Extraites du livre L’effondrement de l’empire humain, paru en août 2020 aux éditions Rue de l’Echiquier, voici les réponses de quelques personnalités à la question : jusqu’où seriez-vous prêt à aller pour préserver le climat ?
Pablo Servigne, collapsologue : Je répondrais comme Théodore Monod lorsqu’on lui demandait pourquoi il manifestait et à quoi ça servait. « Oui, je sais, disait-il, cela ne sert à rien, mais je ne peux pas ne pas être là. » Manifester, cela montre que l’on n’est pas seul, que la question pour laquelle on marche est importante, c’est le début de quelque chose.
Arthur Keller, expert des stratégies de résilience : Faire des marches pour le climat ce n’est pas inutile, mais ça ne suffit pas. L’approche n’est pas suffisamment systémique. Admettons que 2,4 millions de personnes se mobilisent, que feraient-elles ? Elles réclameraient un changement. Lequel ! N’entretenons pas d’idées naïves sur les conditions de faisabilité d’une bascule sociétale. Il faut se mobiliser pour de bon, s’impliquer physiquement. Je pense à une Résistance en référence ouverte aux mouvements clandestins qui se sont opposés à l’occupation allemande durant la Seconde Guerre mondiale. Ce n’était pas des démarches violentes, mais au contraire des réactions face à un système d’une violence physique, idéologique et socio-économique inouïe.
Yves Cochet, politicien et effondriste : Je suis prêt à aller jusqu’à la désobéissance civile tant qu’elle n’augmente pas la souffrance des personnes et des êtres vivants. J’ai fait Mai 68, alors user du matériel inanimé sur lequel je peux, par exemple, avoir une action négative, pourquoi pas. Les barricades, je connais.
Nicolas Hulot, lanceur d’alerte : Je ne sais pas jusqu’où je suis prêt à aller, j’ai l’impression d’avoir déjà tout essayé. J’ai souvent cette tentation de me dire que j’ai fait ma part et que maintenant je peux m’occuper de ma famille. Avec ma fondation j’aide les gens sur des projets locaux. Mais je n’ai plus l’énergie nécessaire pour prendre la tête d’un grand projet. Et peut-être que je n’ai pas la force parce que je me dis que c’est trop tard.
Jean Jouzel, climatologue et membre du GIEC : Mon engagement personnel de scientifique reste un engagement de chercheur. La judiciarisation est une voie à suivre, une manière de maintenir la pression. Je ne suis pas pour l’action violente.
Isabelle Attard, anarchiste et écolo : Pour combattre les responsable du désastre, je suis prête à aller jusqu’au sabotage, bloquer une usine… mais en faisant en sorte de n’atteindre ni les hommes ni les animaux. Il faut nommer, dénoncer les responsables et combattre. Je veux édifier un collectif tel que le conçoit l’idéologie du municipalisme libertaire de Murray Bookchin.
Derrick Jensen, activiste écologiste : J’ai voué ma vie à sauver ce qui peut l’être encore. J’y pense constamment, j’y travaille, j’agis. Jusqu’où je suis prêt à aller ? Apparemment, je suis prêt à détruire ma carrière, qui aurait pu être bien différente. A chacun de mes nouveaux livres, je détruis ma réputation. Je m’en moque, ma loyauté est avec la vérité, la planète. J’ai aidé à créer une organisation, Deep Green Resistance, dont l’objectif est le démantèlement de la civilisation.
Michel Sourrouille anime le blog Biosphère-info.