La dimension écologique dans la Constitution actuelle, adoptée en 2016, s’est vue renforcée par les propositions du comité d’experts chargé de préparer la mouture de la révision constitutionnelle soumise au débat. On y trouve les mots-clés de l’écologie: développement durable, changements climatiques, utilisation rationnelle des ressources naturelles, protection de l’environnement…
par M’hamed Rebah
Dans le Préambule (partie intégrante de la Constitution), « la dégradation de l’environnement et les conséquences négatives du changement climatique » sont citées comme préoccupation nationale, dont découle le souci de « garantir la protection du milieu naturel, l’utilisation rationnelle des ressources naturelles ainsi que leur préservation au profit des générations futures ». L’économie algérienne, qui se veut « productive et compétitive », est inscrite dans le cadre d’un développement durable.
Le rôle écologique de l’Etat est souligné par l’article 20 : « L’Etat veille à :
1. assurer un environnement sain en vue de protéger les personnes ainsi que le développement de leur bien-être;
2. améliorer la qualité de vie et assurer une éducation continue aux risques environnementaux;
3. l’utilisation rationnelle de l’eau, des énergies fossiles et autres ressources naturelles;
4. la protection de l’environnement dans ses dimensions terrestre, maritime et spatiale en prenant les dispositions adéquates pour réprimer les pollueurs ».
L’exigence de l’économie de l’eau est exprimée dans l’article 64 : « L’Etat doit veiller à la rationalisation de l’exploitation de l’eau et sa sauvegarde pour les générations futures ».
L’article 67 consacre le droit du citoyen à « un environnement sain dans le cadre du développement durable » et réaffirme de nouveau le rôle écologique de l’Etat qui « œuvre à la préservation de l’environnement ». La constitutionnalisation du « droit à un environnement sain » permet aux écologistes d’agir avec plus d’efficacité, en s’appuyant également sur l’article 15 qui stipule que « l’Etat encourage la démocratie participative au niveau des collectivités territoriales », c’est-à-dire là où les problèmes se posent concrètement.
L’article 82 rappelle à tous que « Nul n’est censé ignorer la loi. Toute personne est tenue de respecter la Constitution et de se conformer aux lois de la République ». Nul n’est au-dessus de la loi. Ce rappel est utile, sachant que les cas de violation de la législation sur l’environnement en Algérie sont fréquents, comme si elle était de « seconde zone », par rapport au reste du Droit, voire facultative, son application étant laissée à l’appréciation du « décideur » du moment.
La recherche obsessionnelle de l’amélioration du « climat des affaires » conduit à fermer les yeux sur les exigences de la protection de l’environnement, considérées comme obstacles à l’investissement. Dans cette situation, les atteintes à l’environnement prennent la forme peu perceptible de l’exploitation non durable des ressources naturelles avec le risque de leur dégradation, voire leur épuisement rapide. Face à ce risque, la Constitution contient des dispositions favorables à l’action des écologistes : l’article 19 énonce que « la propriété publique est un bien de la collectivité nationale ». Il s’agit du « sous-sol, les mines et les carrières, les sources naturelles d’énergie, les richesses minérales, naturelles et vivantes des différentes zones du domaine maritime national, les eaux et les forêts ».
En stipulant que les ressources naturelles sont le patrimoine du peuple algérien et non pas la propriété privée de particuliers, la Constitution facilite l’action du mouvement écologique. Evidemment, l’Etat, lui-même, ne devrait pas livrer ces ressources naturelles à des opérateurs économiques, par le biais de la concession, sans lui imposer un mode d’exploitation dans une perspective de durabilité. On peut citer, à titre d’exemple, l’aménagement et l’équipement de forêts qui avaient été ouvertes par le pouvoir politique précédent, aux investisseurs, « y compris du secteur privé », sur plusieurs sites, sous prétexte de créer de nouvelles sources pour le budget de l’Etat suite à la panique créée par le discours alarmiste, en automne 2017, sur les finances du pays.
Le droit environnemental en Algérie est assez fourni pour permettre de protéger les ressources naturelles et les écosystèmes face à une exploitation non écologique motivée par le profit visé par l’investisseur. Enfin, l’élargissement au domaine de l’environnement, des missions du CNES, qui devient Conseil national économique, social et environnemental, donne à la société civile un cadre de participation à la concertation sur tout ce qui touche à l’environnement (art. 220 et 221). Il reste aux écologistes à renforcer leurs associations afin d’intervenir dans la définition de la stratégie environnementale nationale, et dans le contrôle sur le terrain pour mettre un terme aux agissements qui portent atteinte à l’environnement.
Cet article a été publié dans La Nouvelle République (Alger) du mardi 19 mai 2020.