Ne jamais se fier au format d’une publication ! En moins de 100 pages, le présent ouvrage nous transporte dans une approche tout à la fois sensible et rigoureusement scientifique de la biologie de notre plus grand rapace nocturne, rare dans les années 70 mais en expansion depuis une vingtaine d’années (précieuse bonne nouvelle parmi une avalanche de mauvaises qui révèlent que nombre d’espèces aviennes sont désormais en difficulté pour des causes principalement anthropiques).
L’auteur, président de la LPO Loire et administrateur de la LPO Auvergne-Rhône-Alpes, a fait de Bubo bubo un de ses sujets d’étude de prédilection. En enchaînant les sorties à l’écoute et à l’observation de l’énigmatique seigneur de la nuit, il a patiemment réuni une inestimable matière – peut-être unique en France – sur l’intimité du Grand-duc. Se trouve ici réunie une succession de narrations naturalistes étalées sur plusieurs décennies, précisément datées et localisées (essentiellement dans le département de la Loire et en Haute-Loire mitoyenne).
Le style est irréprochable et trempe sa plume avec bonheur dans l’encrier de Paul Géroudet (c’est dire…) : on se délecte en lisant les évocations à la première personne du singulier ou plus souvent encore à celle du pluriel, car Patrick Balluet entraîne volontiers dans son enthousiasme des compagnons de virées crépusculaires qui font avec lui la tournée des Grands-ducs, au sens propre du terme.
L’ordre n’est pas chronologique mais suit un plan qui aborde les différents aspects de la vie de l’espèce : chant, régime alimentaire, reproduction, mortalité, territoire… La grande trouvaille, dans cette articulation, est de prendre pour prétexte une date spécifique de sortie au cours de laquelle le rapace a daigné lever le voile sur un pan de sa biologie ; puis d’y accoler un encadré hors-texte qui fait la synthèse des connaissances relatives à ce point précis. Ainsi, pour ne citer qu’un exemple, le 10 juin 2009, sur un site de la vallée du Gier, Patrick et son acolyte du jour observent un individu qu’il connaissent bien puisqu’ils l’ont familièrement baptisé « le borgne » ; ce qu’il n’est pas, mais parce qu’il a l’habitude de fermer constamment un œil sur la paroi où il niche. Cela donne à cette évocation le titre savoureux « Borgne to be wild » et sert de prolongement à un encadré qui balaie les principaux éléments connus sur la vision du Grand-duc (la bibliographie, en fin d’ouvrage, ouvre au lecteur des pistes bienvenues de lecture). C’est ainsi que le style ô combien vivant, un humour de bon aloi, le caractère précis des observations et le sérieux de l’exploitation scientifique concourent à faire d’Histoires de Grands-ducs une franche réussite éditoriale.
On rajoutera que les clichés de divers photographes du réseau associatif français, les dessins humoristiques (certains empruntés à Alexis Nouailhat) et la préface d’Allain Bougrain Dubourg viennent compléter le contenu de cette – modeste par la taille mais grande par la qualité – « monographie » du Grand-duc d’une région circoncise du Massif central.
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9,90 € à commander auprès de la LPO Loire
Contact : patrick.balluet@lpo.fr
(Yves Thonnérieux)
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