C’est un isolant vieux comme le monde. Mais depuis dix ans, il revient à la mode. Il faut dire que les avantages sont nombreux, même s’il reste de nombreux freins à lever pour accélérer son développement. Focus dans les Hauts-de-France, la région leader de ce marché.
par Anne Henry-Castelbou
La paille est le seul isolant biosourcé, local, utilisable dès la sortie du champ. Elle peut se conserver jusque 100 ans, à l’instar de la maison Feuillette à Montargis (Loiret) et permet de stocker le carbone dans les murs. Les bâtiments sont naturellement insonorisés et peu coûteux à faire chauffer (1€/m2/an). En cas de démantèlement, la paille est compostée et recyclée.
Selon le cd2e, le pôle d’excellence de l’éco-transition basé à Loos-en-Gohelle (Pas-de-Calais) qui promeut cette solution, seuls 10 % de la paille de blé produite annuellement en France suffiraient pour isoler toutes les constructions neuves et 90 % des approvisionnements proviendraient d’un périmètre inférieur à 50 km du lieu de construction. Soit une solution pour le bâtiment qui représente 25 % des gaz à effet de serre et 44 % de l’énergie consommée en France.
Un complément de revenu
Du côté des agriculteurs, c’est un complément financier, ne concernant que 15 % de leur paille produite. Certains même se regroupent pour mutualiser les coûts, comme le collectif Artois Eco Paille qui réunit sept agriculteurs de la Communauté de communes des campagnes d’Artois. Ils se sont formés au cd2e et ont investi dans un presseur pour presser la paille (36 000 €) et un groupeur pour lier les ballots entre eux (80 000 €). Ils fournissent actuellement trois chantiers en cours.
« C’est stimulant pour les agriculteurs car au-delà de diversifier son activité, cela nous permet de travailler avec d’autres secteurs d’activité et de revaloriser l’image de la profession », souligne Fabien Duranel, un des agriculteurs du collectif et adjoint au maire de Frevin-Capelle (Pas-de-Calais).
Des ballots normés
Mais les agriculteurs n’utilisent pas n’importe quelle paille : elle est issue du blé moissonné courant août. Et le cahier des charges établi par le Réseau français de construction paille est strict : les ballots doivent mesurer 36 sur 46 cm et 90 cm de long, faire 80 à 120 kg/m3, avoir moins de 20 % d’humidité, être stocké sur palettes, avoir des fibres longues … Compter en moyenne 500 bottes pour isoler murs et toiture d’une maison de 100 m2.
Les obstacles à dépasser
Si la filière existe depuis dix ans, elle a du mal à décoller, la faute à un manque d’industrialisation du processus et de notoriété. Seuls 12 agriculteurs de la région (dont ceux du collectif Artois Eco Paille) sont formés. Le soutien financier public est partiel puisque la région accompagne le surcoût (+ 10 %) de ce type de construction, uniquement pour les bâtiments publics et non pas ceux des particuliers. Par ailleurs, cette démarche implique des coûts de stockage des bottes, un investissement en machines, des normes et contrôles plus importants et davantage de main d’oeuvre et de manipulation que pour la simple laine de verre.
La solution de la préfabrication
Pour contourner une partie des problèmes, certaines entreprises proposent – pour gagner du temps sur le chantier – de préfabriquer des caissons en bois remplis de ballots de paille, de façon automatisée, comme Activ Paille ou 2C2B Maison du charpentier en Picardie, mais aussi les entreprises Sueur et Coquart dans le Pas-de-Calais. Certains attaquent aussi le marché des particuliers comme les Ecoconstructeurs qui proposent des maisons individuelles en paille. « Et puis il faut aussi intéresser les architectes, maîtres d’oeuvres, bureaux d’étude, économistes de la construction, artisans, menuisiers, charpentiers … Depuis dix ans, 120 personnes ont déjà reçu notre formation Pro-Paille », souligne Vincent Thellier, chargé de mission filières biosourcées du cd2e.
Et pour la première fois, deux jours de portes ouvertes permettant de visiter 13 bâtiments réalisés en paille (bureaux, écoles salles polyvalentes …) ont été organisés les 25 et 26 juin derniers, par le cd2e et le Collectif Paille des Hauts de France qui développe la filière. Il faut dire que les Hauts-de-France se placent en tête des régions françaises par le nombre de constructions et de professionnels formés. Il s’agit maintenant de le faire savoir.
Photo du haut : groupe scolaire Jules Ferry d’Aulnoy-lez-Valenciennes (Nord) construit en paille