imaginaire collectif. C’est par exemple l’objectif de mon blog Biosphère. J’ai donné aujourd’hui des éléments qu’il serait utile de diffuser. En bref, pour éclairer l’avenir, devenons malthusiens. A chacun d’agir dans le bon sens, pour une démographie responsable.

Image du haut : Robert Thomas Malthus