Des droits enfin pour les végétaux ? compte-rendu de la 3e table-ronde du colloque JNE du 11 mars 2021.

Voici le compte-rendu de la troisième table-ronde du colloque des JNE sur le thème « quels droits pour les plantes ? », qui s’est tenu le 11 mars 2021.

Compte-rendu rédigé par Hervé Jane

Comment lutter contre la destruction de la nature et des plantes ? En prenant le point de vue de la plante et en cessant tout orgueil anthropomorphisme. Une démarche novatrice et audacieuse. Trois intervenants se croisent pour dégrossir cette approche tant sur le plan parlementaire, législatif et éthique que prospectif sur le plan juridique.

Joël Labbé

Joël Labbé, sénateur du Morbihan, initiateur de la loi Labbé en 2014 : comment encadrer les usages des plantes
Le droit est-il un outil efficace pour protéger les espèces, réguler ou empêcher les cueillettes ? Le sujet n’est « pas facile à aborder au parlement malgré les enjeux » : la biodiversité n’y est jamais traitée sous l’angle du droit des plantes.
L’interdiction des pesticides a pourtant un impact sur le végétal et entraîne un « changement culturel » dans la ville où « la végétation spontanée est tolérée et appréciée ». A Blois : en deux ans exempts de pesticides, 300 espèces végétales spontanées se sont développées, créant un attrait et un lien au végétal. Des associations introduisent désormais la connaissance de la flore locale à la formation de jardinier. Même le cimetière, jusqu’alors écarté de la loi, connaît aussi une révolution : de minéral, il est devenu végétalisé. Preuve du changement dans le non-agricole (1).
La convention citoyenne sur le climat voulait faire reconnaître « le crime d’écocide » (tuer l’écosystème), seul celui de délit contre l’écosystème l’est. Une mission d’information prône en vrac la reconnaissance des herboristes, à l’heure où 80 % de nos plantes médicinales sont importées. Une formation d’herboriste devrait être proposée dans le métier de paysan (diversité, santé). Des plantes sont à réhabiliter (pâquerettes). La création de jardin biologique dans les écoles primaires apprend à reconnaître le patrimoine végétal, l’usage des plantes dans les pratiques de soins. L’idée d’un observatoire de la cueillette est intéressante, car certaines sont parfois excessives.
Joël Labbé a publié un rapport d’information sur Les plantes médicinales et l’herboristerie : à la croisée de savoirs ancestraux et d’enjeux d’avenir, Sénat, 2018

Georges Feterman

Georges Feterman, président de l’association A.R.B.R.E.S. : reconnaître des droits aux arbres, une nécessité
Georges Feterman a une approche concrète. Reconnaître des droits aux arbres est une nécessité. «  La déclaration des droits de l’arbre » a d’abord préservé les arbres remarquables. De fait, c’est une « déclaration d’amour » qui recueille le signalement des abattages, ces « appels au secours ». L’arbre, « objet de droit » pour Napoléon, est conçu désormais comme « un être vivant au-dessus et sous le sol ». On ne peut faire n’importe quoi. Il faut les «  respecter » hors de la forêt et dans la forêt. Les hommes peuvent utiliser le bois, mais « l’exploitation doit se faire dans le respect écologique de la forêt ». Les arbres ont leur vie à eux. «  Laissons-les un peu tranquilles ». Ils ont à la fois une valeur infinie et indéfinissable. Certaines villes (Metz) en ont déjà pris conscience. Un conseil : avant de couper des arbres, il faut prendre le temps de réfléchir : «  La vie des arbres ne suit pas le même rythme que celui des hommes » !
Georges Feterman vient de publier Paysages de France au bord des chemins, éditions Delachaux et Niestlé, 2021 (avec Marc Giraud)

Géraldine Aïdan

Géraldine Aïdan, chercheure au CNRS, juriste novatrice et docteure en droit : situer les plantes dans la diversité des sujets de droit
Géraldine Aïdan situe les plantes dans la diversité des sujets de droit. Il y a des comportements humains et non humains (animaux, fleuves, arbres). Les hommes peuvent ester en justice pour obtenir des réparations. Ce n’est pas le cas des arbres qui ne comprennent pas la juridiction. Il faut donc un « gardien » qui représente les intérêts de l’arbre. Quel est le meilleur représentant ?
Les démarches de reconnaissance vont de plus en plus vers le non-humain : la nature comme la terre mère (pacamama en Bolivie), vers les fleuves (Gange et Yamuna en Inde), vers les animaux (certains singes).
Le droit positif (lois et coutumes) tend à reconnaître cette entité non humaine liée à l’intériorité (ex : souffrance du chien, vie sensible des animaux). La même démarche se tisse autour des arbres au fur et à mesure de la reconnaissance de leur intelligence, leur mémoire, et leur perception de l’environnement. Cette intériorité devient « un lieu de rencontre entre l’humain et le non humain ». C’est la fin de l’anthropocentrisme !
Oui, mais cela impliquerait que l’humain soit un sujet de droit parmi d’autres sujets de droit (les animaux à protéger de la souffrance, la nature pour freiner la crise écologique). C’est un peu la fin de notre vision utilitariste de cette nature. Une décision politique à prendre. Que cherchons-nous à propos de l’arbre ? L’ intériorité ? L’existence liée à la nature ? Est-ce le meilleur moyen ? Seront-ils mieux représentés ? Et si l’arbre objet devient sujet de droit, il y aura une échelle des sujets de droit. Et une révoolution de la pensée. Si le non-humain devient sujet de droit, il est nécessairement humain !
Géraldine Aïdan va prochainement publier L’invention du sujet psychique en droit, CNRS éditions, 2021.

Ces trois intervenants ont repensé le monde des arbres. Trois expressions précieuses sont à retenir : changement culturel chez J. Labbé, respect pour G. Feterman, et sujet de droit chez G. Aïdan. Une vraie révolution de notre pensée de la nature.

Cette table-ronde était animée par Carine Mayo.

(1) La loi agricole s’occupe des haies, de l’agriculture biologique, du maintien des prairies et des zones humides.

 

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