Destruction d’un talus dans le XVIIIe arrondissement de Paris : les mesures compensatoires aux impacts résiduels sont souvent des pis-allers

Un juriste membre des JNE apporte son éclairage sur la récente destruction d’un talus ferroviaire dans le nouveau quartier Chapelle International (XVIIIe arrondissement de Paris). Un article de Geneviève Renson retraçant l’historique de cette affaire est à lire en cliquant ici.

par Gabriel Ullmann

Dans le lointain, en bas du talus mis à mal, on devine des pierriers. Sur la crête, seules subsistent quelques plantes sauvages. Anéantissement de l’habitat nourricier et protecteur d’une multitude d’espèces dont le hérisson, au profit du lézard des murailles. Faut-il sacrifier une espèce pour en sauver une autre ? Photo © TLB


Il n’y a rien de plus contraignant et difficile que de réellement compenser des milieux naturels détruits. Les études et rapports conduisent tous à des constats d’échec. Lorsqu’une étude d’impact est rendue obligatoire, comme dans ce dossier (lire ici), elle doit répondre à l’exigence d’éviter en premier lieu les impacts du projet, par une bonne conception, un choix judicieux du lieu d’implantation et un juste dimensionnement dudit projet. Ensuite, il convient de réduire les impacts qui n’auront pas pu être évités, par des mesures appropriées. Enfin, ce n’est que si toutes ces mesures ne sont pas suffisantes qu’il faut compenser les impacts résiduels par la restauration ou la réhabilitation de milieux équivalents dans un sens bénéfique.

En matière de biodiversité, les mesures compensatoires sont donc destinées à compenser les atteintes prévues ou prévisibles occasionnées par la réalisation d’un projet. En vertu du code de l’environnement, elles doivent satisfaire aux conditions suivantes, qui ne sont qu’exceptionnellement respectées :

– les mesures compensatoires ne peuvent pas se substituer aux mesures d’évitement et de réduction (qui doivent être privilégiées) ;

– elles visent un objectif d’absence de perte nette, voire de gain de biodiversité ;

– elles doivent se traduire par une obligation de résultats et être effectives pendant toute la durée des atteintes ;

– elles sont géolocalisées et intégrées dans un système d’information géographique.

Il est fondamental de relever, car il s’agit d’une des très rares dispositions dans notre droit de l’environnement, l’exigence légale selon laquelle « les atteintes liées au projet ne peuvent être ni évitées, ni réduites, ni compensées de façon satisfaisante, celui-ci n’est pas autorisé en l’état ». C’est donc une obligation qui s’impose à l’autorité décisionnaire si la séquence ERC (Eviter-Réduire-Compenser) conduit in fine à un résultat insatisfaisant.

De nombreux maîtres d’ouvrage n’ont pas la culture, ou la volonté, de privilégier l’évitement à la source. Ils se réfugient bien souvent dans la compensation des impacts (et souvent réduits aux seuls impacts significatifs) qui n’ont pas pu être évités et réduits. Or, il n’y a rien de plus contraignant et difficile que de réellement compenser des milieux détruits. Les études et rapports conduisent tous au constat d’échec. L’étude publiée en septembre 2019 par le Centre d’Écologie et des Sciences de la Conservation (Muséum national d’Histoire naturelle-CNRS), et par le laboratoire Écologie Systématique Évolution (AgroParisTech, CNRS, Université Paris-Sud), conclut que dans 80 % des projets d’aménagement étudiés, ces mesures ne compensent pas les destructions des milieux naturels. Et pourtant, l’échantillonnage a porté sur « ce qui se fait de mieux » en France…

En plus, et le cas est flagrant dans cette affaire, les mesures compensatoires peuvent porter atteinte aux milieux où elles sont réalisées, car ils abritent bien évidemment déjà une biodiversité qui n’est que très rarement étudiée préalablement à la mise en œuvre de ces mesures. D’où des impacts délétères sur ces milieux. Au global, c’est la double peine pour la biodiversité.

Retrouvez l’article complet de Geneviève Renson (JNE) en cliquant ici.

Retrouvez notre sujet photos en cliquant ici.

L’éclairage naturaliste de Jean-Claude Génot  (JNE) est à lire sur ce lien.

Pour en savoir plus sur la situation du hérisson à Paris, lisez ici l’article de François Moutou.