Biofilms. La vie des microbes en société par Romain Briandet et Murielle Naïtali. Illustrations Marion Jouffroy

Oh le beau sujet ! Après les réseaux insoupçonnés des champignons souterrains (« Les mycorhizes », Quæ 2008 et 2016 ), voici l’univers si important des organismes minuscules capables de s’assembler en sortes de villes fortifiées : les biofilms. Plus de 90 % des microorganismes vivent fixés la plus grande partie de leur existence et forment ces structures communautaires, au sein desquelles ils dialoguent et jouent des rôles différents. Les biofilms sont partout : dans notre corps et sur notre peau (notre microbiote cutané comprend quelque 1012 bactéries), sur nos dents, le porte-savon ou la pomme de douche, les stations d’épuration, dans les nuages, sur les plantes, les rochers, les déserts, et jusque dans les abysses : un biofilm d’Halomonas titanicae est en train de ronger inexorablement les 47 000 tonnes de fer du Titanic. 

S’intéresser à la vie de ces communautés de microorganismes aurait fait un ouvrage absolument passionnant, mais celui-ci s’attache essentiellement aux biofilms qui ont un intérêt pour l’humain, comme ceux des croûtes de fromage, et surtout ceux qui nous causent problème, tels ceux qui sont responsables des maladies nosocomiales et des infections. Ce qui nous fait un livre tout aussi passionnant, mais dans un registre plus « intéressé ». Il nous fait réviser pas mal d’idées reçues, telle l’efficacité de désinfectants comme l’eau de javel, impuissante contre les biofilms : il faut donc nettoyer avant de désinfecter ! 

En 2018, Thomas Pesquet étudiait dans l’espace le comportement de surfaces permettant d’empêcher la formation de biofilms, car ils sont extrêmement résistants, ils s’installent dans les tuyauteries et participent à la corrosion des centrales nucléaires. Entre les biofilms et les humains, la course aux armements s’accélère. Elle comporte des faces inquiétantes, car les souches microbiennes multirésistantes aux antibiotiques se développent et devraient provoquer 10 millions de décès dès 2050 ; et des faces plus positives avec la réalisation de nouveaux médicaments ou la dégradation de marées noires et autres pollutions. Pour les microorganismes comme pour les insectes, n’oublions pas que malgré les quelques espèces qui nous gênent, la plupart nous sont indispensables : nos propres biofilms sont nos meilleures défenses contre les autres microorganismes.


Éditions Quæ, 16 € – www.quae.com
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(Marc Giraud)