La loi relative aux Obligations Réelles Environnementales (ORE) a été initiée en partie par des chercheurs du Centre de Recherches Interdisciplinaires en Droit de l’Environnement (CRIDEAU) — créé par le professeur de droit Michel Prieur au sein de l’université de Limoges. Depuis 2019, Michel Prieur (JNE) a entamé des démarches pour placer sa propriété en ORE, mais celles-ci n’ont pas encore abouti… Témoignage.
par Frédéric Plénard *
Pouvez-vous décrire l’endroit que vous voulez placer en ORE ?
C’est une propriété familiale située près de Limoges, constituée d’environ 10 hectares de prairie et 10 hectares de forêts, et comprenant une zone humide qui se jette dans la Loue. Les prairies sont entretenues par des paysans qui y viennent chercher le foin pour leurs troupeaux. Elles sont bordées de haies reconstituées, les haies originelles ayant été détruites par la Direction régionale de l’agriculture il y a 40 ans !
Pourquoi avez-vous souhaité faire cette démarche ?
Il y a deux raisons à cela. Il y a bien entendu le souci de préserver l’environnement, mais la raison la plus importante pour moi est de permettre aux générations futures de vivre sur une Terre saine et riche. J’ai fait cela pour mes enfants, mes petits- enfants, ou bien les enfants et petits-enfants des futurs propriétaires si la propriété est vendue un jour.
Qu’entendez-vous par « préservation » ?
Cette propriété n’a pas un caractère « exceptionnel », elle représente la « nature ordinaire ». La préserver et l’entretenir, c’est ne pas utiliser de pesticides, d’engrais chimiques, ou du glyphosate, entretenir les haies existantes, voire en replanter de nouvelles, préserver la zone humide pour qu’elle ne soit pas comblée, préserver la partie boisée et l’entretenir, c’est-à-dire déroncer quand les ronces envahissent, ne pas faire de coupes, enlever les espèces envahissantes comme les petits bouleaux.
Pouvez-vous nous expliquer votre démarche au plan pratique ?
J’ai engagé cette procédure début 2019, après avoir obtenu l’accord de mes quatre enfants, ce qui n’a pas été très difficile étant donné l’engagement qu’ils ont tous pour la protection de l’environnement ! J’ai ensuite choisi de contracter avec le Conservatoire des Espaces Naturels de Nouvelle-Aquitaine (ex CEN-Limousin), à la fois parce que je les connais bien, mais aussi pour leur expertise des milieux naturels. Il m’a fallu ensuite décrire mon projet et poser les bases du contrat. J’ai proposé au CEN de réaliser des inventaires naturalistes des espèces animales et végétales des lieux, de donner des conseils de gestion de la forêt, des prairies et de la zone humide, d’assurer le contrôle régulier de l’état écologique des différents écosystèmes, et de fournir éventuellement un soutien économique pour la restauration écologique de la zone humide.
Où en êtes-vous aujourd’hui, plus de deux ans après avoir lancé cette démarche ?
J’attends !! J’ai monté le dossier qui a été très bien reçu par le CEN Limousin, très motivé pour finaliser le contrat. Cela dit, il y a beaucoup de « lourdeur administrative », notamment pour les échanges de mails ou pour la question du paiement de l’acte notarié qui officialisera l’ORE (environ 1500 euros). La pratique courante est de partager ces frais entre les deux parties du contrat, or comme il n’y pas de ligne budgétaire prévue au Conseil Régional de la Nouvelle Aquitaine pour les ORE, il est très difficile pour le CNE Limousin, d’engager ces frais, soit environ 750 euros !
J’ai bon espoir que cette procédure arrive à son terme cette année, et surtout qu’elle puisse être un exemple pour que d’autres propriétaires privés, voire des communes puissent en créer partout en France, car aujourd’hui, il n’en existe qu’une dizaine environ sur tout le territoire national !
* réalisateur et enseignant, Frédéric Plénard s’intéresse aux liens entre l’enfant et la nature.
Pour aller plus loin
Texte de loi
Article L. 132-3 du code de l’environnement relatif aux ORE.
Bibliographie et liens
– Fondation pour la recherche sur la biodiversité, note de FRB, Comment développer les ORE en France ? Expériences étrangères, mars 2021.
– Rapport du gouvernement au Parlement sur la mise en œuvre du mécanisme d’ORE et sur les moyens d’en renforcer l’attractivité, janvier 2021.
– Ministère de la transition écologique et solidaire, ORE fiches de synthèse, 19 juin 2018 (site ministère).
– G.J. Martin, Les ORE, dans C. Cans et O. Cizel, Loi biodiversité, ce qui change en pratique, éd. Législatives, 2017, p.100 et s.
Ce texte est l’un des éléments d’une note de synthèse réalisée par les JNE-NA, branche régionale (Nouvelle Aquitaine) de l’association des Journalistes et écrivains pour la Nature et l’Ecologie (JNE).
Rédaction : Pierre Arnault, Michel Prieur, Frédéric Plénard, Anne-Sophie Novel. Photographies : Maurice Chatelain. Relecture : Anne-Sophie Novel, Laurent Samuel.
Coordination éditoriale et révision : Alexandrine Civard-Racinais. Mise en page : Frédérique Gilbert
A lire aussi, les autres éléments de cette note de synthèse :
– ORE, mode d’emploi
– Jacques-Eloi Duffau, l’homme qui transforme la terre en ORE
Photo du haut © Maurice Chatelain (JNE)