Un mammologiste membre des JNE nous apporte des précisions sur la présence à Paris du hérisson, dérangé par la récente destruction d’un talus ferroviaire dans le nouveau quartier Chapelle International (XVIIIe arrondissement).
par François Moutou
En mai 2017, la Direction des espaces verts et de l’environnement, division patrimoine naturel, de la mairie de Paris, a publié une fiche sur le hérisson d’Europe, « espèce cible de Paris ». Il y est rappelé qu’elle est « protégée au niveau national » (arrêté du 23 avril 2007). Il est notamment « interdit de perturber, détruire, manipuler, capturer les animaux, ainsi que de détruire, altérer leurs sites de reproduction et aires de repos. Il est également interdit de transporter, naturaliser, vendre ou acheter des spécimens prélevés dans le territoire métropolitain de la France » et elle est inscrite dans la liste rouge des mammifères continentaux de France métropolitaine.
Depuis la loi de protection de la nature de 1976, il est prévu que si un aménagement ne peut éviter de toucher à un milieu naturel, même secondaire, des mesures dites « ERC » s’appliquent. Il s’agit d’Eviter au maximum de détruire, de Réduire les destructions au minimum et de Compenser ce qui serait néanmoins détruit. Plus de 40 ans plus tard, l’expérience prouve que les mesures ERC ont plutôt été interprétées comme une manière légale de détruire (1). Comment compenser des plantes, des animaux, des milieux détruits ?
La fiche précise que « son activité nocturne le rend difficile à repérer. Il est principalement signalé dans les bois de Boulogne et de Vincennes et sur certaines portions de la Petite Ceinture ferroviaire. Il a été observé à plusieurs reprises dans les espaces verts des arrondissements périphériques, notamment dans le parc Georges Brassens (15e), le parc omnisport Suzanne Lenglen (15e), le square Louise Michel (18e) et dans certains grands cimetières extramuros comme le cimetière parisien d’Ivry (94) », espaces dont la ville de Paris est responsable. A cette liste, on peut donc ajouter le site de Chapelle International, ainsi que le Jardin des Plantes (2).
Le hérisson est une espèce bénéficiant d’un important capital sympathie de la part du public, très facilement reconnaissable, mais trop souvent vue écrasée au bord des routes dès l’arrivée du printemps. Paradoxalement, il ne semble pas qu’elle fasse l’objet de programme d’études et de recherches particuliers. Il est donc objectivement impossible de savoir à l’échelle du pays si les populations se maintiennent, ou, comme certains le craignent, s’effondrent.
Les quelques animaux présents dans Paris, faciles d’accès, présents dans des environnements très particuliers, mériteraient que l’on s’y intéresse de plus près. S’agit-il de populations résiduelles, d’individus déplacés, d’où ? Se maintiennent-ils et comment ? Au-delà, c’est l’espèce au niveau national qui justifierait un programme d’étude à la hauteur de l’enjeu de conservation qu’elle représente. A quoi bon des listes rouges, même régulièrement remises à jour, sinon ?
(1) G. Ullmann (2021), Le processus édulcoré de l’évaluation environnementale. Le Courrier de la Nature, N°327 : 35-40
(2) C. Denys, B. Pisanu, E. Stoetzel, B. Bed’hom, M. Gerbault-Seureau, et al. (2019) Biodiversité des petits Mammifères terrestres du Jardin des Plantes (Paris), Actes des Premières Rencontres Nationales Petits Mammifères, p. 36-47.
A lire en cliquant ici, l’article de Geneviève Renson (JNE) retraçant l’historique de cette affaire.
Retrouvez notre sujet photo sur cette affaire en cliquant ici.
L’éclairage juridique de Gabriel Ullmann (JNE) est à lire là.
L’éclairage naturaliste de Jean-Claude Génot (JNE) est à lire sur ce lien.