Voici les réflexions, postées à l’origine sur Facebook, d’un écrivain-journaliste des JNE sur la crise du coronavirus.
par Hugo Verlomme
Durant des millénaires nous avons vécu en tribus nomades, de chasse, de pêche, de cueillette. Nous savions nous déplacer, nous nourrir, nous défendre et trouver des abris sûrs. Nous n’avions peur ni du chaud, ni du froid. Nous affrontions parfois ces puissantes bêtes sauvages que nous admirions tant, convaincus qu’elles dominaient le monde.
Au fil du temps, nous avons forgé notre instinct au point de devenir parfaitement équipés pour subsister dans la nature sauvage. Ces connaissances vitales sommeillent en chacun de nous, pour peu qu’on s’écoute soi-même et qu’on sache écouter la nature. Nous sommes constamment bombardés de messages provenant des animaux et des plantes, mais nous n’entendons rien ou presque. Tant de réponses à nos questions les plus cruciales résident pourtant dans ce lien sacré avec la nature. S’en couper signifie perdre la main sur notre propre corps et devenir dépendant de la médecine industrielle.
Aurions-nous donc oublié ces âges lointains où ne faisions qu’un avec la terre mère ? Ou bien ces souvenirs immémoriaux sont-ils déjà occultés par les vagues d’informations qui nous submergent ? Notre seul bien, le plus précieux, reste notre corps. À nous de savoir le défendre, tout comme les humains d’hier se défendaient des prédateurs, des ennemis ou des envahisseurs. Notre corps pensant est un passionnant territoire d’aventures, un vaste océan tiède, riche d’une vie incroyablement variée, avec ses îles, ses territoires, ses calmes et ses tempêtes, ses marées et ses courants. Mieux connaître la nature, c’est mieux se connaître soi-même. Voilà pourquoi notre contact direct avec les éléments, les plantes et les animaux, nous aide à renouer avec nos racines primitives, tout en nous donnant la force de nous défendre face aux agressions du présent. Vivre c’est aussi combattre, que nous le voulions ou non : notre survie est le fruit d’échanges, d’alliances, de concessions, de négociations, de conflits… Chaque vie est une incroyable expérience individuelle, dont chacun est à la fois le héros et le chef d’orchestre. Le bonheur est une lente symphonie qui se forge aussi avec la douleur. La beauté est partout, sublime dans ses différences.
L’extrême beauté de la vie c’est d’être incapable de se répliquer à l’identique. D’où la perfection de ce monde infini où rien n’est pareil, ni deux individus, ni deux gouttes d’eau.
Nous avons été élevés, nourris, aimés, pendant des millions d’années par la terre-mère. Elle nous a tout donné et nous avons beaucoup exigé d’elle, encore et encore, jusqu’à épuisement, pour arriver au monde d’aujourd’hui. À notre tour désormais de l’aider, l’aimer, dans le seul but qui réunisse tous les autres : faire revivre la Terre sous toutes ses formes.
Peu à peu nous avons oublié notre instinct, perdu des repères très anciens, la capacité de survivre dans la nature, et nous avons même délégué une partie de notre corps, parfois de notre esprit, à d’autres. Nous sommes devenus assistés jusque dans notre inconscient. Nous n’avons plus besoin de chasser pour manger. Ce sont d’autres qui écoutent notre corps à notre place. En cas de danger, on sera pris en charge, donc on n’écoute plus le ciel, la mer, la montagne, le désert…
Les chemins du corps passent par ceux des champs, des forêts, des océans, c’est pourquoi en ces temps de perte de repères, on ne se trompera jamais en se tournant corps et âme vers la nature pour la soigner, comme pour notre propre bien. D’où la nécessité vitale et impérieuse de garder libre et vivant ce lien indéfectible qui nous relie à nos forêts, nos montagnes, nos plages.
Hugo Verlomme vient de publier La piste de l’eau, itinéraire aquatique et spirituel, aux éditions Quai des Brunes. Son roman-culte Mermère a récemment été réédité aux éditions ActuSF.