Auteur du Guide Terre Vivante de la naturopathie, le Dr Daniel Caroff explique les tenants et aboutissants de cette approche de la santé fondée sur les processus naturels de guérison. Il plaide pour sa meilleure intégration dans notre système de santé, à l’instar de pays voisins. Non sans s’interroger sur les effets à ses yeux contre-productifs de certaines mesures gouvernementales pour enrayer l’épidémie de Covid-19.
Propos recueillis par Jean-Claude Noyé
Dr Caroff, pouvez-vous définir ce qu’est la naturopathie et quelle place tient la nature dans son approche de la santé ?
Dans mon livre, j’évoque 37 grands noms de la naturopathie et détaille ce que chacun d’entre eux a apporté de spécifique. De fait, il y a diverses écoles de naturopathie et il serait trop long de les détailler ici. Toutes ont en commun de proposer un ensemble de soins visant à préserver ou à restaurer la santé par des moyens naturels et adaptés à la nature humaine. Son approche est holistique puisqu’elle prend en compte les composantes tant physique que psychique, voire spirituelle, de l’être humain. Et elle fait grand cas de son environnement. Son introducteur en France, Pierre-Valentin Marchesseau (1911-1994), a classé dix techniques de soins dans lesquelles la nature et son respect sont déterminants. Citons d’abord l’analyse fine de l’alimentation des consultants, assortie de la recommandation de manger surtout des produits bio et de faire une large place au végétal (fruits et légumes). Puis les techniques qui s’appuient sur les vertus médicinales des plantes et leurs dérivés : phytothérapie, gemmothérapie, fleurs de Bach, etc. L’eau est elle-même vue comme un élément curatif ou préventif : incitation expresse à boire des eaux de qualité, recours à l’hydrothérapie externe (bains, méthode de Kneipp, etc.) ou interne (lavement, hydrothérapie du colon …). Autre élément pris en compte : l’air que l’on respire. Moi-même, je peux, parmi mes prescriptions, recommander deux promenades par semaine en forêt, ainsi que des exercices respiratoires appropriés, etc.
La naturopathie n’insiste-t-elle pas sur le rôle négatif des toxines et des polluants ?
Absolument. Les naturopathes considèrent que la maladie survient quand l’organisme ne parvient plus à éliminer un trop-plein de toxines. Parmi celles-ci figurent au premier plan les pollutions environnementales : métaux lourds, pesticides et autres produits chimiques ingérées à notre corps défendant. Eliminer ces toxines est une recommandation essentielle. D’où le recours, entre autres, au jeûne, ainsi qu’à des diètes et cures de détox, pour peu qu’elles soient conduites avec méthode.
En France, cette discipline occupe une place marginale dans le système de santé. Ce qui n’est pas le cas dans d’autres pays …
Nous demandons la création d’un diplôme national qui unifierait les formations et validerait les acquis. En Allemagne, le diplôme de Heilpraktiker (« praticien de santé ») permet à ses titulaires de prodiguer des soins remboursés par l’assurance maladie. C’est aussi le cas en Suisse où les naturopathes bénéficient, du reste, d’une formation et de prérogatives plus étendues qu’en Allemagne. En France, le chemin pour aller vers une reconnaissance officielle de la naturopathie est encore long, mais j’ai bon espoir que nous y arrivions. Quand je suis sorti de la faculté de médecine, il y a 15 ans, j’étais le seul de ma promo à m’intéresser aux médecines complémentaires. Aujourd’hui les jeunes médecins sont plus ouverts et de plus en plus nombreux à ne pas limiter leur intérêt à la seule médecine conventionnelle (allopathique). Les choses bougent et c’est encourageant.
Quel regard portez-vous sur l’actuelle crise sanitaire ?
La pandémie de Covid 19, croisée avec la pandémie de maladies chroniques (selon le terme même utilisé par l’OMS) a causé plus de 1,9 million de morts dans le monde et plus de 60 000 en France. Pour l’essentiel des personnes âgées et/ou fragilisées notamment par ces maladies chroniques (co-morbidité). On ne peut donc pas minimiser la dangerosité du SARS-COV-2. La naturopathie offre des réponses intéressantes. Ne serait-ce qu’en renforçant les défenses immunitaires des personnes afin qu’elles soient moins vulnérables. Les travaux des neuro-scientifiques tendent à montrer qu’un sommeil de mauvaise qualité augmente considérablement le stress des individus et par, conséquent, affaiblit leur immunité. De même pour l’absence d’activité physique. Des travaux scientifiques faisant aujourd’hui consensus démontrent également que des plantes comme l’astragale et l’échinacée ont, pour booster nos défenses, un effet avéré. Ou que la pratique régulière d’une activité physique et un bon sommeil jouent un rôle important. Enfin, de nombreux travaux portant sur les huiles essentielles montrent que certaines ont une action antivirale (1). On peut les utiliser en complément ou renfort d’autres soins. Mais qui en parle ? Au début de la pandémie, j’ai contacté France Info. Je n’ai jamais eu de réponse. Et combien d’autres représentants des médecines complémentaires sont dans ce cas ! Ces thérapies ont encore moins voix au chapitre qu’en temps ordinaire. Tout juste a-t-on évoqué une possible action préventive, en renforcement de l’immunité, de la vitamine D, de la vitamine C ainsi que du zinc … Cette omerta est pour le moins étonnante. Et regrettable.
