Rencontres sauvages – Voyages au pays des ours par Jean-Paul Thévenin

De 1984 à 2014, Jean-Paul Thévenin a séjourné une quinzaine de fois dans la Cordillère cantabrique, dans le Nord-Ouest de l’Espagne en quête de l’ours brun, animal qu’il admire tout particulièrement, comme un comble du sauvage en quelque sorte. Dans ces Rencontres sauvages, il dit ses attentes, ses émotions mais aussi ses déceptions lorsque, après des heures d’affûts ou des kilomètres de marche difficile, son désir ne récolte pas de fruit. Mais ce qui reste et qui le remplit toujours de bonheur et de gratitude, ce sont bien ces rencontres magiques, dix-sept au total. « L’un des moments les plus intenses vécus au cours des séjours dans la Cordillère est la rencontre avec ce jeune ours, un adolescent âgé de deux ans et demi peut-être, déambulant sur l’estive d’un col au petit matin. (…) il n’y avait que lui, ce jeune ours totalement libre qui avait décidé de franchir le col pour venir voir ce qu’il y avait de ce côté, et moi, qui n’en croyait pas mes yeux de le voir déambuler en plein soleil ! » Jean-Paul Thévenin campait là depuis trois jours, seul. Le plus souvent assis sur un promontoire parmi les grands genêts à balai, il espérait sans certitude. Sa connaissance de l’espèce et ses descriptions très précises du comportement de l’ours font de ce livre bien plus qu’un simple récit de voyages. La nature sauvage de la Cordillère cantabrique offre aussi d’autres cadeaux grandement appréciés par l’auteur : les loups, les grands rapaces, les grands tétras… Il nous donne envie d’y être.

Ce récit témoigne aussi de l’évolution sur trente ans de la vie rurale, des paysages et de l’économie. De l’abandon des brañas, hameau d’étables et de granges dans la montagne où les villageois se retrouvaient l’été, à l’artificialisation des terres qui empiète sur le territoire du sauvage, le monde moderne est à l’œuvre même dans cette Cordillère qui semblait pourtant si lointaine, si préservée. La pression du tourisme nature est une autre menace. « Des observatoires bien placés, pourquoi pas, admet Jean-Paul Thévenin, s’ils permettent à plus de personnes de profiter du spectacle unique d’une ourse suitée, sans apporter de perturbation. Mais il est à souhaiter qu’on n’aille pas jusqu’à appâter et nourrir les ours comme des animaux domestiques. » L’auteur sait de quoi il parle. En 2017, au Canada, il a cédé à la tentation d’un affût à l’ours noir, succès garanti disait le prospectus et s’est retrouvé en groupe dans un observatoire. Les ours, effectivement, étaient au rendez-vous pour… se nourrir à une mangeoire ! Avouez que pour un amoureux du sauvage, l’expérience a du être amère. Alors, plus jamais cela conclut Jean-Paul Thévenin pour qui le désir d’ours reste intact mais seulement « des rencontres plus rapprochées, plus intimes, d’homme libre à ours sauvage. »


Éditions Hesse, 180 pages, 20 €
Contact : editionshesse@gmail.com
(Danièle Boone)