ORE (Obligations Réelles Environnementales), mode d’emploi 

Peu connues, les Obligations Réelles Environnementales (ORE) constituent pourtant un nouvel outil juridique à la disposition de toute personne souhaitant protéger un espace naturel : prairie, zone humide, forêt…. Des particuliers peuvent ainsi agir aux côtés des organismes publics pour préserver l’environnement. Les adhérents des JNE Nouvelle Aquitaine s’adressent à vous pour faire connaître cette disposition, l’un des tous premiers contrats ayant été signé fin 2020 entre un particulier et le département de la Gironde. Tout particulier peut organiser la protection environnementale de sa propriété grâce à la mise en place d’Obligations Réelles Environnementales (ORE). Voici ce qu’il faut savoir sur ce dispositif…

par Michel Prieur *

Pourquoi un nouveau contrat pour protéger la nature ?
Depuis 2016, une ORE permet à tout propriétaire privé d’organiser à sa guise la protection environnementale pérenne de sa propriété en passant un contrat avec une personne publique, un établissement public ou une association de protection de l’environnement. Il s’agit d’un engagement volontaire en faveur de la protection de l’environnement qui n’a pas besoin de l’État.
L’ORE permet de satisfaire à l’obligation formulée par l’article 2 de la Charte de l’environnement inscrit dans la Constitution selon lequel : « Toute personne a le devoir de prendre part à la préservation et à l’amélioration de l’environnement ».

Quelle est la finalité et la durée des ORE ?
La finalité de l’ORE est d’assurer le maintien, la conservation, la gestion ou la restauration d’éléments de la biodiversité, des paysages ou de fonctions écologiques même dans un petit espace. Sa durée maximale est de 99 ans.

Avec qui contracter ?
Il peut s’agir : d’une personne publique, par exemple le département qui gère déjà des Espaces Naturels Sensibles ; d’un établissement public, tel que le Conservatoire du Littoral, l’Office Français de la Biodiversité ou les Agences de l’Eau ; d’une personne morale de droit privé agissant pour la protection de l’environnement, comme la LPO, l’ASPAS, la SNPN ou encore les Conservatoires régionaux d’espaces naturels. Il est important de choisir un partenaire proche, motivé et expérimenté en matière de gestion de la biodiversité.

Quelle différence avec les parcs et les réserves ?
Les parcs et réserves sont créés par l’Etat selon une procédure exigeant une enquête publique. Ils ne portent que sur des espaces naturels remarquables ou qui présentent un intérêt particulier. L’ORE est décidée librement par les propriétaires privés. Elle s’applique à la « nature ordinaire » qui contribue à l’équilibre global des milieux naturels et à la protection des paysages. Aucune surface minimum n’est exigée. L’ORE ne nécessite que la signature d’un contrat « établi en forme authentique » (1).

Quel est le coût d’une ORE ?
Lorsque le contrat est établi par un notaire, les frais de celui-ci peuvent varier de 1 000 à 1 500 euros, en fonction du travail demandé. Ces frais peuvent être partagés entre les co-contractants. Le contrat ORE est dispensé des droits d’enregistrement, de la taxe de publicité foncière et de la contribution de sécurité immobilière. Les communes peuvent également décider de ne pas réclamer la taxe foncière sur les propriétés non bâties.

A qui s’impose l’ORE ?
L’ORE, en tant qu’obligation réelle, s’impose au propriétaire actuel et à tous les propriétaires futurs pour la durée de l’ORE. Les acheteurs futurs seront soumis aux obligations figurant dans l’ORE jusqu’à l’expiration du contrat. L’ORE contribue ainsi à ce que chaque propriétaire — actuel ou futur — devienne un gardien de la nature.

A quoi s’engage-t-on dans une ORE ?
Le propriétaire et son partenaire déterminent ensemble les obligations de chacun. Il s’agit d’engagements qui résultent de la seule volonté des co-contractants et non de celle de l’Etat. Le propriétaire peut s’engager par exemple à ne pas utiliser de pesticides, à ne pas couper les haies, ne pas retourner une prairie, ne pas combler une zone humide, ne pas tailler les arbres en période de nidification, ne pas utiliser de gros engins, pratiquer la permaculture, ne semer que des graines labellisées, etc.
De son côté, le co-contractant pourra s’engager à donner des conseils de gestion, procéder à des inventaires de la faune et de la flore, entretenir par fauche, broyage ou pâturage, restaurer la biodiversité, etc. La propriété est ainsi accompagnée tout au long de la durée du contrat (soutien scientifique, technique, financier).