Comment jugez-vous l’action gouvernementale ?
Je conviens volontiers que le gouvernement a des choix difficiles à faire et que la crise sanitaire bouscule nos repères. Diriger un pays dans ce contexte n’est certainement pas une sinécure. Mais force est de constater que les mesures adoptées impactent toutes négativement le système immunitaire. Que ce soit les importantes restrictions apportées à la pratique d’une activité physique, la distillation de la peur, l’appauvrissement considérable de la vie sociale, avec pour corollaire, un douloureux sentiment de solitude éprouvé par de plus en plus de Français. Ou, tout bêtement, le port du masque car il induit une moins bonne oxygénation du cerveau et plus d’anxiété. Or, je le redis, les naturopathes disposent d’une panoplie de soins suffisamment étendue pour compenser et réparer en partie ces effets négatifs. Il y aurait donc des choses intéressantes à faire, en bonne intelligence avec la médecine conventionnelle, pour unir nos efforts … Dans un monde idéal, on pourrait même envisager de rembourser les consultations des naturopathes dûment formés.
Les instances officielles n’objecteront-elles pas que cette mesure pèserait sur les finances de la Sécu, et donc sur les finances publiques, pour des résultats incertains ? C’est ce même raisonnement qui a conduit au déremboursement de l’homéopathie …
Pourtant, selon des estimations sérieuses, le traitement de fond (traitement du terrain) des patients et leur suivi sur la longue durée par des naturopathes, homéopathes et autres praticiens expérimentés des médecines complémentaires aboutissent, de fait, à une réduction considérable de la consommation des antalgiques et des psychotropes. Contrairement à ce qui est dit, ces médecines réduisent, au final, les dépenses de santé. Pour avoir un ordre de grandeur des dépenses engagées, songez que les États européens ont commandé pour, au bas mot, 200 millions d’euros de remdesivir, un antiviral produit et vendu à prix d’or par le laboratoire Gilead pour soigner les personnes infectées par la Covid 19. Or son efficacité s’est révélée insuffisante, ce qui a conduit l’OMS à recommander de ne pas l’administrer !
L’impact lourd, en termes de santé mentale, de la mise à l’arrêt de notre pays et de la restriction des libertés, est pointé par beaucoup d’observateurs. Partagez-vous cette inquiétude ?
Bien sûr ! Dans mon cabinet, je reçois de plus en plus de patients dépressifs ou victimes d’une anxiété généralisée. Les personnes fragiles sont particulièrement impactées. Je vois aussi de nombreux jeunes hommes et jeunes femmes remettre en cause leur désir d’enfants au motif que le monde va trop mal, voire même, disent-ils, parce que «c’est foutu ». Raison de plus pour réagir et me mobiliser. C’est pourquoi j’ai écrit ce Guide de la naturopathie et créé, à Obernai (67) ma propre école, l’Académie de naturopathie essentielle (ANAE).
A lire : Le Guide de Terre Vivante de la naturopathie. Une approche globale et préventive de la santé, par le Dr Daniel Caroff, avec la participation de Xavier Gridelet. 415 p. Editions Terre Vivante, 29 €.
Un guide pour une approche globale de la santé
On ne saurait assez vanter les qualités de clarté et de de concision pédagogique de cet ouvrage destiné tant au grand public désireux de se soigner autrement qu’aux professionnels de santé soucieux de s’ouvrir à de nouvelles thérapies. La première partie présente l’histoire et les grands principes de la naturopathie. La deuxième s’intéresse aux principaux outils du naturopathe : alimentation, utilisation des plantes, hydrologie, psychologie, exercices respiratoires issus du yoga, massages, etc. La troisième et dernière partie du livre présente des réponses pour les principaux maux du quotidien. Un index et une large table des matières facilitent une lecture «butinante» de ce livre afin de devenir davantage acteur de sa santé et de celle de ses proches.
Le Dr Daniel Caroff bénéficie de la double casquette de médecin généraliste, dûment diplômé de la Faculté de médecine de Strasbourg, et de thérapeute formé aux médecines complémentaires. Comme tel, il exerce une médecine intégrative qui inclut la naturopathie, la médecine chinoise, l’homéopathie, la phytothérapie, la kinésiologie, la psychologie et les constellations familiales.
Un peu de vocabulaire
* Gemmothérapie : pratique à visée thérapeutique inventée par le médecin belge Pol Henry qui utilise des tissus embryonnaires végétaux en croissance tel que jeunes pousses, bourgeons et radicelles, préparés par macération dans un mélange d’eau, de glycérine et d’alcool pour obtenir un extrait nommé macérat glycériné.
* Fleurs de Bach : par extension, ce terme désigne la pratique à visée thérapeutique conceptualisée par Edward Bach, médecin homéopathe anglais. Elle utilise des « élixirs floraux », réalisés à partir des fleurs de trente-sept espèces de plantes, auxquelles s’ajoute l’eau de roche.
* Méthode de Kneipp : thérapie basée sur le recours à des bains ou à des douches froides.
(1) Sur l’action des huiles essentielles, trois liens :
http://www.plantes-et-sante.fr/articles/aromatherapie/3858-covid-19-une-nouvelle-huile-essentielle-efficace
http://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32572383/
http://www.preprints.org/manuscript/202003.0455/v1