Comment saboter un pipeline par Andreas Malm

Le titre du livre interpelle, parler de sabotage à une époque où le terrorisme est omniprésent dans les médias fait peur. Mais l’auteur, un Suédois à la fois maître de conférences en géographie humaine et activiste écologiste, se réfère aux luttes de libération en montrant que la non-violence absolue n’a jamais abouti à renverser un système bien installé. Même les suffragettes à partir de 1903, après des décennies sans obtenir le droit de vote, ont cassé des vitres, mis le feu à diverses cibles dans le pays, etc. Andreas Malm récuse l’usage de la violence contre les personnes, mais tout son livre tend à montrer que le sabotage devient parfois une nécessité. Il pense que le mouvement pour le climat s’est largement appuyé sur un pacifisme « pieux ». Mais quand le monde est en feu, l’assentiment de l’opinion publique à la destruction des biens qui causent l’incendie augmentera. Dans un contexte où la collapsologie montre que nous courons au désastre, il faudrait d’urgence neutraliser ce qui nous y conduit ou, un jour ou l’autre, nous finirons carbonisés. Il ose : « La dégradation de clôtures (d’une centrale à charbon) pourrait bien apparaître un jour comme un délit très mineur (page 185). »

Bien documenté sur les luttes passées et présentes, ce livre s’interroge sur les différentes conceptions de la « non-violence ». Aujourd’hui les machines de l’économie fossile constituent le problème, les tactiques les plus douces n’ont mené à rien, et rien ne semble justifier l’intégrité physique des dispositifs émetteurs de CO2. A six degré d’augmentation de la température moyenne, l’envie de faire sauter des pipelines pourrait bien être à peu près universelle dans ce qu’il restera d’humanité. Sauf que ce sera trop tard. Agir radicalement contre les biens nuisibles aujourd’hui, c’est donc faire preuve de contre-violence face à la violence de la société thermo-industrielle. Est-ce encore de la non-violence ? Andreas Malm le pense, tout en écrivant qu’il faut faire très attention : « L’extrémisme peut parfois rendre un mouvement si déplaisant qu’il le prive de toute influence (page 152) ».


La Fabrique éditions, 216 pages, 14 € – lafabrique.fr
Contact presse : tél.: 01 40 15 02 63 – lafabrique@lafabrique.fr
Michel Sourrouille