La composition du gouvernement et le compte-rendu du premier Conseil des ministres, réuni après l’investiture du président Abdelmadjid Tebboune, donnent quelques indications sur le degré d’inclinaison vers l’écologie de la «nouvelle Algérie» qui a commencé à se bâtir.
par M’hamed Rebah
Dans la liste du gouvernement, outre le ministère de l’Environnement et des Energies renouvelables (confié à Nassera Benharats), maintenu tel quel, il y a des départements dont l’intitulé laisse penser que l’écologie est présente en force, comme le ministère délégué à l’environnement saharien (son titulaire est Hamza Al Sid Cheikh) et le ministère délégué à l’agriculture saharienne et des montagnes (confié à Fouad Chehat), mais aussi le ministère de la Pêche et des Productions halieutiques, qui est revenu à l’ancien ministre Sid Ahmed Ferroukhi.
Il y a donc au moins quatre ministres dont la vocation est la protection de l’environnement. D’abord, la ministre de l’Environnement et des Energies renouvelables qui a pour mission principale dans le gouvernement, de promouvoir l’écologie dans toutes ses dimensions avec une attention particulière au volet énergétique. L’agriculture saharienne et celle des montagnes font référence à deux écosystèmes, l’un, le désert, vulnérable aux risques liés aux activités économiques qui s’y déroulent et qui ont pour seul moteur le profit, et l’autre, la montagne, fragilisée par l’absence de projet de développement durable et par l’insécurité qui y a régné durant la décennie du terrorisme. Il semble clair que la nomination d’un ministre délégué à l’environnement saharien indique la volonté politique d’empêcher qu’au nom de l’amélioration du « climat des affaires », il soit porté atteinte aux équilibres écologiques du Sahara par la surexploitation de ses ressources. On pense au gaz de schiste, mais aussi aux grands projets agricoles. En plus, en nommant un chercheur en agronomie, sensible aux questions écologiques, comme ministre délégué à l’agriculture saharienne et des montagnes, il est évident, là aussi, qu’il y a une volonté politique de ne pas laisser faire sous prétexte qu’il faut encourager les investisseurs.
Autre fait significatif d’une démarche de développement durable : le retour dans le gouvernement de Sid Ahmed Ferroukhi qui avait été, depuis septembre 2012, pendant plusieurs années, ministre de la Pêche et des Ressources halieutiques. En mai 2017, ce ministère et son titulaire avaient disparu de la liste de l’exécutif. En janvier 2020, ils reviennent tous deux dans le nouveau gouvernement Djerad, avec une nuance dans l’intitulé du ministère, qui n’est sans doute pas fortuite : ministère de la Pêche et des « Productions halieutiques » et non pas des « Ressources halieutiques ». Le plan d’action du gouvernement expliquera sans doute cette différence. Mais on peut comprendre qu’il s’agit, là, de mettre en application le concept d’économie bleue introduit en Algérie, il y a quelques années, par… Sid Ahmed Ferroukhi.
Le contexte politique actuel est-il favorable à l’écologie ? Les revendications exprimées par le mouvement populaire depuis le 22 février 2019, appuyées par l’institution militaire, et progressivement prises en charge, ne concernent pas spécialement l’écologie. Le compte rendu du Conseil des ministres contient des réponses parfois explicites à ces revendications, mais il n’est pas très éloquent en matière d’écologie. La seule référence écologique se trouve dans le passage sur « l’encouragement des énergies alternatives et renouvelables avec pour objectif l’exportation, la consolidation de la présence sur le marché énergétique et la relance des mégas projets d’exportation de l’énergie renouvelable ». Cet « encouragement » est motivé par le « modèle économique solide basé sur la diversification », qui doit être « appliqué impérativement ».
L’objectif d’accroître les recettes externes justifie certainement le « retour » aux méga-projets d’exportation de l’énergie renouvelable dont le plus connu était Desertec. L’exportation d’électricité d’origine solaire vers l’Europe avait été aussi prévue dans le programme de développement des énergies renouvelables (première version). Cette perspective a été exclue de la deuxième version du programme, à cause de l’absence de volonté des partenaires européens, d’investir dans les infrastructures pour construire les interconnexions indispensables pour relier les réseaux, et aussi de leur refus d’opérer le transfert de technologie qui doit permettre à l’Algérie de se doter d’une industrie des énergies renouvelables. A l’époque, les responsables algériens expliquaient la réticence des investisseurs à se lancer dans cette aventure, par le fait que la majorité des pays européens enregistrait un surplus en électricité, notamment d’origine renouvelable. Cela avait renforcé l’incertitude sur le marché européen promis à l’électricité produite dans le Sahara algérien. Le risque, pour l’Algérie, de se retrouver un jour avec un « cimetière » de panneaux photovoltaïques en plein désert, n’était pas exclu.
Cet article a été publié dans La Nouvelle République (Alger) du mercredi 8 janvier 2020.