Climat et santé : des changements impossibles à ignorer

Risques infectieux, vagues de chaleur, pollution atmosphérique seront le quotidien des enfants nés en 2019 si la trajectoire actuelle en termes de réchauffement climatique est maintenue.

par Isabel Soubelet

Alice McGushin – photo Isabel Soubelet

Lors de la 12e conférence européenne de santé publique, organisée par l’European Public Health Association (1) (Eupha) et la Société française de santé publique (SFSP) à Marseille en novembre, une pré-conférence intitulée « Public health : how to deal with climate change » (2) a fait le point sur les impacts sur la santé du changement climatique. À l’initiative d’Air climat et de son groupe régional d’experts sur le climat (Grec), en partenariat avec l’Agence régionale de santé (ARS) Paca, elle a alerté les professionnels de santé quant aux impacts déjà visibles sur la population française.

Des vagues de chaleur plus fréquentes

Le rapport du Lancet Countdown (3) publié le 16 novembre, résultat des découvertes de 35 institutions de premier plan dont l’Organisation mondiale de la santé (OMS), le confirme à travers 41 indicateurs. « L’Europe est la région la plus vulnérable en ce qui concerne les risques sur la santé liés à l’augmentation de la température et aux canicules, souligne Alice McGushin, gestionnaire du programme Lancet Countdown on Health and climate change. Les populations les plus touchées sont les personnes âgées de plus de 65 ans ou celles de moins d’1 an. En 2018, 220 millions de personnes de plus de 65 ans ont été exposées à des chaleurs extrêmes – cela signifie être exposé à + 3°C au moins une fois – soit 11 millions de plus qu’en 2015. » Ainsi, les patients de plus de 65 ans, atteints de maladies chroniques ou d’insuffisance cardiaque ou rénale, enregistrent un risque d’aggravation de leur pathologie lors des épisodes de forte chaleur. Au début de la vie, les enfants dont le corps et le système immunitaire se développent sont eux aussi très vulnérables. Dans ce panorama très sombre, on note une bonne nouvelle. « Même si les épisodes de chaleur sont de plus en plus rapprochés et que l’Europe devient de plus en plus urbaine, cette année, la mortalité liée à la chaleur est en déclin », précise Gerardo Sanchez, conseiller technique en santé et climat, de l’université technique du Danemark. Est-ce ce que les politiques de prévention commencent à avoir des résultats ? La question n’a pour l’heure pas de réponse scientifique.

Au sein d’une même ville, la pollution de l’air varie fortement de façon locale, selon les aménagements urbains et la mobilité. Les zones à forte concentration en polluants se retrouvent dans les rues faiblement ventilées, appelées canyons urbains. Rappelons que deux paramètres principaux doivent être retenus pour déterminer le degré de pollution d’une rue : l’émission et la dispersion des polluants. « Il faut impliquer les professionnels de santé publique car c’est un travail interdisciplinaire qui doit permettre d’atteindre les populations vulnérables et prévenir les conséquences des vagues de chaleur », poursuit-il.

Boom des maladies vectorielles

À cause des conditions chaudes et humides, on assiste à une recrudescence et à une propagation plus rapide des maladies infectieuses : la bactérie Vibrio cholerae, responsable du choléra, a par exemple augmenté sa présence mondiale de 10 %. En Europe, c’est le développement des moustiques qui inquiète. « Les œufs du moustique tigre, Aedes albopictus, sont très résistants à la sécheresse et peuvent rester déshydratés durant six mois et jusqu’à un an, explique Cyril Caminade, enseignant-chercheur à l’Institut d’infection et de santé globale, à l’université de Liverpool. S’ils sont réhydratés, ils se développent. De plus, c’est un moustique urbain très adapté aux pots et aux jardinières. Son développement repose sur une conjonction de facteurs dont la vulnérabilité. Si la personne n’a jamais été exposée, elle aura une immunité moins forte. C’est le cas de la majeure partie de la population française et européenne. »

Récemment, les 9 et 21 octobre, deux cas autochtones de Zika ont été diagnostiqués à Hyères, dans le département du Var. Il s’agit donc de personnes qui ont contracté la maladie sur le territoire national. L’infection à virus Zika est une maladie qui peut se transmettre de personne à personne, par l’intermédiaire d’une piqûre de moustique tigre, de la même façon que la dengue ou le chikungunya, à condition que ce dernier soit porteur du virus. « Nous sommes loin d’une épidémie, mais c’est inquié-tant car c’est un cas autochtone », indique Cyril Caminade. Dans la région Paca, la sensibilisation des professionnels de santé a déjà engagée par des formations, elle devrait se renforcer.

1- Association européenne de santé publique.

2- « Santé publique: comment faire face au changement climatique ? »

3- Téléchargeable gratuitement après inscription sur le site, en anglais uniquement : bit.ly/2OFpylg

Cet article est paru dans le N° 410/411, décembre 2019/janvier 2020 , de L’Infirmière Magazine.

 

En chiffres
Selon le baromètre santé environnement réalisé en Paca en 2017
– 3 sur 4 des habitants de la région craignent de développer un problème de santé lié à leur environnement.
– Parmi eux, 59 % redoutent qu’il puisse être à l’origine d’anxiété, de stress ou de troubles du sommeil, 55 % d’asthme ou de maladies respiratoires, 44 % d’une maladie transmise par les moustiques et 44 % d’un cancer.