L’effet de l’épidémie de coronavirus sur les prix du pétrole a rehaussé la place prioritaire de l’énergie verte dans la politique énergétique de l’Algérie.
par M’hamed Rebah
Pour la première fois, la voiture électrique s’est invitée dans la réunion d’un Conseil des ministres. Le dimanche 9 mars, le président Abdelmadjid Tebboune a ordonné d’encourager l’acquisition par le secteur public de voitures électriques. Tout récemment, le ministre de l’Industrie et des Mines, Ferhat Aït Ali Braham, a annoncé que les voitures électriques hybrides remplaceraient les voitures à moteurs Diesel exclues de l’importation des véhicules de moins de 3 ans. Son argument est écologique: « les véhicules Diesel posent un problème de pollution majeur ». En novembre 2019, les députés n’étaient pas de cet avis puisqu’ils ont adopté un amendement de l’article 106 du projet de loi de finances 2020, relatif à l’autorisation d’importation des véhicules touristiques d’occasion de moins de 3 ans, pour inclure les véhicules Diesel, alors que dans le texte qui leur a été présenté par le gouvernement, l’article initial prévoyait que les citoyens algériens ne pourront pas importer les véhicules Diesel. Il faut s’attendre à ce que la disposition interdisant l’importation de véhicules à moteur Diesel, soit réintroduite dans la loi de finances complémentaire annoncée par le président Tebboune. En 2018, plus du tiers du parc automobile roulait au gas oil. Le chef de l’Etat a également ordonné la conversion au Sirghaz (marque commerciale du carburant GPL, gaz de pétrole liquéfié) des voitures de service dans le secteur public. A une autre occasion, le ministre de l’Energie, Mohamed Arkab, a affirmé que l’Etat a mobilisé tous les moyens pour équiper, à l’horizon 2023, un million de véhicules en kit de GPL.
Autre fait notable qui ressort du communiqué du Conseil des ministres : l’introduction de l’énergie nucléaire dans le projet énergétique, accompagnée de la maîtrise de la gestion et du traitement des déchets nucléaires. Cette annonce n’est pas nouvelle. Il y a une quinzaine d’années, un ancien ministre de l’Energie estimait déjà opportun de commencer à envisager le développement de l’énergie nucléaire en Algérie pour la production d’électricité. Le lancement de la première centrale électrique fonctionnant à l’énergie nucléaire était même prévu pour 2020 (cette année). L’échéance est maintenant reculée à 2035. Au préalable, il faut surmonter les contraintes liées à l’électronucléaire et précisément à sa technologie réputée pour ses exigences particulièrement élevées en capitaux, en expertise scientifique et technique, en savoir-faire industriel et managérial, en maîtrise administrative, en ressources humaines hautement et très hautement qualifiées. Sur ce dernier point, l’Algérie a demandé à l’Agence internationale de l’énergie atomique (AIEA) une aide en matière de formation. Un centre de formation et d’appui à la sécurité nucléaire a vu le jour en 2012. Un comité de sécurité nucléaire, chargé d’élaborer et de mettre à jour le programme intersectoriel de sécurité nucléaire, existe depuis août 2014 et un Institut national de génie nucléaire a été créé, à la même période, pour former les ingénieurs et techniciens chargés de faire fonctionner deux centrales nucléaires de 1000 mégawatts chacune. A l’époque, rien n’avait été décidé pour le site qui conviendrait à la construction de ces centrales nucléaires, le nord du pays étant visiblement exclu pour cause de forte sismicité. Les sources officielles avaient indiqué qu’elles pourraient être implantées dans la région des Hauts-Plateaux en privilégiant, évidemment, les endroits suffisamment pourvus en ressources en eau. En octobre 2013, un haut responsable du secteur de l’Energie avait défini la consommation des diverses sources d’énergie envisagée après 2030 en Algérie, comme suit : moins de 50 % en pétrole et gaz naturel, 20 % en charbon, 25% en énergies renouvelables et le reste en nucléaire.
Aujourd’hui, on ne parle pas de charbon et l’accent est mis sur le développement des énergies renouvelables, la maîtrise de la consommation énergétique et l’efficacité énergétique, qui constituent l’essentiel de la transition énergétique inscrite dans le plan d’action du gouvernement. Dimanche 8 mars, en Conseil des ministres, le Président Tebboune a également donné des instructions pour l’utilisation immédiate de l’énergie solaire dans l’éclairage public à travers toutes les communes du pays. Selon les derniers chiffres fournis en décembre 2019 par le ministère de l’Intérieur, des Collectivités locales et de l’Aménagement du territoire, l’éclairage public constitue la plus importante source de consommation d’énergie au niveau local avec un taux de 56 % et une facture qui avoisine les 14 milliards de dinars par an (plus de 100 millions d’euros). Enfin, fait significatif : le communiqué officiel ne mentionne pas le gaz de schiste dans l’exposé du ministre de l’Energie présenté au Conseil des ministres.
Cet article a été publié dans La Nouvelle République (Alger) du jeudi 12 mars 2020.