Les terrains agricoles peuvent-ils faire l’objet d’une ORE ?
L’ORE peut s’appliquer sur des terrains faisant déjà l’objet d’un bail rural d’exploitation agricole. Mais le propriétaire doit impérativement obtenir au préalable l’accord du preneur. L’absence de réponse du preneur dans le délai de deux mois vaut acceptation. Tout refus de sa part doit être motivé.

Une ORE permet-elle de s’opposer au droit de chasse ?
La mise en œuvre d’une ORE ne remet pas en cause les droits liés à l’exercice de la chasse. Si le propriétaire souhaite interdire la chasse sur sa parcelle au nom de ses convictions personnelles (art L. 422-14 et 15 – code de l’environnement) (2), il doit en faire la demande préalable AVANT signature de l’ORE.

Une ORE peut-elle servir à des fins de compensation ?
Le propriétaire peut aussi contracter avec une personne publique imposant des compensations (3) à un opérateur de travaux. Dans ce contexte, les travaux ou aménagements visant à préserver ou à restaurer la parcelle faisant l’objet de l’ORE auront lieu aux frais de l’opérateur.

Est-il possible de modifier ou résilier une ORE ?
Oui, une clause de révision doit être prévue au contrat afin de pouvoir s’adapter à des besoins nouveaux ou modifier des obligations initiales. Idem, pour la clause de résiliation, qui doit obligatoirement figurer dans le contrat. Néanmoins, seul un motif grave, comme une catastrophe naturelle affectant l’état des lieux, peut entraîner une telle résiliation.

* Juriste et auteur, Michel Prieur est spécialiste du droit de l’environnement

(1) Cela implique que le contrat doit avoir « été reçu par des officiers publics ayant le droit d’instrumenter dans le lieu où l’acte a été rédigé, et avec les solennités requises » (articles 1369 et suivants du code civil). Un acte établi par un notaire, signé par lui et revêtu du sceau qui lui a été confié par l’État est un acte authentique.

(2) L’ASPAS peut aider les particuliers dans cette démarche.

(3) La compensation est l’option offerte aux aménageurs au stade de leur étude d’impact de choisir, pour limiter les effets sur l’environnement de leurs activités, d’Eviter, de Réduire ou de Compenser (ERC) les atteintes à l’environnement.

Pour aller plus loin
Texte de loi
Article L. 132-3 du code de l’environnement relatif aux ORE.

Bibliographie et liens
–  Fondation pour la recherche sur la biodiversité, note de FRB, Comment développer les ORE en France ? Expériences étrangères, mars 2021.
 Rapport du gouvernement au Parlement sur la mise en œuvre du mécanisme d’ORE et sur les moyens d’en renforcer l’attractivité, janvier 2021.
–  Ministère de la transition écologique et solidaire, ORE fiches de synthèse, 19 juin 2018 (site ministère).
–  G.J. Martin, Les ORE, dans C. Cans et O. Cizel, Loi biodiversité, ce qui change en pratique, éd. Législatives, 2017, p.100 et s.

Ce texte est l’un des éléments d’une note de synthèse réalisée par les JNE-NA, branche régionale (Nouvelle Aquitaine) de l’association des Journalistes et écrivains pour la Nature et l’Ecologie (JNE).
Rédaction : Pierre Arnault, Michel Prieur, Frédéric Plénard, Anne-Sophie Novel. Photographies : Maurice Chatelain. Relecture : Anne-Sophie Novel, Laurent Samuel.
Coordination éditoriale et révision : Alexandrine Civard-Racinais. Mise en page : Frédérique Gilbert

A lire aussi, les autres éléments de cette note de synthèse :
Signer un contrat d’ORE. Un parcours du combattant ?
Jacques-Eloi Duffau, l’homme qui transforme la terre en ORE

 

Photo du haut © Maurice Chatelain (JNE)