Dans cette belle « île tranquille » (dixit Le Guide du routard) des Antilles, la tranquillité des ordures ne semble pas assurée. La présence des déchets inquiète même les habitants qui en témoignent. Comme si les détritus locaux ne trouvaient pas le chemin de la benne ! Et pourtant, les services de ramassage existent…
par Jane Hervé
Dans cette île de 11 000 habitants en forme de « galette » (pas des rois !), la Galante’Tri est « une déchèterie de type mobile » dont la « remorque peut se transformer en rampe d’accès pour accéder aux bennes de déchets qu’elle transporte ». Ouf. Une information de la Communauté de Communes de Marie-Galante (CCMG)… Ces bennes accueillent « exclusivement les dépôts volontaires de déchets des particuliers : encombrants, ferrailles, déchets verts, appareils électroménagers, cartons, piles et lampes. Ce dispositif itinérant de proximité vise à éradiquer les dépôts sauvages encore trop nombreux le long de nos routes ». « Ne jetez plus vos encombrants n’importe où, continue l’information, mais attendez la présence de la déchèterie mobile près de chez vous pour nous les confier ». Une communication des dates et lieux de présence de l’équipement est mensuellement assurée par affiches, communiqués radio, mairies, CCMG…
Ainsi en décembre 2017, cette déchetterie nomade officiait en première semaine du lundi au jeudi de 10 h à 18 h à Saint-Louis (Parking stade intercommunal face à l’école L. Lubino), la semaine suivante à Grand-Bourg (Lotissement des Basses à côté du terrain de foot), celle d’après à Capesterre (Plateau sportif de Vidon), puis la dernière semaine du mardi 26 au jeudi 28 de nouveau, nouveau passage à Saint-Louis (Carrefour de Goverlo) . Beau programme de ramassage nickel qui fait rêver.
Et pourtant…
Chacun se demande aujourd’hui si ces bennes si galantes continuent à officier tant les dépôts dits sauvages résistent ça et là. Un habitant de Marie-Galante (qui nous a transmis ces photos) fait douter désormais du charme de la belle île chouchoutée par Laurent Voulzy (dans sa chanson Belle-Ile-en-Mer). De tels déchets, abandonnés à 8 000 km de la métropole, interpellent.
Une photo d’un lecteur est parue dans la rubrique Nouvelles d’un journal de Martinique qui titre carrément (semaine du 17-23 janvier 2020) Marie-Galante, l’Ile aux cent tas d’ordures. L’habitant, vivant depuis 10 ans dans la Grande Galette, affirme n’avoir « jamais vu une île aussi sale », tant il constate la présence de « dépôts d’ordures un peu partout », et le juge dû à « un ramassage d’ordures aléatoire » (environ tous les 15 jours). Quid du bien-être des habitants en une période de haute saison touristique ?
Une épidémie de dengue (1) s’est en effet déclarée fin 2019. De nombreux habitants se sont soignés eux-mêmes en restant chez eux, d’autres sont allés chez le médecin ou aux urgences de l’hôpital. Dans un « lotissement d’une trentaine de personnes, une vingtaine l’ont attrapé. Deux cas de malades ont été pris à temps au début de dengue hémorragique ». Des touristes sont repartis avec ce souvenir imprévu ! Pour certains, c’est la forme de dengue dite 2 , mais la forme dite 3 est apparue en Martinique. Aggravation qui pourrait concerner Marie-Galante, cette île agricole qui se dépeuple et perd ses jeunes. Selon les médecins consultés par une habitante, « certains organismes très fatigués par la forme 2 résistent mal à la 3 ».
L’Agence régionale de la santé (ARS) a contrôlé les maisons d’un lotissement au cours de ce mois de janvier 2020. Il ne semble pas qu’une comptabilité des cas insulaires ait encore été établie officiellement. En Guadeloupe, au stade d’épidémie de dengue, des stagiaires renforceront les effectifs dédiés à la lutte sur le terrain. Leur rôle : informer et sensibiliser le public en porte-à-porte. Ces 30 stagiaires du RSMA (Régiment du service militaire adapté) vont être formés par des experts de l’ARS. Faut-il également entamer une campagne préventive à Marie Galante ? La convention entre ARS et RSMA résulte d’une demande de concours du RSMA par la préfecture. Que penser alors des poubelles et déchets participant à la propreté et l’hygiène insulaire ? Ce n’est pas du ressort de l’ARS, affirme-t-on, mais de celui de la com des coms de Marie-Galante (CCMG) et de la mairie.
Outre cette foutue « dengue qui rend dingue » planent des risques de leptospirose liée aux bactéries contenues dans l’urine des rats qui « pullulent ». De grosses mouches, jusqu’alors inexistantes, viennent d’apparaître.
Que faire ?
Que faire écologiquement ? La taxe sur les ordures ménagères a déjà augmenté de « 27% l’an passé et pour certains de 53 % cette année ». Pour quelques habitants d’un lotissement autonome, les taxes d’habitation et foncière avoisinent « même les 10 000 euros ». De plus, il leur est nécessaire d’acquérir des produits répulsifs et autres (agressifs, nocifs, non écologiques) nécessaires pour se préserver des moustiques et autres insectes.
Comment responsabiliser les autorités ? Aux plaintes sur les détritus, on répond que « les bennes sont en panne » ! N’existe-t-il pas d’autres engins ? Ne peut-on solliciter les sociétés disposant de gros matériels de chantiers (par exemple « celle qui a construit des digues avec d’énormes rocs ») qui circulent en affectant les routes. Comment sensibiliser l’équipe technique et leur donner plus de moyens, comme mettre des poubelles dans les lieux publics, ramasser plus régulièrement les ordures ménagères et déchets, et non toutes les trois semaines ou plus, surveiller et faire ramasser les débordements des poubelles qui polluent les fossés et – par voie de conséquence – la mer. Réparer les trottoirs dangereux, les trous et nids de poule sur les routes freinerait les accidents et inciterait moins aisément à des casses sauvages ou à l’abandon de voitures sans autorisation à 50 m de l’océan et des habitations.
Même si la commune est déficitaire, les ordures semblaient ramassées à la veille des fêtes. C’est bien la preuve que quand on veut on peut ! On aimerait tant que cette belle île redevienne paisible et propice à une vie saine (2) !
(1) La dengue (voir ici le dossier de l’Inserm) se manifeste par une forte fièvre (40 ° C), accompagnée soit de céphalées sévères, de douleurs musculaires, articulaires, des nausées ou vomissements, ou des éruptions cutanées. Les formes graves de dengue sont le plus souvent observées au cours d’une deuxième infection. Une première infection entraîne la production d’anticorps dirigés contre le sérotype en cause. Mais lors d’une deuxième infection par un autre sérotype, ils ne sont pas capables de neutraliser ce dernier et facilitent au contraire sa multiplication dans les monocytes, déclenchant une réaction inflammatoire intense avec augmentation de la perméabilité vasculaire et provoquent un risque accru d’hémorragie.