par Olivier Nouaillas |
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Dans les cercles écologistes et militants, l’expression a souvent été employée, mais c’est la première fois qu’elle est utilisée à un aussi haut niveau de responsabilité. Ainsi, il faut prendre très au sérieux la déclaration faite par Antonio Gutteres, le secrétaire général de l’Organisation des Nations Unies (ONU) le 12 décembre 2020, soit cinq ans jour pour jour après la signature de l’Accord de Paris lors de la COP 21 pour lutter contre le changement climatique. « J’appelle aujourd’hui les responsables du monde à déclarer l’état d’urgence climatique dans leur pays jusqu’à ce que la neutralité carbone soit atteinte », a-t-il déclaré lors d’un sommet de chefs d’état, organisé en visioconférence.
« Urgence climatique » : l’expression sonne comme un rappel à l’ordre, voire comme un ultime avertissement à une communauté internationale qui fonce droit dans le mur. Pourtant, il y a cinq ans, en adoptant l’objectif de « limiter le réchauffement à 2 ° C», « si possible à 1,5°C », un timide vent d’espoir s’était levé. Pour la première fois, un accord international de limitation des gaz à effet de serre – certes juridiquement non contraignant, mais révisable tous les cinq ans – était adopté par 196 pays. L’action irresponsable de chefs d’Etats pyromanes (Donald Trump et Jair Bolsonaro en tête), mais aussi la faiblesse des engagements pris par la plupart des Etats et gouvernements nous conduisent d’ici la fin du XXIe siècle vers un réchauffement largement supérieur à 3° C, voire 4° ou 5° C, aux conséquences incalculables sur l’habitabilité de la Terre.
Certes, le Global Carbon Project vient de révéler que les émissions mondiales de CO2 ont baissé en 2020 de 7 %, un record. Mais la cause est à rechercher non pas du côté d’efforts vertueux, mais de la mise à l’arrêt de nombreux secteurs de l’économie mondiale, en raison de la pandémie de Covid-19 … D’ailleurs, la concentration de gaz à effet de serre dans l’atmosphère a continué à augmenter, atteignant 410 ppm (particules par millions) un niveau inégalé depuis trois millions d’années. Et, une étude de chercheurs de l’université McGill à Montréal, publiée la veille de Noël, dans la revue Climate Dynamics, montre que « le seuil climatique dangereux (c’est-à-dire supérieur à 1,5° C) pourrait être franchi entre 2027 et 2042 ». Autant dire que le temps nous est compté, d’autant plus que 2020 a été, de nouveau, la troisième année la plus chaude jamais observée depuis le début des relevés météorologiques.
Le pire n’est heureusement jamais sûr. Donald Trump, le leader des climatosceptiques et des démagogues anti-science, a été battu, et Joe Biden, son successeur qui va entrer en fonction le 20 janvier, parle du changement climatique comme d’« une menace existentielle ». La Cop 26, reportée d’un an, a été refixée à Glasgow en novembre 2021 et c’est elle qui, selon l’accord de Paris, peut revoir les engagements des pays à la hausse. D’ailleurs, les ONG d’environnement, toujours combatives, ont prévu d’en faire un nouveau moment de mobilisation internationale. Tout aussi important, le Congrès mondial de la nature, après deux reports pour cause de pandémie, devrait avoir lieu à Marseille du 3 au 11 septembre 2021. Car le lien entre l’urgence climatique et l’érosion de la biodiversité est, chaque jour qui passe, de plus en plus évident.
Aussi, au début de cette année 2021 cruciale, il faut prendre comme un signal très encourageant le fait que les scientifiques du GIEC, spécialistes du climat, et de l’IPBES, spécialistes de la biodiversité, ont décidé de monter un groupe de travail en commun sur la nécessaire préservation des écosystèmes, l’un des meilleurs outils pour amortir non seulement les effets du changement climatique, mais aussi le développement des zoonoses. En effet, alors que la mise en cause de la science est devenue une spécialité des milieux complotistes, « croire à la science ou pas est devenue une question éminemment politique », comme l’affirme la sociologue Eva Illouz. « Sans doute, ajoute-t-elle, celle qui va décider de l’avenir du monde ». Pas moins.
Ancien vice-président des JNE et auteur du Changement climatique pour les Nuls (First, 2014), Olivier Nouaillas tient désormais une chronique hebdomadaire « Planète verte » sur la vie.fr. Ce texte y a aussi été publié (cliquez ici).
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