Comment une pratique adoptée par seulement 3 % des Français (selon les sondages) a-t-elle pu gagner ces dernières années une telle attention médiatique ? Dans ce livre très tonique (on n’ose dire saignant…), le journaliste et écrivain Frédéric Denhez s’emploie à répondre à cette question en se penchant sur les tenants et aboutissants de la « cause végane ». Pour cela, il a recueilli les avis et analyses de chercheurs comme Valérie Chansigaud (historienne des sciences et de l’environnement), Frédéric Saumade (anthropologue et spécialiste de… la tauromachie) ou François Mariotti et Nicole Darmon (spécialistes de la nutrition), ainsi que de quelques agriculteurs et éleveurs, sans oublier Marc-André Selosse (professeur au Muséum national d’histoire naturelle). Au terme de cette enquête, Frédéric Denhez conclut qu’au-delà du caractère spectaculaire de certaines de ses actions (attaques contre des boucheries, vidéos chocs sur les horreurs de certains élevages et abattoirs, etc.), le succès du mouvement vegan tient en grande partie à la prise de conscience des Français sur la souffrance animale et sur les conséquences néfastes, tant pour notre santé que pour l’état de la planète, d’une surconsommation de viande.
La « cause végane » apparaît ainsi comme une réaction a priori salutaire à de vrais problèmes, mais dont la logique aboutit, comme le montre Frédéric Denhez, à l’abandon de toute forme d’élevage (considéré comme une forme d’asservissement des animaux) et donc de l’agriculture « paysanne », fondée sur l’association entre polyculture et élevage. Que faire alors des animaux qui seraient alors « libérés » ? Les relâcher dans la nature ? Ou les stériliser, au risque de rayer, exemple parmi d’autres, la vache Charolaise de la surface de la Terre ? Et par quoi remplacer l’engrais constitué par les déjections animales, sachant que, selon l’auteur, un compost exclusivement végétal épuiserait les sols, tandis que les engrais de l’agro-industrie les contamineraient ?
Pour Frédéric Denhez, la « cause végane », derrière son discours radical et contestataire, fait le jeu de l’agro-industrie, déjà très impliquée dans la mise au point et la commercialisation d’alternatives végétales à la viande. Sur le plan philosophique enfin, ce mouvement exprime aux yeux de l’auteur le rêve (ou le cauchemar ?) d’un monde où l’humanité retranchée dans ses villes vivrait séparée des animaux désormais tous sauvages (il faudrait « libérer » aussi nos chats et nos chiens de notre domination coloniale) et dispersés dans une nature enfin délivrée de la néfaste influence humaine.
A coup sûr, ce livre en fera hurler certains, tandis qu’il en ravira d’autres. Il mérite en tout cas un large débat sur un sujet en tout état de cause crucial.
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Éditions Buchet Chastel, 224 pages, 18,00 € – www.buchetchastel.fr
Contact presse : Emmanuel Amar. Tél. : 06 18 06 42 71 – amar.emmanuel@sfr.fr
(Laurent Samuel)
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