Neuf photos du photographe Sebastião Salgado déchirent le regard et le cœur de cette Amazonie – que j’ai jadis traversée par le fleuve Amazone et l’affluent Soulemoes jusqu’à la Rencontre des Eaux – qui connaît aujourd’hui la pire destruction.
par Jane Hervé
Depuis plus de quinze ans, Salgado, né au Brésil, veut en préserver la nature sauvage. Il a créé l’Institut Terra, destiné à reboiser de cette forêt amazonienne boisée où il vécut dans son enfance. Cette démarche lui permet de tenter de retrouver ce monde intact. Il a monté un projet Genesis en 2004 (photo de 5 zones géographiques planétaires préservées suivies d’expositions internationales, dont Paris).
Aujourd’hui, Salgado a survolé cet immense territoire, révélant entre ciel et terre ce paysage au vert si vivant. Ce faisant, il a aussi été témoin des gigantesques feux de déboisement, provoqués par l’homme : ces plaies béantes ouvertes dans la forêt ne cessent de se multiplier et de s’agrandir. Ces « blessures ouvertes », entailles de mort photographiées du ciel, sont présentées pour la première fois à l’Espace Frans Krajcberg, avec cette sélection de neuf vues du ciel dans les Etats d’Acre, du Para, d’Amazonias, de Maranho, du Minas Gerais. On y voit les ravages des incendies si puissants que l’on croit en entendre le crépitement ravageur ! Son objectif écologique ? Ces photos en noir et blanc, inédites et émouvantes d’une « terre écorchée, mise à mort », rappellent que toute blessure sur laquelle on se penche peut guérir… L’immense Amazonie, sa force et sa vitalité, lui permettront de survivre si nous mesurons les menaces contre cet écosystème, indispensable à notre équilibre planétaire.
Une telle exposition intimiste, Blessure, est conçue comme « l’antithèse » du travail de Sebastião Salgado sur l’Amazonie « vivante et éternelle » et ses peuples – sujet d’une future exposition à la Philharmonie de Paris en avril 2021. Par sa volonté de « dénoncer » et nous forcer à agir, Sebastião Salgado rejoint le sculpteur Frans Krajcberg (1921-2017). Il l’a connu avant sa mort et partage la même passion des arbres et de la forêt brésilienne. Son engagement positif (photos et reboisement) s’inscrit dans la continuité du travail militant de Krajcberg. Les sculptures-totems de ce dernier, en bois brûlés ramassés sur les lieux de la déforestation, symbolisent selon lui « la tourmente et la résurrection de la forêt morte ». « Krajsberg serait le yin, Salgado le yang ». Or le yin n’est pas l’ennemi du yang, mais en est un « morceau ». Kracsberg dénonce la destruction de l’écosystème et pleure même devant la forêt qui brûle, Salgado propose sa cicatrisation. Des êtres complémentaires, donc auxquels il ne faut pas manquer d’adjoindre Lélia, épouse, complice et collaboratrice de Salgado dans cette immense démarche pour reconstruire un monde autre.
Exposition Blessure
Du 25 septembre 2020 au 27 février 2021
Espace Frans Krajcberg,
Centre d’art contemporain, art & nature
Chemin du Montparnasse, 21 avenue du Maine 75015 Paris
www.espacekrajcberg.fr
Contact : Capucine Boutte, chargée du développement 09.50.58.42.22 // 06.99.19.32.59 capucine.boutte@espacekrajcberg.fr